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Critique de Natsume Yuujinchou la série

NATSUME YUUJINCHOU (2008 ~)

La série animée

D’après Yuki Midorikawa

Studio de Production : Brain’s Base

 

Les créations comme Natsume Yuujinchou, oeuvres paisibles, agréables et modestes,  reçoivent généralement peu d’éclairage. Car ce sont souvent les constructions complexes, les sagas épiques ou les animations révolutionnaires qui agitent la toile et les réseaux sociaux en tous sens. Mais une grande partie de la production japonaise propose des séries au rythme tranquille, souvent centrées sur des péripéties quotidiennes ou une lente transformation de ses personnages. Dans le genre, et dans celui des récits de youkai, Natsume Yuujinchou est à mon sens l’une des plus grandes réussites actuelles. La régularité dans l’animation et l'esthétique, qui n’éblouit jamais, il est vrai, mais qui parvient à soulever l’émotion à quasi chaque épisode, ainsi que le délicat portrait de son héros, en constituent les atouts honorables.

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Le manga d’origine est déjà une oeuvre douce et patiente, encore en cours d’écriture, qui accompagne les aventures du jeune Natsume à travers son style reposant. Natsume, jeune lycéen, peut voir depuis son enfance les youkais, ces créatures d’ici-bas qui hantent le monde des humains. Accompagné de son fidèle Nyanko-sensei, un dragon qui le protège sous son apparence de chat rondouillet, l’adolescent se voit léguer le Livre des amis, où sont inscrits les noms des créatures assujetties à la volonté de sa grand-mère lorsqu’elle était jeune. Il doit donc réparer les torts de son ancêtre et rendre à ceux qu’il croise sur son chemin leur nom, et, de fait, leur liberté comme leur mémoire.

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Quitte à vexer les aficionados de l’oeuvre de Yuki Midorikawa, la série fut toujours pour moi un poil plus passionnante que le manga, qui est peut-être trop long, détaillé, et surtout distant vis à vis de Natsume. La précision du trait graphique de Midorikawa fait que l’on se tient souvent en retrait du protagoniste. De même, le découpage du manga se concentre d’abord sur le déroulé des aventures et les explications inhérentes au Livre des amis que détient Natsume. La série, à l’inverse, est marquée du sceau de la clarté et de la poésie : nombreux sont les moments presque vides, où le jeune adolescent se balade dans les bois, s’assoit face au crépuscule, s’endort dans la nuit aux côtés de son chat protecteur. La série, parce qu’elle repose sur une rythmique autre que celle de la pagination, peut se permettre d’instaurer une atmosphère plus apaisée, contemplative et nostalgique.

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Trois axes alternent fréquemment dans la série : les aventures ponctuelles avec les youkais ; les récits plus soutenus qui décrivent le monde des exorcistes ; et la recherche personnelle du lycéen. Ce dernier axe, en particulier, conclut souvent les fins de saisons. En cela, on ne finit pas sur les événements qui rassemblent tous les personnages ; mais sur celui qui isole complètement le protagoniste principal. Par exemple, la fin de la saison 4 se concentre sur le chemin solitaire d’un Natsume qui revient dans sa maison d’enfance pour se raccrocher aux quelques bribes de souvenir d’un père disparu.

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Natsume est un protagoniste fondamentalement intéressant et attendrissant. Troublé sans cesse par ses capacités de vision des youkais - qu’il blâme pendant une bonne partie de la série - mais aussi ses souvenirs d’enfance et la peur de l’exclusion autrefois vécue, il reconstruit de saison en saison des liens avec son environnement. Ou, du moins, avec l’environnement réel, autre que celui de la fantaisie des youkais. La rencontre avec Nyanko, qui marque le premier épisode, est la première brèche dans cette reconquête de la réalité.  A l’inverse des autres créatures rencontrées, Nyanko peut apparaître aux yeux des humains lambda. Sa forme permanente de chat (comme un maneki-neko, chat porte-bonheur, vivant !) construit un véritable pont entre le monde réel et le monde monstrueux. Par la suite, chacune des saisons sera ainsi un chemin de reconquête du personnage : vers ses nouveaux parents, vers ses camarades de lycée, vers d’autres exorcistes ; et de connaître ainsi l’esprit de famille, les meilleures amitiés, les meilleurs alliés.

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En outre, le personnage se comporte parfois comme un anti-héros : Natsume demeure discret, se cache en permanence, se tait beaucoup, même lorsqu’il est confronté à d’autres comme lui. C’est un protagoniste qui fuit les ennuis dès qu’il le peut, et aspire à la tranquillité, à la normalité.

La discrétion de Natsume renvoie à la conception singulière du fantastique dans la série. Si les youkais qui se succèdent sont tous très différents les uns des autres, allant de géants bruyants à de minuscules créatures recluses, on se situe dans une autre forme de monstruosité que celle repérée chez Shigeru Mizuki et son fameux Dictionnaire des Youkais. Une monstruosité plus discrète, jaillissante et visibles à quelques moments précis. Ces instants de terreur, qui s’imposent souvent aux premières apparitions des créatures, rappellent presque dans leur composition très soignée les films de Kiyoshi Kurosawa. Ils se fondent sur une certaine suspension qui chasse rapidement la peur, mais instaure une balance entre la poésie et l’angoisse.

Mais au-delà ces youkais sont, Natsume s’en rend compte en même temps que le spectateur, traversés par les mêmes questionnements que les humains. Peur de la solitude, recherche de sa place dans le vaste monde, incompréhension des autres… La monstruosité cède vite le pas à l’humanité.

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Au fil de la série, l’aspect menaçant émane plus des humains. En ce sens, la description des exorcistes et de leur organisation quasi proche de la secte relève d’une vision assez négative. Natsume méprise bien souvent ces exorcistes qu’il croise sur son chemin, et s’en méfie vivement. L’opposition entre le jeune homme et ces autres antagonistes ne mène heureusement jamais au manichéisme. Bien au contraire, la série est couplée de cette même intention qui fascinait les premiers fans de Hayao Miyazaki et repoussait les limites morales des oeuvres animées pour jeune public : jamais il n’y aura le moindre méchant, le moindre personnage machiavélique contre lequel il faudra lutter. Bien au contraire, si lutte il y a, elle concerne le présent et les souvenirs de Natsume, qui replonge très fréquemment dans son mutisme, hanté par sa marginalisation d’antan. Il faudra le regard attentionné d’un camarade, la boutade de son chat gourmand,  les sourires d’un père derrière son journal et les commentaires d’une mère au dîner pour fendre un peu le coeur du personnage.   

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Dans le refus du manichéisme, Natsume est en ce sens loin de l’héroisme, aspirant à une vie paisible, simple jeune qui fait de nombreuses erreurs, mais au comportement néanmoins admirable. Car Natsume Yuujinchou fait parti de ces séries au caractère profondément positif  - et que certains pourraient qualifier de naïf.

Les youkais agissent souvent selon des élans inattendus, copiés sur les nombreux défauts humains, et confessent naïvement leurs sentiments. Auprès d’eux, Natsume est rarement un moralisateur, il est plus là pour assister, accompagner. S’il est une valeur que la série se ferait l’honneur de défendre, ce serait uniquement celle de la compassion, de ce geste d’accompagner dans la douleur. Pas de leçons sur tel ou tel comportement à adopter, mais néanmoins un penchant à défendre l’écoute, le respect de l’autre et de son environnement.

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