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Critique The Bling Ring

Rêves de luxe

THE BLING RING (2013) – Sofia Coppola

Restitution d'un fait divers, The Bling Ring impose un éventail de propositions et de questions plutôt qu'un réel point de vue critique ou nuancé. Le parti pris endossé par Sofia Coppola consiste à rester presque strictement du côté du jeune groupe de délinquants, prolongeant au final les effets d'intimité cloisonnée sur les adolescentes blondes de The Virgin Suicides (1999) ou la reine choyée de Marie-Antoinette (2006). Par cette concentration, le film pointe les dérives, montre par pièces détachées la transformation des comportements, et ne délivre que quelques indices sur les raisons à l'origine des vols.

the bling ring, sofia coppola, emma watson

La présence par à-coups des images de caméra de surveillance et de quelques interrogatoires est loin de reconstruire une enquête – bien au contraire, ces apparitions se font le signe de la fragmentation à l'oeuvre, pointant dès le départ la dispersion du sens dans ces actions perpétrées par la bande d'adolescents. La mise en place du puzzle n'est donc non pas là pour complexifier ou densifier l'état psychologique, comme c'est souvent le cas chez Aaron Sorkin ou Adam McKay, mais au contraire pour acquérir une juste distance filmique, peindre innocemment les jeunes dérives, rappelant ainsi un autre modèle du genre, Elephant (2003) de Gus Van Sant.

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Pour autant, bien qu'efficaces, les tentatives de Coppola demeurent très loin de la minutie délicate de son compatriote, qui opérait une reconstitution subtile et précise d'où pointait une émotion diffuse, celle venue de l'incompréhension face à ce passage à l'acte. Si le film se garde aussi de tout jugement, sa mise-en-scène manque parfois d'intentionnalité, cherchant plus à copier le réel sans y imposer une direction clairement définie. Tout y passe donc en termes d'esthétique du réel, que les moments soient simplement repris, copiés ou imités : caméra portée à l'épaule et lumière naturelle, reportages télévisés, pages du net, vidéos de surveillance ou webcams... Outre quelques explications plus locales, comme le contrôle déluré des parents des sœurs, ou l'attirance du seul garçon du groupe, Marc, pour l'instigatrice des cambriolages, The Bling Ring pointe avant tout le désir suscité par la couverture médiatique des stars dans cette imitation du réel.

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Lorsqu'elle est efficacement appliquée, la ritournelle esthétique laisse voir sensiblement la montée en puissance du groupe, comme l'aggravation de leurs actes. Les meilleurs moment sont ceux qui captent la frénésie du « shopping » interdit qui, paradoxalement, permet aux jeunes de s'épanouir et de se lier. Chez Paris Hilton, les pièces se découvrent et se révèlent les unes après les autres, tandis que les cris d'excitation s'amplifient en choeur, que les gestes communs s'accélèrent, essayant ou empruntant des vêtements et des bijoux. On retrouve là un prolongement inversé au dynamique montage pop de Marie-Antoinette : les gâteaux et les accessoires pastel sont à présent chassés par les rangées sombres et brillantes du dressing et les scintillements nocturnes des bijoux. Coppola a toujours su rendre compte dans son cinéma de cet état malaisant de bonheur extatique, né du plaisir de l'artificialité et de la consommation, qui se construit dans ces scènes par une esthétique du caché / dévoilé, en somme d'une mécanique du désir.

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Dans cette distanciation limitant au possible le jugement, il y a un élément particulièrement troublant, et qui constitue la meilleure idée, bien que sous-développée, du film de Sofia Coppola. L'apparition de la star Emma Watson au sein du groupe d'acteurs méconnus surgit en effet comme une véritable anomalie ; un choix réflexif (la star jouant l'adolescente rêvant d'être star) qui explique probablement la place de choix que la jeune femme occupe au fur et à mesure du film. L'interprétation de Watson accentue par ailleurs ce rôle à contre-emploi, l'actrice s'adonnant à une mythomanie volontiers outrée que la fin du film accompagne longuement. Pourtant, cette idée vertigineuse crée aussi le déséquilibre, en particulier sur le second temps du film – les autres protagonistes étant mis de côté, et la déstructuration du groupe jamais donnée à voir, dans une brutale conclusion hâtive. Ainsi, l'on regrette la disparition de la charismatique Becca, à l'origine des maraudes dans les maisons, dont ni la vision ni le chemin personnels ne nous sont partagés. Alors que l'aura d'Emma Watson ouvrait la porte à un effet miroir surprenant dans ce rêve de luxe, son emploi dans The Bling Ring finit par limiter la portée du geste de Coppola, résultant en une tentative prometteuse, mais encore bien timorée sur le terrain du fait divers qu'elle tente de se réapproprier.

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