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VERS L'AUTRE RIVE (KISHIBE NO TABI岸辺の旅) – Kiyoshi Kurosawa , 2015
Six ans après la première vision de Vers l'autre rive, le regard a muté, sans doute influencé par (les ravages d') une thèse et la meilleure appréciation d'une culture. Malgré le souvenir des déceptions qu'il avait suscité à sa sortie, ce long-métrage trouve parfaitement sa place dans la filmographie du cinéaste. Ses réflexions sur le couple et la mort, sa relecture du deuil et du fantôme suscitent une émotion plus grande, parfois enrichies par certaines spécificités culturelles.
Restitution d'un fait divers, The Bling Ring impose un éventail de propositions et de questions plutôt qu'un réel point de vue critique ou nuancé. Le parti pris endossé par Sofia Coppola consiste à rester presque strictement du côté du jeune groupe de délinquants, prolongeant au final les effets d'intimité cloisonnée sur les adolescentes blondes de The Virgin Suicides (1999) ou la reine choyée de Marie-Antoinette (2006). Par cette concentration, le film pointe les dérives, montre par pièces détachées la transformation des comportements, et ne délivre que quelques indices sur les raisons à l'origine des vols.
Soudain coupée du monde qui donnait du sens à sa vie, la productrice Chan-sil se retrouve au chômage, isolée et sans objectif. Dans cette déroute, la quête de l'amour, croisé sur le chemin, s'entremêle à celle de la passion professionnelle, peuplée par les fantômes filmiques. D'abord comédie douce-amère sur l'âge de la quarantaine, Lucky Chan-sil s'éloigne petit à petit de cette première identité et embrasse un rapport plus cinéphile, particulièrement tourné vers le cinéma art et essai asiatique. Une distance amusante se dessine sous cet écart, saisissant avec malice les vagabondages d'une héroïne sans-le sou dialoguant avec les références des films qui l'ont fait rêver.
Les films de Kôji Fukada s'éclairent les uns les autres comme ces autres filmographies kaléidoscopiques – celles d'Éric Rohmer, influence majeure sur Au Revoir l'été, d'Hong Sang-soo dans cette même filiation, ou encore de Yasujirô Ozu. Hospitalité, l'un des premiers longs-métrages de Fukada, sort en France plus de dix ans après sa réalisation. Dans le calendrier des sorties, il succède à d'autres œuvres réalisées après-coup, et au succès justifié, d'Au Revoir l'été au Soupir des Vagues, en passant par Harmonium, Sayonara ou L'Infirmière. Hospitalité complète cette filmographie plus qu'il ne l'innove car il doit son intérêt au geste rétrospectif qu'il engage, réaffirmant des motifs narratifs et esthétiques déjà éprouvés.
LUCKY STRIKE (지푸라기라도 잡고 싶은 짐승들, 2019) - Yong-hoon KIM
Le succès de Parasite a peut-être entraîné une perception biaisée sur le cinéma sud-coréen. Succédant à la Palme d'or dans le calendrier des sorties en France, Lucky Strike a en effet reçu les félicitations du premier film « prometteur », le partenariat de France Culture et une relative bonne visibilité au lendemain de la réouverture des cinémas durant l'été 2020. Pour autant, le film déçoit les attentes et sa qualité tient pour beaucoup au casting et à l'équipe technique.
D'où vient l'ennui délicat, comme flottant sur le lac, qui me saisit à la vision du cinquième long-métrage de Céline Sciamma ? Dans cette découverte pas à pas du deuil chez une enfant, la simplicité patiente du film, dont chaque plan semble faire sens et où chaque frétillement de lumière simule la recherche personnelle, aurait pu mener au jaillissement de l'émotion. Mais celle-ci, trop contenue, trop prudemment contournée, parfois escamotée, nous place en-dehors de son secret forestier.
Pour cette année qui nous a chamboulés, qui a vu les salles se fermer et les écrans d'intérieur s'illuminer, pas de traditionnel top. Ni l'envie ni l'intérêt ne furent présents pour s'engager à comparer, classer, hiérarchiser. Les années précédentes, j'élaborais toujours mon top avec un grand plaisir, aimant replonger dans mes souvenirs des salles obscures et me remémorer les expériences cinématographiques. Cette fois-ci, l'ombre et les lumières n'ont pas dansé, les voisins de rangées ont été absents, et les réels souvenirs de cinéma n'existent que faiblement dans ma mémoire. Je ne voyais pas d'intérêt à raviver ces bribes qui me rendent amère plus qu'enthousiaste.
Pourtant, je tenais à partager la découverte de certaines œuvres, la plupart vues en intérieur, dans un usuel bilan annuel. A la place du top figure donc un abécédaire de séries, films et courts-métrages asiatiques qui ont émerveillé le regard, fait crépiter le cerveau ou apporté un fin plaisir entre les instants difficiles.
Une liste donc, dans l'ordre alphabétique et laissée au bon jugement de mes quelques lecteurs.
Belle et heureuse année 2021 à toutes et à tous. Qu'elle nous permette de revenir en douceur vers nos habitudes cinéphiles et nous apporte émotion et réflexion.
La douceur de nos champs de bataille / Where Reasons End (2019, tr. Clément Baude) – Yiyun LI
Un millier d'années de bonnes prières (A Thousand Years of Good Prayers, 2007) – Wayne WANG
Avec ce très bel essai, la romancière d'origine chinoise initie un dialogue avec son fils récemment décédé. Berçant le volume, les échanges doux-amers construits au fil des chapitres taisent l'audace dans cette communication d'outre-tombe. Le pont imaginaire dressé par l'écrivaine n'est pas là pour trouver une justification au geste de l'adolescent, qui s'est suicidé, mais bien plus pour faire persister son existence, ou du moins l'existence de sa mémoire.
Inédit en France, Pink and Gray adapte le roman éponyme de la pop idol Shigeaki Katô, qui s'inspire de l'univers médiatique dans lequel il évolue pour son histoire. Débutant de manière classique à la manière d'un seishun eiga (青春映画 - littéralement film sur la jeunesse, mais aussi film initiatique), le film suit l'évolution contrastée de deux amis d'enfance, de l'invisibilité vers la gloire. Le drame à l'ouverture – le suicide de la star Rengo, imposé sans ménagement à l'écran – cache bien plus que ces premiers éléments de scénario.
Au milieu du film, l'infirmière admire les Tournesols mourants de Mondrian au musée, puis discute de ce plaisir esthétique avec la cible de sa vengeance. Le mouvement de décrépitude, de fusion comme de renaissance compris dans ce premier tableau fait écho à l'itinéraire du personnage principal : une femme indépendante professionnellement et proche de l'accomplissement personnel, dont le destin est soudainement bouleversé par une rencontre infortunée (et aux conséquences mystérieuses).