Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Hard Day
Jouissance du monde corrompu
HARD DAY (MOO-DEOM-KKA-JI GAN-DA) – Kim Seong-hun
Fantaisie scénaristique, Hard Day fonctionne bel et bien parce qu'il dépeint un monde corrompu, rongé par les trafics et l'argent, sans ressource d'humanité possible. Avec ironie, le film de Kim Seong-hun se nourrit de ce qui caractérise le cinéma sud-coréen actuel : vengeance, mise en scène conduisant l'acharnement dans la traque ou le meurtre, suprématie de la folie masculine, relations limitées à des rapports de domination...
En ce sens, certaines scènes se révèlent réjouissantes dans les basculements des rapports de force. Le héros poursuivi par la malchance et par des ennemis mal identifiés est, dès le départ, un lâche et un corrompu. Ce portrait péjoratif permet d'emblée d'explorer la folie quelque peu sadique qui consiste à nous présenter un protagoniste poursuivi par une poisse allant des petites mésaventures irritantes à de violents passages à tabac inattendus. L'humour noir s'installe avec aisance, notamment dans cette extraordinaire séquence du cercueil. Les malheureuses coïncidences y empirent à la hauteur des solutions apportées par le lieutenant Go, joyeusement abracadabrantes.
L'absurdité est creusée jusqu'au jubilatoire dans certaines scènes de confrontation amplifiant les simples gags : long cheminement pour parvenir à dissimuler le corps dans le cercueil de la mère, donc ; mais aussi le risque constant de révélation des erreurs du policier, ou encore lutte au corps et aux armes blanches qui ne cesse jamais dans l'appartement. Cependant, face à l'enchaînement des gags au scénario, l'interprétation de Lee Seon-gyoon alourdit quelque peu cette écriture en accumulation : elle ne fait qu'amplifier, par le stress exagéré du personnage, toujours tendu et survolté.
Hard Day trouve là une première limite dans le jeu de ses acteurs et l'écriture de ses personnages. Le film use des cordes déjà entraperçues dans le thriller des dernières années : population nécessairement rongée par la corruption, acolytes débonnaires, antagoniste charismatique et pulsionnel ; mais ne les approfondit pas ou ne s'en détourne pas. Certaines séquences fonctionnement admirablement parce qu'elles s'épanouissent dans l'exagération des mouvements emblématiques : l'affrontement final impressionne vivement en ce sens, tant le héros autant que l'ennemi considèrent les objets de la maison comme des armes. Les échanges de regards deviennent cocasses, au moment même l'un reconnaît, en synchronie avec l'autre, la possibilité de créer de la violence avec une porte, une étagère, une lampe... Dans cette séquence, les protagonistes s'approprient entièrement le cliché du vengeur sud-coréen, observé dans Old Boy (Park Chan-wook, 2003)ou Mother (Bong Joon-ho, 2009), prêt à soumettre à son désir de violence l'environnement autour de lui. Cependant, en regard de cette scène, d'autres s'essoufflent, telles la première rencontre avec l'ennemi dans les toilettes, la course-poursuite dans le trafic urbain... Le film oscille ainsi entre des instants de pure jouissance de ses topoï, et une restitution parfois pauvre de ces mêmes sujets.
Ces défauts d'Hard Day éclairent cette tendance d'une partie du cinéma sud-coréen à se nourrir du film de vengeance qui a fait le succès international du pays à partir des années 2000, mais ne parvenant pas à en soutirer une véritable teneur dans leur mise en scène.