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I saw the devil

J'ai rencontré le Diable

Un film de Kim jee-woon

(Merci à Big-Cow pour cette critique ! )

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Je ne suis pas très familier du cinéma asiatique, encore moins du cinéma coréen, que je n'ai croisé que par quelques films : Old Boy, Memories of Murder, The Host. Je vais quand même essayer de m'exprimer sur J'ai rencontré le diable, vu la semaine dernière, un jeudi après-midi où le temps ne devait pas être glorieux, et ayant par ailleurs déjà eu d'excellents retours sur le film, que ce soit par Facebook ou par Mad Movies.

 

J'ai rencontré le diable a été réalisé par Kim Jee-woon, réalisateur entre autres de A Bittersweet Life et Le bon, la brute et le cinglé, que je n'ai pas encore eu l'occasion de voir. Le film raconte la traque de Kyung-chul (Choi Min-sik, déjà génial dans Old Boy), tueur en série et psychopathe notoire dans le civil, autrement conducteur d'une navette scolaire, par le policier et fiancé de sa première victime Soo-hyun (Lee Byung-hun), dans une Corée qui semble envahie par les psychopathes et les assassins. Le film dépasse bien vite le cadre de l'enquête policière classique, où les policiers recherchent l'identité du tueur, pour se concentrer sur la traque en elle-même, et le profond désir de vengeance qui ronge Soo-hyun.

 

J'ai rencontré le diable est un grand film. Pas un film qui retourne les tripes, mais un très grand film quand même, excellent, jouissif. J'ai lu que Kim Jee-woon n'avait pas écrit le scénario du film, mais que celui-ci lui avait été proposé par Choi Min-sik, lequel voulait interpréter le tueur : et c'est en effet la première chose qui crève l'écran, Choi Min-sik, magistral, probablement le plus grand serial-killer qu'il m'ait été donné de voir au cinéma, qui tue comme il déguste son café ou conduit sa navette scolaire, tranquillement, une fois passée la première exaltation : une sorte de surréaliste tueur en pantoufles, à l'image de quelques uns des psychopathes qu'il rencontre. A l'opposé, Soo-hyun, suintant une sorte de haine vengeresse crasse qui marque l'écran, d'une singulière cruauté, au point que l'on se demande, parfois, qui est vraiment le diable dans tout ça.

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La deuxième chose que l'on retire de cette traque extraordinaire, de cette chasse peu commune entre ces deux personnages hauts en couleur, c'est le sublime de la photographie, l'aspect magistral, incroyable, épatant de ces plans somptueux, de ces décors géniaux. On pense à cette excellente scène d'introduction, au bord d'une route enneigée ; à ce premier affrontement entre les deux grands acteurs du film, au coeur d'une somptueuse serre, où la maîtrise de l'éclairage se révèle être particulièrement géniale ; au bus du tueur lui-même, et sa superbe décoration, avec ces deux petites ailes d'ange de chaque côté du rétroviseur.

 

Ce que l'on retient aussi, c'est la brutalité du film, l'hémoglobine récurrente (sans tomber dans du gore outrancier), la fascination que provoque, là encore, la horde de psychopathes qui peuplent la Corée de Kim Jee-woon. Les références cinématographiques au genre sont d'ailleurs nombreuses : on pense, bien sûr, à Memories of Murder, dans cette enquête menée au début du film, mais également pour les touches d'humour dispersées ça et là dans le film et qui nous renvoient au cinéma de Bong Joon-ho en général ; le plan conçu par Kyung-chul, qui souhaite mettre un terme à sa traque, peut évoquer Seven.

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L'importance de ces références cinématographiques, la singularité de Kyung-chul, m'ont fait me poser une question sur ce qui avait amené ce personnage à tuer (et attention, je risque ici de spoiler). On ne sait pas d'où il vient, on ne sait pas vraiment pourquoi il est devenu ainsi : on sait tout juste qu'il a abruptement quitté son fils et ses parents, pour se réfugier dans une baraque au fond de laquelle il commet ses meurtres sordides. On ne sait pas si des traumatismes l'ont poussé à devenir ainsi. Certes, on suppose qu'il fricote depuis longtemps avec la mort, comme en témoignent ses retrouvailles avec le tueur cannibale de l'hôtel, autre personnage haut en couleur, mais guère plus. Sorti d'on ne sait où, Kyung-chul semble bien loin des tueurs traditionnels, alors que les pulsions qui semblent le saisir ne sont que vaguement évoquées : le meurtre n'est pas présenté comme un besoin, comme un rituel, ni rien de semblable : il se contente de tuer. De tuer, mais toujours tranquillement : fumant en même temps, sa tasse de café posée à côté de lui alors qu'il découpe des corps, comme s'il était en pantoufles dans son canapé à regarder un polar. Ce qui m'amène à me demander si, à ce stade, le meurtre ne serait pas pour lui une sorte de choix de vie : il ne semble pas poussé par des contraintes extérieures, il commet ses actes tranquillement, sans se soucier de rien (en témoignedevilaffchoi.jpg la jeune fille qu'il assomme dans son bus avant de l'achever chez lui). Par ailleurs, cette attitude presque spectatrice chez lui (comme quand il demande à la secrétaire du médecin de se déshabiller, et se contente de soupirer et de lui lancer des objets quand elle est trop lente, comme il aurait pu le faire dans une mauvaise représentation théâtrale), l'importance des références cinématographiques dans ses actes (ainsi, quand il surgit de la droite de l'écran lors du premier meurtre, à la manière du tueur de Memories of Murder qui surgit sur le chemin lors d'un de ses assassinats), laissent à penser qu'il s'est construit cette identité de tueur comme spectateur, comme quelqu'un qui, abreuvé de films de genre et de récits glauques, aurait décidé, lui aussi, d'embrasser la carrière de serial killer : d'où, là encore, sa tranquille jubilation quand il trouve comment berner Soo-hyun. C'est probablement ce qui fait de J'ai rencontré le diable un grand, un très grand film : un personnage si ambigü, si fascinant, interprété par un acteur de génie. Et si Lee Byung-hun est tout aussi excellent en homme assoiffé de vengeance, c'est avant tout Choi Min-sik qui reste dans les esprits, dans le rôle d'un des plus grands tueurs de l'histoire du cinéma.

 

Par Big-Cow

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