Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Hansel et Gretel
Les Orphelins
Hansel et Gretel (2007)
Un film de Yim Phil-sung
Merci à Gwladys pour le DVD !
Hansel et Gretel, lors de sa sortie en DVD, m'avait attirée dans les rayons. Voir un conte de Grimm adapté en film coréen semble improbable et pourtant prouve la vitalité d'un tel cinéma, tout comme il peut exister au Japon des mangas sur des thèmes surprenants et inattendus. Si le film a connu un échec à sa sortie, son édition DVD pour la France se veut de rattraper le coche avec un double-DVD de très grande qualité, comportant notamment un making-of très amusant et intéressant (certaines vidéos filmées durant le tournage par les enfants-acteurs du film y sont par exemple présentes).
Non pas un conte, mais des contes
Le film de Yim Phil-sung, réalisateur d'Antarctic Journal, ne se veut pas la retranscription du conte d'Hansel et Gretel, qui apparaît plutôt comme un prétexte. Un jeune homme, en passe d'être père, a un accident de voiture sur une route isolée. Assommé à la tête, il échoue au beau milieu d'une forêt obscure. Une jeune fille portant une lanterne le recueille et le mène dans sa famille, habitant une charmante maison au beau milieu de cette forêt. Malgré l'insistance des parents pour qu'il reste, le héros quitte la famille et recherche son chemin. Très vite, il revient sur ses pas, incapable de trouver la sortie et se voit peu à peu condamné à rester dans la charmante maison de cette famille. Dans ce film fantastique et proche d'un huis-clos peut se retrouver l'influence de plusieurs contes. Ce sont tout d'abord les enfants qui sont au centre du dispositif maléfique, et non plus des personnages d'adultes ou de sorcière. Par ces enfants qui refusent de laisser partir les adultes qui échouent dans leur maison sont présents la peur de l'abandon du Petit Poucet, l'isolement au milieu d'une forêt comme pour Le petit Chaperon Rouge, et l'enchantement de la Belle au bois dormant. L'intemporalité reste bien représentée dans le film, le héros se réveille dans une chambre dont les objets ont parfois changé mystérieusement de place, la nuit arrive rapidement dans la forêt, la neige intervient brusquement malgré le soleil... Les décors et les effets spéciaux s'avèrent soignés et efficaces : la maisonnée a tout ce qu'il y a de plus charmant et d'inquiétant, les tentures et les tapisseries sont truffées de détails, et certains passages dans la forêt font songer à la poésie horrifique du Labyrinthe de Pan (Guillermo Del Toro).
Les dérapages de l'horrifique...
Une bonne partie du film peine à trouver ses marques et son originalité. Le début fonctionne comme un film d'horreur conventionnel. La sympathie forcée de la bonne famille met mal à l'aise, de même que les décors enfantins. Le suspense s'installe lors ds séquences de nuit : silhouettes qui circulent dans les couloirs, mélodies disgracieuses, déplacements dans le grenier labyrinthique... Tous les ingrédients sont là, convenus et avenants. Le film dérape ainsi un peu dans son patchwork glauque et terrifiante, allant jusqu'à des absurdités lourdes comme l'anthropophagie supposée des enfants ou leur vieillissement prématuré. Là n'est pas l'intérêt d'Hansel et Gretel, qui parvient à trouver, au bout d'une bonne demie-heure d'effets attendus, son véritable propos et son originalité.
...jusqu'à une étonnante lecture psychologique
En effet, Hansel et Gretel s'épanouit plus dans la relecture qu'il fait du conte transposé, et non dans ses effets, notamment sur le plan de la psychologie. On sait bien, avec les nombreuses interprétations psychanalytiques du conte (le travail de Bruno Bettelheim), qu'une adaptation au cinéma s'avère bien plus intéressante sur le plan de la réflexion que du prétexte de l'action ou de l'esthétisme merveilleux décrits. Le film remet tout d'abord en question la cruauté de la morale du conte. C'est en lisant la fin d'Hansel et Gretel, où la « méchante sorcière » est poussée dans le feu que les enfants du film furent amenés à user de la même cruauté, suivant la doctrine manichéenne du conte de base. Ils ne distinguent, par leurs caprices, le monde qu'en noir et blanc, à l'image de ce programme de télévision qu'ils regardent en boucle, entre les gentils lapins et les méchants ours, les parents aimables et les parents agressifs, cédant ou non à leurs caprices.
Parallèlement à cela, Hansel et Gretel se risque sur le chemin de la compassion et du mélodrame, avec cependant une certaine énergie et efficacité. Par l'histoire de ces enfants abandonnés et à la recherche de leurs parents se dessine le thème plus intéressant de l'enfance maltraitée. Lors des séquences des souvenirs se retrouve la violence du cinéma coréen, avec sa crasse, sa sueur, sa froide cruauté. Le film dénonce ainsi la condition des orphelins et de la maltraitance des enfants en Corée à une certaine époque, intention tout à fait honorable et bien plus intéressante que le pâle film horrifique du départ. L'esthétique glauque et malaisée sert ainsi par la suite le sombre propos de la maltraitance et de l'abandon. Le passé torturé des enfants rejoint ensuite la réalité présente avec ce curieux et excellent personnage de faux prêtre dérangé qui croise sans le savoir de dangereux jeunes criminels. Rencontre et collision absurde à laquelle assiste le héros, entre le plus malsain et fou des malfaiteurs (il chante, ému, une prière à la Lune avant de feuilleter sa Bible où figurent les photographies des jeunes victimes dont il a abusé) et ces enfants perturbés par trop de violence. Le film se finira ainsi par la catharsis de cette violence, dans une impressionnante scène de tornade.
Certes maladroit sur certains points, le film de Yim Phil-sung reste une curieuse surprise, originale dans ses intentions et prenante. Les enfants se débrouillent assez bien, les adultes aussi. Hansel et Gretel est ainsi un film atypique dans le cinéma coréen, où le genre du fantastique reste assez peu présent, puisqu’il n'y a guère que The Host (Bong Joon-ho) dans les références les plus connues.
Commentaires
Je suis contente de t'avoir fait découvrir quelque chose et que ça t'ait plu ! ^^ mais c'est vrai que c'est dommage qu'il n'ait pas eu tant de succès en France... Il est pourtant interessant comme film !