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Au Revoir l'été

Rohmer or not Rohmer...

AU REVOIR L'ETE (HOTORI NO SAKUKO) – Koji Fukada

J'espère avoir le temps – et le courage – de m'en justifier dans mes blogs, je n'apprécie guère le cinéma d'Eric Rohmer. Plus que de l'indifférence, ce cinéma a plus soulevé chez moi de l'exaspération ou de l'agacement. Autrement dit, partir découvrir Au revoir l'été – un film dont la campagne médiatique en France vantait sa proximité avec Rohmer – suscitait ma méfiance. L'expérience avait été malheureuse chez son successeur coréen, Hong Sang-ho, dont les quelques films s'étaient révélés à mes yeux pétris par ce que je reprochais au cinéaste français.

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Ici, la délicatesse du ton apporté par Koji Fukada diffère de cette cruauté oisive souvent portée sur les protagonistes chez Rohmer. Certes, la structure même n'échappe guère à la logique de Pauline à la plage : la jeune Sakuko, tout comme Pauline en 1983, arrive chez sa tante en vacances. L'ennui adolescent autant que sa curiosité naturelle s'y mêlent aux romances adultes et à leurs amertumes, au gré de longues balades au bord de la plage. Au Revoir l'été, cependant, se saisit de cette structure pour la fondre dans le contexte bien précis de l'après-catastrophe de Fukushima. Ce qui intéresse Fukada est ainsi ce contraste entre une réalité contemporaine et cette inspiration française bien précise. Mais, plutôt que d'en jouer sur l'ambiguïté ou le choc des cultures, il parvient à y construire une délicate imbrication où Fukushima devient un écho lointain mais obsessionnel, latent de violence.

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L'imbrication se révèle plus profonde, plus complexe. Le film développe ces strates dans ses thèmes graduellement avec la distance prise avec Fukushima. Plus le scénario se resserre sur une intrigue, un personnage, un fil conducteur, plus l'accident nucléaire devient palpable, gagne en intensité dans son évocation. Des allusions glissées durant les conversations anodines, où se voit d'abord dans la tragédie la barrière qu'elle fournit au tourisme de la région, vient éclater à la fin du film dans le malaise ressenti par le réfugié durant une manifestation anti-nucléaire.

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C'est la conséquence, le contrecoup de l'événement et du contexte actuel qui intéressent Fukada. La structure d'Au revoir l'été, et sa forme, demeurent à l'image de ce plan emblématique où Sakuko s'enfonce dans l'eau, créant une suite d'ondes circulaires. Dans les personnages se bousculent et se répercutent une succession d'éléments refoulés, certes la catastrophe de Fukushima, mais également l'ennui de la jeunesse, sa déception du jour, la stagnation quotidienne, l'angoisse de la solitude... Cet enchevêtrement demeure souterrain, il surgit lors d'une ligne de dialogue, d'un regard déplacé, d'un karaoké qui dérape, d'un geste impulsif qui consiste à sauver une jeune lycéenne.

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Ces petits dérapages se lient à la diversité des tons explorés par Fukada, tons étonnamment en harmonie malgré l'hésitation entre le doux et l'amer : force en est sur toutes les séquences concernant l'hôtel de passe camouflé. Bien qu'inspiré d'un phénomène contemporain déplorable, qui est cet enrichissement des propriétaires en fournissant à des politiciens ou des hommes d'affaire la couverture idéale pour de la prostitution, le film propose une lecture mi-décalée, mi-grotesque. L'hôtel surgit au beau milieu des décors bucoliques comme un élément quasi-surréaliste et dégage une cruauté burlesque, portée par ces personnages extravagants que sont l'oncle clownesque ou l'homme d'affaires véreux.

ete-jeunes2.jpg De la même manière, l'atmosphère qui entoure la jeunesse, par sa légèreté et sa douceur, débarrasse de toute étude sociale trop lourde. Les deux jeunes amis s'évadent durant quelques heures, redeviennent enfants, redeviennent des spectateurs face à un spectacle de magie dans un bar. L'important pour eux – comme pour nous – est ainsi de trouver dans cette mélancolie du quotidien la possibilité de s'émerveiller ou de se laisser prendre à une illusion.

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