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After Life

After Life

Un film de Hirokazu Kore-eda

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Avant Nobody Knows, Still Walking et Air Doll, le cinéaste Hirokazu Kore-eda avait déjà réalisé l'inédit After Life, sorti en DVD il y a peu de temps avec un autre de ses films méconnus, Maborosi. After Life est l'occasion d'aborder un pan rare de son œuvre, mais néanmoins présent, à savoir le rapport au fantastique. Air Doll abordait déjà ce genre avec le thème d'une poupée étant un palliatif sexuel et qui prenait mystérieusement vie. Le postulat d'After Life, qui se concentre sur une société accueillant les morts avant leur passage dans l'au-delà, rappelle le rapport aux fantômes et à la mort que peut entretenir Kiyoshi Kurosawa, un des grands noms du cinéma fantastique japonais, dans Kaïro.

Naturel fantastique

Le fantastique qu'aborde Kore-eda a quelque chose de « naturel », Un « naturel fantastique » qui glisse subtilement de la réalité vers le suréel, s'immisçant avec simplicité et un brin de albrume.jpgnaïveté dans cette société si particulière, chargée d'aider les morts à sélectionner un souvenir de leur vie, avant de n'emporter que ce fragment avec eux, fragment reconstitué, à la fin d'une semaine de remémoration et d'entretien, dans la réalisation d'un film. Dans cette sorte de recherche de l'apaisement et du « repose en paix », certains pourraient voir un mélodrame chargé d’effets spéciaux et de décors féeriques. Rien de tout cela dans After Life. La société est constituée d'une poignée de personnes simples, trois hommes chargés des entretiens, un directeur et une jeune fille à l’assistanat et un concierge, le lieu de résidence est un vieux pensionnat décrépi et paisible. Chaque pensionnaire arrive depuis la brume, déclinant son identité à l'accueil. L'aspect huis-clos entraîne l'ensemble dans l'étrange, d'autant plus que le lieu répond à quelquesalemployés.jpg « bizarreries » : abandonné et délaissé, les fougères et la nature s'infiltrent autour des murs, l’électricité fonctionne mal, une voix métallique résonne dans les chambres et scande les différents délais de la semaine, la lune observée par l'un des employés s'avère être un volet peint. Les entretiens s’apparentent quant à eux à des sujets de psychanalyse, où les personnages se retrouvent en face du miroir de leur vie. Une caméra frontale, vierge de tout jugement, laisse le temps à ces personnages de s'exprimer. Il est fort possible que l'improvisation eut son rôle dans ces séquences simples mais bouleversantes, tant chaque protagonistes s'exprime avec justesse, rappelant des faits à la fois très personnels qui qui revêtissent un caractère universel pour la plupart. On songe aux scènes de remémoration dans Poetry. La question des causes de la mort est totalement écartée, ce qui fait d'After Life non pas une confrontation avec la mort, mais bien plus un questionnement sur la vie.

 

Mémoire et générations

Le choix du souvenir est le médiateur, le prétexte à ce questionnement. Les personnages alcinema.jpgdoivent choisir, revenir sur leur vie, se remémorer des bons et des auvais moments. Un fort rapport se joue entre les générations et ainsi s'affirme un thème fort dans la culture japonaise, à savoir le lien générationnel, l'importance du passé et du respect des trépassés. Pour certains, ce sont les souvenirs de guerre, fascinants et racontés avec la précision d'un historien qui resurgissent ; pour d'autre, plus jeunes, les souvenirs de sortie entre amis, comme à Disneyland. Le souci de la mémoire collective se mêle à l'évocation intime. D'autres refusent de jouer le jeu par provocation, peut-être effrayé à l'idée d'approcher son passé et son parcours ; d'autres retombent en enfance comme cette touchante petite vieille dame qui ramasse des feuilles et des fleurs dans le parc. Des femmes se remémorent la fierté d'avoir été aimée par un homme, des hommes étalent leur vie sexuelle active avec vulgarité et orgueil. Le mensonge affleure, la recherche s'affine, les esprits échappent au temps présent. Parmi tous ces personnages, un se distingue par son effrayante normalité. Protagoniste dans la norme, à la vie paisible mais sans grande personnalité, qui ne parvient pas à faire émerger de cet ensemble monotone une note plus élevée, un souvenir plus léger, un souvenir spécifique. Par ce personnage, on approche les fameux employés et on saisit leur histoire.

 

Cinéma et temporalité

Enfin, et c'est là la plus merveilleuse idée de ce très beau film, le cinéma permet auxalttournage.jpg personnages de retrouver leur passé, de fixer leur mémoire et d'assurer leur départ vers l'au-delà. Les employés, grâce aux témoignages, tournent un film s'attachant à reconstituer les sensations des morts. Très belle idée, où la fixation de la pellicule permet de métaphoriser la fixation du souvenir, qui ne restera cependant jamais totalement restitué. Le contraste se joue entre les images évoquées par les mots poétiques des personnages et le plateau décor, plus concret, tentant de remplacer les choses par des effets spéciaux ou des décors kitschs. Le banc de nuages traversé par un aviateur se concrétise par le rang de masses de coton suspendues sur des fils de linge. Les éclairages roses et jaunes tendent à restituer une ambiance romantique. Et pourtant, la plupart des personnages prennent du plaisir à observer le tournage, s'amusent à rencontrer leur double acteur ou à mettre en place la scène. Comme si chacun tentait de remettre en scène sa vie pour la transformer en une scène parfaite, idéalisée par le cinéma. 

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