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Carré de Culture Tangmo

Carré de culture à Tangmo

Un film de Delphine Ziegler

Avec la danseuse-chorégraphe Aurore Gruel

 

Dans le cadre d'une résidence à Bouxières-Aux-Dames (charmante petite ville un peu isolée sur une colline en Lorraine), la cinéaste Delphine Ziegler et la chorégraphe Aurore Gruel ont projeté le film qu'elles avaient réalisé à Tangmo en Chine. Difficile de trouver la catégorie où ranger ce travail, toujours est-il que je décidais d'y consacrer un article, vu la qualité du travail proposé par ces deux artistes, d'autant plus que la danse d'Aurore, alliée à la réalisation et au montage de Delphine reflètent l'esprit asiatique dans lequel elles se plongent.

Eau

Elles s'y plongent, en effet, autant au sens figuré qu'au sens figuré, puisque l'eau est au centre de Tangmo, traversé par un petit canal qui constitue la structure et la ressource du village. La composante naturelle, le « retour aux sources » s'intègrent ainsi tout naturellement à la danse du film, épuré et calme dans son rythme. La rigueur et la beauté des plans, souvent fixes, de Delphine Ziegler, s'attachent à la matière des choses et à leur confrontation avec la robe brune de la danseuse, confrontation qui peut aller jusqu'à la fusion. Le tissu de la robe vient même à s'intégrer à la roche brune, créant une seconde peau plissée par l'eau qui coule, dans un plan particulier.

Contemplation

L'ensemble touche à la contemplation. Contemplation que l'on peut palper dans de nombreux films indépendants chinois, ou dans le cinéma asiatique en général. La paisibilité du petit village, avec son eau qui coule en permanence, permet au corps d'Aurore de s'imprimer dans une démarche lente. La fixité des plans longs et la transition par de lents fondus enchaînés rejoint ce phénomène de contemplation et d'ostentation, laissant toute sa place et son temps aux mouvements de la danseuse, à sa lente imprégnation au lieu. Certains fondus sont particulièrement beaux, par exemple dans l'immense vieux temple ou lors d'un contrejour sur un balcon.

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(c) Delphine Ziegler

 

Immersion dans le quotidien

Enfin, ce travail est une étrange immersion non seulement dans le paysage, mais aussi dans le quotidien des habitants de Tangmo. Tandis qu'Aurore évolue dans les rues, les habitants continuent leur travail, observent le curieux protagoniste au milieu de l'eau, voire suspendent un instant leur quotidien pour observer ce qui se passe. Un curieux contraste s'effectue ainsi entre une femme arrêtée au bord du canal où la danseuse bouge, discutant activement de çà de là tout en s'interrompant parfois, le regard et la voix happées par cette danse et cette eau qui coule. Un travail sur une séquence révèle aussi ce contraste : Aurore s'extirpe lentement d'une ruelle, le regard perdue vers le lointain, tandis qu'on entend des individus hors-champ qui piaffent, discutent allègrement, voire crachent à terre. De même, lors d'une séquence tournée près d'un chantier, les bruits de fond et les discussions des ouvriers s'opposent à l'évolution de la danseuse sur le mur. Ce beau contraste rappelle le magnifique Still Life de Jia Zhanke, où durant l'activité intense sur les chantiers visant à démolir les maisons envahies par le barrage des Trois-Gorges, les ouvriers s'interrompaient pour observer le paysage dévasté, perdus dans leurs pensées. 

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