Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Memories
Memories
Un projet de Katsuhiro Otomo
Comme tout ensemble de courts-métrages, Memories s'avère inégal, très inégal. Tout d'abord, difficile de voir le fil conducteur entre les trois films proposés et plus que cela, le titre lui-même. Les trois épisodes sont pourtant tirés de récits de Katsuhiro Otomo (réalisateur d'Akira), qui a confié la réalisation de deux des segments à Koji Morimoto et Tensai Okamura. Curieusement, le meilleur épisode reste le premier, Magnetic Rose, et le moins empreint de la marque d'Otomo. Réécrit par Koji Morimoto et le grand Satoshi Kon, il ressemble plus à un film de Satoshi Kon qu'à un récit d'Otomo. L'occasion de prouver que le réalisateur d'Akira reste loin de ses pairs Satoshi Kon ou Hayao Miyazaki, en dépit des apparences et de la qualité uniquement formelle des films qu'il propose. Les deux autres segments, Stink Bomb et Cannon Folder pêchent par leur scénario ou leur manque d'originalité, s’avérant inaboutis.
Magnetic Rose de Koji Morimoto
Magnetic Rose, qui ouvre l'ensemble, s'avère le plus intéressant et maîtrisé des segments. On y retrouve la ligne scénaristique de Satoshi Kon,ainsi que ses thèmes fétiches : la fascination pour les progrès de la société moderne, avec ces cosmonautes-éboueurs de l'espace ; la collision de la réalité scientifique avec l'inconscient ; le travail sur les réminiscences du souvenir et la confusion entre réel et illusion. La réalisation de Koji Morimoto est soignée, le trait précis sur les détails et la vraisemblance technologique permet de donner un cadre réaliste au propos fantastique. Comme toujours avec Satoshi Kon, le réalisateur respecte sa capacité à imaginer des passerelles entre l'univers fantasmé de la chanteuse d'opéra et l'opération des cosmonautes, grâce à l'animation. Les murs s'effacent pour donner place à un jardin où se promène une silhouette de femme, le fantôme féminin s'agite, les corps deviennent transparents ou en pierre. Magnetic Rose travaille habilement et de manière poétique sur la permanence du désir et du souvenir, faisant jaillir un lyrisme dramatique dans cette histoire de science-fiction.
Stink Bomb de Tensai Okamura
Amusant et distrayant. Mais que vient faire Stink Bomb dans cet ensemble ? Le graphisme daté et le récit dans l'absurde et le grinçant, qui montre comment un jeune homme ayant avalé par inadvertance un médicament contre son rhume se révèle être une bombe puante détruisant toute forme de vie à vingt mètres, ne suffisent pas à apporter l'originalité dans l'ensemble. Un banal récit caricatural voulant mettre en lumière l'incapacité des autorités face à l'événement, mais qui fait au final plus sourire que réfléchir, d'autant plus que l'animation est d'un classicisme fade.
Cannon Folder de Katsuhiro Otomo
Comme pour Steamboy, Cannon Folder s'appuie beaucoup trop sur sa forme et la prouesse visuelle, palliant aux maladresses du fond et du scénario empli de lacunes. Otomo met en place tout un univers militaire effrayant et l’ensemble se présente comme un immense plan-séquence animé, dans une réalisation à l'ancienne très impressionnante. Mais le format du court-métrage peine à approfondir son sujet, certains passages s'avérant très long, comme le remplissage d'un canon. Otomo dresse le portrait d'une forme de dictature, où la guerre est prônée (contre qui ? On ne le saura pas) et où toute forme d'espoir est bannie. Les visages sont âpres, miséreux, l'ambiance sombre, le quotidien strict et minime, faisant songer à l'URSS. Si l'originalité visuelle marque dans cet enfer belliqueux, le reste manque de nuances et de réflexion, s'en cantonnant à l'impression horrifique qu'il veut donner.