Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Summer Wars
Sauvons le monde tout en buvant des boissons fraîches
Summer Wars
Un film de Mamoru Hosoda

En été, il y a les vacances. En été, les lycéens ont du temps libre. En été, les jeunes recherchent généralement un job d'été. En été, les fêtes de famille sont là : on se réunit, on boit, on mange, on taquine le « petit ami », nouveau venu dans le cercle. En été, on regarde la télévision, son portable, on joue à l'univers virtuel d'Oz. En été, on doit se battre. En été, on finit même par devoir sauver le monde.
Le film de Mamoru Hosoda, vu comme le successeur du génial Satoshi Kon dans les grands noms de la maison de production MadHouse (l'un des piliers essentiels au cinéma d'animation japonais avec les studios Ghibli), rejoint quelques unes des thématiques du regretté réalisateur de Paprika tout en y apposant une marque plus légère, enfantine. Certes moins pertinent et plus convenu que les folles créations de Satoshi Kon, Summer Wars reste un film agréable, d'une fluidité extraordinaire en dépit de l'hyperbolisme et de l'absurdité qui l'empreignent.

Le film joue sur deux niveaux, nouant à la fois avec la tradition et la société moderne, à savoir le thème de la famille et le postulat d'un monde virtuel et digne du jeu vidéo réel. Le personnage principal se retrouve précipité dans la grande famille tonitruante de celle qui l'a choisi pour jouer son « petit ami » aux yeux de sa grand-mère, et se retrouve mêlé à un grand chaos international, le monde virtuel d'Oz étant piraté et parasitant tous les réseaux et moyens de communication de la vie réelle. Commence alors une folle course dans les deux mondes, afin de sauver le monde d'une absurde collision avec un satellite.
Un été en famille
Summer Wars aborde largement le thème de la famille, dépeignant les grandes réunions des générations dans tout ce qu'il y a de plus déluré et émouvant. Bien que le film soit japonais et qu'une majeure partie de l'action concerne un temple typique et une famille traditionnelle, l'esprit reste universel. Par le biais du personnage de Kenji, qui s'incruste sans le vouloir dans les retrouvailles estivales, le spectateur est convié à partager les moments de rires ou de larmes autour de la grande table. L'animation permet de saisir le moindre échange et d’exagérer la complexité des relations dans la grande famille (quoique certaines lorraines ne sont pas si loin du compte de cette impressionnante tablée) et de placer au niveau de toutes les générations. Pourtant, malgré les différences de comportement, des oncles rigolards aux femmes coquettes ou natures, en passant par les enfants surexcités ou l'adolescent
ténébreux, chacun est relié par deux éléments : la fierté de leur nom et leur appartenance au monde d'Oz. On retrouve la force des liens du sang et de l'honneur des familles ancestrales, prêtes à se battre pour faire triompher une justice loyale. Le personnage décapant de la grand-mère, maîtresse rigide de la tablée, ne peut que se scandaliser face à l'attaque anonyme, car virtuelle, au niveau du monde d'Oz. Le film joue sur le choc entre le passé historique et épique et l'univers des jeux vidéos, entre le traditionnel et l'avenir des nouvelles technologies.
Un été face aux écrans
Les écrans affluent dans Summer Wars, le monde virtuel d'Oz étant un prolongement de la thématique chère à ce cher Satoshi Kon, qui exploitait les potentialités de l'image virtuelle dans Perfect Blue ou Paprika. Mamoru Hosoda ne joue cependant pas ou peu sur la confusion mode réel/imaginé, et préfère marquer la frontière. Par contre, il se penche sur l'idée du substitut, de l'image médiatrice, de l'avatar utilisé sur Internet. D'un univers à l'autre, le graphisme se transforme, en lien avec la pratique du cosplay, les personnages s'incarnant dans des figures animales, robotiques ou spirituelles. Hosoda s'amuse à créer des comparaisons ou des oppositions dans les figures choisies : chaque avatar traduit d'une certaine manière
l'esprit du personnage tout en pouvant surprendre parfois par la révélation de son propriétaire. Kenji, le héros, s'incarne dans un bonhomme au visage rond et naïf, à l'effigie de son comportement gauche ; la forte personnalité de Natsuki retrouve ses racines dans le kimono traditionnel que son personnage porte ; et le frêle et chétif Kazuma devient un féroce lapin de combat dans le monde virtuel. Intéressant aussi la manière dont s'effectue le piratage de la vaste entreprise Oz. C'est en s'attaquant au principe même, principe dangereux de la liaison et des fortes interconnections entre le réel et les mécanismes informatiques, que l'investigateur
incontrôlable du piratage peut paralyser et contrôler tout un pays, s'inspirant d'une version à l'extrême des grands réseaux sociaux existants actuellement sur Internet. Et ce pirate s'inspire exactement de la force de ce monde virtuel, à savoir la diversité d'avatars et de figures de substitutions. Ce prétexte permet de fournir à l'animation un impressionnant travail de graphisme, synthèse des dynamiques du jeu vidéo et de l'espace communautaire, allant au-delà des possibilités. Une caméra fébrile, privilégiant les plongées, les contreplongées, les travellings audacieux et calculés plongent littéralement le spectateur dans un univers de couleurs, lignes et motifs nouveaux et multiples, s'opposant au rythme très calme et à la mise en scène rigide des scènes de la réalité.
Dans sa deuxième partie, la première s'attachant à jouer du phénomène de virtuel et de décrire
les effets de l'emprise des images et d'Internet sur la vie réelle, Summer Wars donne cependant dans un schéma plus classique et convenu, comme rejoignant un public plus jeune. Là où Paprika affirme clairement, malgré son ludisme et sa fantaisie, un propos et des problèmes éthiques d'une certaine maturité dans la réflexion, Summer Wars privilégie au final le divertissement et l'époustouflant. L'action virtuelle finit par contaminer la réalité, avec cette abracadabrantesque course contre la montre du final, où l'absurde se mêle à l'hyperbolique, où la ribambelle d'oncles, de tantes et de rejetons, déjà impressionnantes, décuplent les moyens humains par les moyens techniques : camions, vaisseau, ordinateurs, quantités de nourriture et explosions rythment le grand final. Et pourtant, malgré tous ces chambardements, la chaleur de l'été et sa tranquillité aux accents de nostalgie finissent par primer sur cette épopée, comme si Summer Wars n'était finalement qu'une grande parenthèse, un moment de convivialité partagé autour de l'écran avant de retrouver la fraîcheur des boissons...

naïveté dans cette société si particulière, chargée d'aider les morts à sélectionner un souvenir de leur vie, avant de n'emporter que ce fragment avec eux, fragment reconstitué, à la fin d'une semaine de remémoration et d'entretien, dans la réalisation d'un film. Dans cette sorte de recherche de l'apaisement et du « repose en paix », certains pourraient voir un mélodrame chargé d’effets spéciaux et de décors féeriques. Rien de tout cela dans After Life. La société est constituée d'une poignée de personnes simples, trois hommes chargés des entretiens, un directeur et une jeune fille à l’assistanat et un concierge, le lieu de résidence est un vieux pensionnat décrépi et paisible. Chaque pensionnaire arrive depuis la brume, déclinant son identité à l'accueil. L'aspect huis-clos entraîne l'ensemble dans l'étrange, d'autant plus que le lieu répond à quelques
« bizarreries » : abandonné et délaissé, les fougères et la nature s'infiltrent autour des murs, l’électricité fonctionne mal, une voix métallique résonne dans les chambres et scande les différents délais de la semaine, la lune observée par l'un des employés s'avère être un volet peint. Les entretiens s’apparentent quant à eux à des sujets de psychanalyse, où les personnages se retrouvent en face du miroir de leur vie. Une caméra frontale, vierge de tout jugement, laisse le temps à ces personnages de s'exprimer. Il est fort possible que l'improvisation eut son rôle dans ces séquences simples mais bouleversantes, tant chaque protagonistes s'exprime avec justesse, rappelant des faits à la fois très personnels qui qui revêtissent un caractère universel pour la plupart. On songe aux scènes de remémoration dans
doivent choisir, revenir sur leur vie, se remémorer des bons et des auvais moments. Un fort rapport se joue entre les générations et ainsi s'affirme un thème fort dans la culture japonaise, à savoir le lien générationnel, l'importance du passé et du respect des trépassés. Pour certains, ce sont les souvenirs de guerre, fascinants et racontés avec la précision d'un historien qui resurgissent ; pour d'autre, plus jeunes, les souvenirs de sortie entre amis, comme à Disneyland. Le souci de la mémoire collective se mêle à l'évocation intime. D'autres refusent de jouer le jeu par provocation, peut-être effrayé à l'idée d'approcher son passé et son parcours ; d'autres retombent en enfance comme cette touchante petite vieille dame qui ramasse des feuilles et des fleurs dans le parc. Des femmes se remémorent la fierté d'avoir été aimée par un homme, des hommes étalent leur vie sexuelle active avec vulgarité et orgueil. Le mensonge affleure, la recherche s'affine, les esprits échappent au temps présent. Parmi tous ces personnages, un se distingue par son effrayante normalité. Protagoniste dans la norme, à la vie paisible mais sans grande personnalité, qui ne parvient pas à faire émerger de cet ensemble monotone une note plus élevée, un souvenir plus léger, un souvenir spécifique. Par ce personnage, on approche les fameux employés et on saisit leur histoire.
personnages de retrouver leur passé, de fixer leur mémoire et d'assurer leur départ vers l'au-delà. Les employés, grâce aux témoignages, tournent un film s'attachant à reconstituer les sensations des morts. Très belle idée, où la fixation de la pellicule permet de métaphoriser la fixation du souvenir, qui ne restera cependant jamais totalement restitué. Le contraste se joue entre les images évoquées par les mots poétiques des personnages et le plateau décor, plus concret, tentant de remplacer les choses par des effets spéciaux ou des décors kitschs. Le banc de nuages traversé par un aviateur se concrétise par le rang de masses de coton suspendues sur des fils de linge. Les éclairages roses et jaunes tendent à restituer une ambiance romantique. Et pourtant, la plupart des personnages prennent du plaisir à observer le tournage, s'amusent à rencontrer leur double acteur ou à mettre en place la scène. Comme si chacun tentait de remettre en scène sa vie pour la transformer en une scène parfaite, idéalisée par le cinéma. 










son double assassiné chutant au ralenti dans l'escalier. Le rêve surréaliste phénoménal qui s'infiltre partout est quant à lui annoncé durant toute la durée du film, les indices parsèment l'enquête, certains plans se font écho, dans la séquence du parc d'attraction par exemple. La présence de la double personnalité, enfin, cristallise tout ce système d'échos et de parallèles. Ce thème peut se lire dans le personnage du policier mais aussi, et surtout, à travers la duplicité de Paprika et ces deux personnages de femmes opposées mais marquantes. Millenium Actress, Perfect Blue ou même Tokyo Godfathers sous certains aspects, sont tous trois des illustrations schizophréniques. Il est en de même pour Paprika, à la différence près que les deux femmes sont clairement deux entités distinctes qui partagent un même corps mais dont les envies et les ambitions sont radicalement différentes. Nul besoin pour l'une comme pour l'autre de changer de comportement, il s'agit plus d'une complémentarité temporaire qui permettra à chacune de trouver sa raison d'exister. Paprika finira par trouver son envol, se libérer de toute étreinte corporelle, évanescente comme l'air, tandis qu'Atsuko se raccrochera à la terre et à la réalité, avec la promesse de fonder sa vie avec celui qu'elle aime. Paprika confirme en outre une tendance quasi-féministe qui se retrouve dans la plupart des films de Satoshi Kon, à travers deux figures de femmes très fortes, ainsi qu'avec ce final grandiose, où la femme aspire goulûment l'homme, sorte d 'inversion d'Adam et Eve !
Paprika est plus marqué par l'univers japonais que les autres films de Satoshi Kon, tout comme Le Voyage de Chihiro s'inspire bien plus des croyances ancestrales avec Miyazaki. On y retrouve un imaginaire vif avec ce rêve phénoménal agissant comme une sorte de virus et réunissant toutes les figures spirituelles, légendaires ou religieuses de la culture japonaise. La personnification de certains figures animales (telles les grenouilles, ce qui fait songer au Voyage de Chihiro) et de personnages fantasmagoriques contrastent habilement avec les objets animés de la rue, dans une folle farandole où la légende ancestrale rejoint la modernisation actuelle. Les distributeurs déformés et hurlants, lampadaires, réfrigérateurs et autres appareils ménagers forment une
cacophonie infernale des machines, en écho avec la fascination du Japon pour l’univers robotisé et automatisé (Metropolis avec Osamu Tezuka, Steamboychez Katsuhiro Otomo). Ce rêve tonitruant rassemble tout ce qu'il y a de fascinant et paradoxalement terrifiant dans le pays : un passé surnaturel chargé de légendes glauques qui continue d'imprimer sa marque dans une société tendant pourtant à l'occidentalisation ; un avenir de plus en plus tourné vers la puissance matérielle et économique et empreint du phénomène de mondialisation. Dans certains passages, il peut même se lire une critique des psychoses du Japon. A la fin, le rêve envahit la réalité, mais s'en fait la délirante métaphore. Des hommes d'affaires se jettent du toit en riant, grinçante vision du suicide, des patriarches politiques aux allures de poupées se disputent le trône, tels des pantins décharnés, et les jeunes gens voient leurs visages remplacés par des portables, amer vision d'une jeunesse déconnectée de la réalité et sans personnalité. Derrière son délire visuel, Satoshi Kon distille toujours autant une vision noire de sa société, dans le chaos le plus total. Seule une Paprika énergique paraît maintenir ce chaos.
battre pour être reconnues. Dans Paprika, l'hommage au cinéma n'a jamais été aussi fort, agissant comme une sorte de retour à la passion première de Satoshi Kon. Le personnage du commissaire évidemment, est un des médiateurs de cette passion : toute son entreprise psychanalytique mise en œuvre avec la DC Mini révèlera son traumatisme cinématographique pour finalement accepter son passé. L'ouverture, magnifique d'originalité se veut comme une palette des genres cinématographiques avec le thème du spectacle, le film à suspense, la comédie, les clins d'oeil à Hitchcock dans le train, le fantastique... De nombreuses leçons de cinéma ponctuent le film, définitions de la ligne imaginaire et du Panfocus, et bien évidemment cette très belle idée de l'écran de cinéma traversé, toujours en lieu avec le thème de l'explosion des frontières... A la fin du film, le commissaire se rend au cinéma, retrouve ses premières amours. L'auto-citation finale est présente avec à l’affiche toutes les œuvres réalisées par Satoshi Kon, ultime héritage représenté. Mais le film que va découvrir le commissaire n'est pas Paprika, mais un film dont on aperçoit auparavant l'affiche au milieu du film, lorsque le personnage s'évanouit dans sa voiture : il s'agit d'un étrange film dont l'affiche a des allures de paradis perdu, avec deux silhouettes d'enfants éblouis sous un soleil d'été. Comme si Satoshi Kon nous invitait à revenir sur un émerveillement d'enfant, à rejoindre une forme d'émotion toute originelle et juste par le cinéma. 



charmante maison de cette famille. Dans ce film fantastique et proche d'un huis-clos peut se retrouver l'influence de plusieurs contes. Ce sont tout d'abord les enfants qui sont au centre du dispositif maléfique, et non plus des personnages d'adultes ou de sorcière. Par ces enfants qui refusent de laisser partir les adultes qui échouent dans leur maison sont présents la peur de l'abandon du Petit Poucet, l'isolement au milieu d'une forêt comme pour Le petit Chaperon Rouge, et l'enchantement de la Belle au bois dormant. L'intemporalité reste bien représentée dans le film, le héros se réveille dans une chambre dont les objets ont parfois changé mystérieusement de place, la nuit arrive rapidement dans la forêt, la neige intervient brusquement malgré le soleil... Les décors et les effets spéciaux s'avèrent soignés et efficaces : la maisonnée a tout ce qu'il y a de plus charmant et d'inquiétant, les tentures et les tapisseries sont truffées de détails, et certains passages dans la forêt font songer à la poésie horrifique du Labyrinthe de Pan (Guillermo Del Toro).





Le Chat
comme ses rencontres avec un énorme chien bougon ou le boulanger muet chez lequel loge Kiki. Cependant, c'est ce premier détail qui révèle les changements de la petite sorcière. Jiji est tout d'abord une accroche à la terre de ses parents, un héritage de l'enfance dorée et la preuve de ses origines de sorcière. Le compagnon de tous les instants, qui la suit sur une bonne partie du film, découvrant la ville et ses habitants avec elle, ne peut soudainement plus lui parler, se sensibilisant au langage bien plus félin de la voisine d'en face. Lorsque Kiki s'aperçoit qu'elle ne peut plus lui parler, elle perd de sa confiance en elle tout en se détachant de sa dépendance d'origine, se confiant à d'autres qu'à lui.
La Mer
Le Ciel
L'excellent dernier film de Tsui Hark, en salles durant avril dernier, vient déjà de sortir en DVD et Blu-ray. Une injustice se pointe déjà, récurrence sur le marché et stratégie commerciale pour pousser le public français à acheter des lecteurs Blu-rays : l'édition BD contient trois fois plus de bonus qu'une édition DVD bien décevante et simple (pas de making-of, ni d'entretiens avec le réalisateur ou les comédiens). Le fort travail de reconstitution et de restitution de l'Histoire, de même que les effets spéciaux desservant des idées monumentales de mises en scène, donnent pourtant matière à réflexion et explication dans ce film. On aurait pu souhaiter des bonus techniques et des interviews d'historiens sur le sujet...
Magnetic Rose de Koji Morimoto
et le récit dans l'absurde et le grinçant, qui montre comment un jeune homme ayant avalé par inadvertance un médicament contre son rhume se révèle être une bombe puante détruisant toute forme de vie à vingt mètres, ne suffisent pas à apporter l'originalité dans l'ensemble. Un banal récit caricatural voulant mettre en lumière l'incapacité des autorités face à l'événement, mais qui fait au final plus sourire que réfléchir, d'autant plus que l'animation est d'un classicisme fade.
Cannon Folder de Katsuhiro Otomo