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Film découvert à l'occasion de la 11ème édition du festival Kinotayo
Le bateau s’éloigne, ouvrant la mer en deux, telles les pages d’un livre. Jun est seule sur l’arrière pont d’un vaste bateau, respirant l’air marin avec la posture de celle qui n’a plus rien à perdre, et qui a tout à redécouvrir.
Cut. A l’eau de mer mousseuse, sinueuse, succède l’eau de la larme, plus légère, moins sensuelle, cette larme qui vient s’échouer sur les joues de Sakurako, la meilleure amie de Jun. De cette matière aquatique, qu’elle remplisse l’écran ou qu’elle devienne détail de visage, naît le secret lien affectif qui relie les deux jeunes femmes, qui connecte un être libéré à un autre en souffrance.
11ème édition du Festival du film contemporain japonais KINOTAYO
Pour la première fois depuis mes six années d’existence sur Paris, je pus enfin profiter pleinement du festival Kinotayo. Peut-être eus-je de la chance dans les coïncidences de mon planning personnel car le mois fut libéré pour une édition riche en film-fleuves nécessitant du temps. Car, n’oublions pas de le souligner, le suivi de festival est un travail aussi éreintant qu’intense, malgré l’idée préconçue que voir des films tiendrait plus du passe-temps sympathique.
Les cartes de l’expérience cinématographique furent rebattues au cours du festival, et ce fut tant mieux pour la qualité des films projetés, leur capacité à jouer des variations de rythme et des entrelacements des temps, objectifs et subjectifs, passé, présent et futur. En ce sens, le plus remarquable fut Happy Hour, extraordinaire plongée dans les réflexions et les relations d’un groupe de quatre femmes japonaises. Un chamboulement au cours de 5 douces heures et 20 minutes qui se verront offrir un article-fleuve à part… Entretemps, retour sur cinq films présentés cette année au festival.
La nouvelle réalisation de Makoto Shinkai est réussie, l’animation est maintenant complète et fidèle au souhait du cinéaste, l’équilibre entre les différents genres est élégant, le récit fort en idées. Cependant, Your Name reste très loin des éclats peut-être plus ambitieux, et assurément plus intenses, de son précédent film Le Jardin des mots, jamais sorti en salles françaises. Le ton y était plus personnel, les choix de réalisation plus audacieux et affirmés, et l’ensemble, hormis un final qui ne m’avait guère emballée, sublime. Avec Your Name, Shinkai reste fidèle à lui-même, conclut même une boucle en renvoyant à son premier long La Tour au-delà des nuages. Rien d’étonnant à ce que surgissent une prédominance du ciel, une symbolique de la destinée, un romantisme des rencontres hasardeuses, une science-fiction de l’intime... Mais après ? Le Jardin des mots semblait dessiner une route nouvelle, plus versée dans la discrétion, moins dans l’épique et le monumental. Or Your Name contraste avec cette délicatesse du précédent, ramène de gros sabots tantôt efficaces, tantôt lourds de sens.
Le cap passé des 10 ans semble donner un regain de maturité cette année au FFCP. Ainsi, si je tempérais l'année dernière contre un festival – néanmoins cher à mes yeux depuis le début – pour les nombreux soucis organisationnels encore accumulés au fil des éditions (problèmes pénibles dans le sous-titrage des films, longs retards pour des projections...), je reviens cette fois-ci sur les reproches que j'ai pu adresser. Un effort considérable fut noté sur les sous-titres, cette fois-ci bien synchronisés et aux coquilles plus rares, mais aussi dans l'accueil chaleureux et bien tenu d'un jour à l'autre. La bonne qualité de l'organisation est d'autant plus louable qu'elle fut confrontée à un inattendu et foudroyant succès du festival : les files d'attente furent longues, avec la population coréenne de Paris venue en masse, les grands amoureux du pays du Soleil Levant fidèles au rendez-vous, les refus aux grosses séances furent nombreux, et les salles se remplirent même pour les documentaires et les vieux films. Le petit regret de s'être vue refouler pour The Age of Shadows, dernier opus de Kim Jee-woon, fut cependant vite contrebalancé par la bonne ambiance régnante et de manière générale le plaisir de voir autant de spectateurs, qu'ils soient Coréens ou Français, curieux et enthousiastes face à cette cinématographie.
En outre, cette année fut exceptionnelle de par la très bonne qualité des films présents – et pour lesquels le bouche à oreille fonctionna sûrement. Le thriller, comme toujours, confirma sa force et sa grande maîtrise visuelle et rythmique ; mais le cinéma indépendant fut, encore plus cette année, tout aussi vital, ouvrant de nouvelles pistes sensibles au sein de ce paysage.
Cette grande question se pose dès lors : quand les grands distributeurs internationaux se détourneront-ils des Marvel actuels, plombants de répétition, pour embrasser cette folle vitalité déjà à l'oeuvre l'an dernier (avec Train to Busan, Man on High Heels, Veteran – ce dernier étant malheureusement resté inédit), et qui s'enrichit encore cette année (avec Tunnel, Inside Men, Asura...) ? Les films de genre coréens se révèlent mille fois profonds, et mille fois plus jouissifs, que les plus revisitées des franchises de super-héros américains.
Ainsi, lançons-nous dans un petit tour des 8 films découverts cette année...
Dans le cadre du Festival de l'Imaginaire, le chapiteau du Cirque Romanès accueillait ce mois-ci les marionnettes de l'île de Sado. Les représentations étaient l'occasion de voir une pratique rare et singulière dans le monde du théâtre de marionnettes, car à mi-chemin entre le raffinement du bunraku et le populaire du guignol.
Une réflexion sur la compositrice japonaise à travers les partitions écrites pour Zetsuen no Tempest et Nabari no Ou
Talentueuse, mais néanmoins méconnue, compositrice dans le milieu de l'animation japonaise, Michiro Oshima porte un sens musical proche à la fois de Joe Hisaishi et de Yuki Kajiura. Son orchestration symphonique lorgnant vers des effets intimistes, capables de scander les scènes d'action animées les plus virevoltantes, fait ainsi songer au collaborateur fidèle de Miyazaki. En revanche, le sentimentalisme de certaines de ses pièces approche plus le lyrisme éclatant de la fondatrice du groupe FictionJunction.
L'exposition de Nobuyoshi Araki au Musée Guimet permet de redéfinir l'image d'un photographe à la réputation trop rapidement limitée à sa spécialité du bondage. Araki est en effet souvent associé à la photographie érotique, et pour avoir mis en valeur des modèles féminins dénudés à l'aide de cordes nouées. Cette exposition du Musée proposait un parcours thématique montrant les autres obsessions d'un artiste fascinant.
LES ASSASSINS DE LA 5ÈME B (KOKUHAKU) – Kanae Minato
traduit du japonais par Jacques Lalloz
éditions Philippe Picquier, 2015
La désormais célèbre (et bouleversante) série de Kiyoshi Kurosawa s'inspirait d'un roman de Kanae Minato. Si Shokuzain'est toujours pas disponible en français dans nos librairies, Les Assassins de la 5ème B l'est et témoigne d'un style sous-jacent à l'oeuvre de Kurosawa. La cruauté surgit de situations anodines et le drame qui éclate entraîne de lourds traumatismes chez les uns et les autres. En variant les points de vue autour d'un décès accidentel d'une petite fille dans une école, Kanae Minato construit une cinglante spirale de haine et de vengeance.
Le style d'Atsushi Kaneko est d'une virtuosité surprenante, voire à des années-lumière de celui d'autres mangakas seinen (destinés aux adultes). Si je dois user d'un stéréotype pour qualifier la lecture, ce serait l'idée que le manga se dévore à toute vitesse. Car le style de Kaneko emporte en même temps qu'il sidère à chaque page. Chaque composition, vertigineuse, riche de détails, appelle néanmoins à tourner la page grâce à son sens du suspense.
DERNIER TRAIN POUR BUSAN (BOO-SAN-HAENG) – Sang-ho Yeon
Troisième d'une série de films coréens ayant déferlé sur nos écrans français cet été, Dernier Train pour Busan achève de confirmer la vitalité d'un nouveau cinéma sud-coréen situé entre les standards et la recherche d'originalité.