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Top 2017

TOP 10 2017

Force est de constater que le paysage triste du cinéma de 2017 a accompagné une année dure en difficultés, construite par les mauvaises surprises politiques, le retour de la peur nucléaire, la tragédie des guerres et des migrations, la violence des catastrophes naturelles. Pourtant, si beaucoup de films ont tiré la réflexion et la sensibilité vers le bas, certaines oeuvres ont vaillamment battu la violence sociétale et / ou géopolitique. Se sont parfois répondus les cris d’alarme comme les éclats d’espoir, selon une série de battements précipités, où les idéaux se heurtent à la réalité, où les combats s’effritent sous le joug des décisions ou pire, de l’indifférence. L’année a longuement glissé sur des terrains faciles, patiné sur des versants peu inspirants. Au milieu de ce paysage lisse, les rares oeuvres singulières s’en sont détachés encore plus fortement, et ont laissé un souvenir fortement vivace : des prières silencieuses, des feux d’artifice, des chants d’opéra, de la musique algérienne, une maison à construire, une première baignade dans la mer, les yeux béants d’un oiseau triste, les sourires terrifiants d’un voisin excentrique, des sushis à la finlandaise, la neige qui virevolte autour d’un taxi, l’agitation des voix et des paroles dans un auditorium, les flammes fantômes d’une nuit exotique...

 

Le cinéma n’est pas resté sourd, sur et hors écran, au féminisme de cette année 2017. Même si l’on peut, à ce niveau, regretter fortement l’absence de progrès sur le sujet en France… Néanmoins, les portraits d’héroïnes ou plus largement de femmes complexes, ont brillé durant 2017, avec des femmes de tous les siècles, de tous les âges : une poétesse ignorée par ses pairs, trois femmes savantes oeuvrant pour le progrès spatial, une superhéroïne portant les guerres sur ses grandes épaules, une artiste qui croque entre activités ménagères, une Parisienne qui n’a pas sa langue dans la poche, une prostituée partie de sa campagne, une vieille dame qui y revient, une jeune sourde-muette partie à la conquête de New York, deux princesses aux pouvoirs magiques dans l’espace, ou une androïde à l’écoute des derniers signes du monde...

 

Côté disparition, beaucoup de tristesse dans notre culture nationale avec la disparition de nombreuses légendes et personnalités humanistes. Ainsi que sur le continent nippon, celle d'un grand homme de la plume très lié à l'art français – ironie cruelle, le même jour où Trump et Shinzo Abe furent photographiés ensemble, à jouer au golf… Jamais le contraste entre la sensibilité intelligente et la bêtise béante n’a semblé aussi net et violent en ce jour de février. Le départ de Jiro Taniguchi, personnalité cultivée, éclectique et tendre, a profondément attristé le paysage du manga et de la bande dessinée, et même plus largement celui de la littérature. C’est pourtant à l’ombre de son oeuvre que j’invite mes visiteurs à entrer dans 2018. Le temps de se reposer sous les branches d'un arbre, de se recueillir, tels ses nombreux personnages marcheurs, bucoliques, épicuriens et rêveurs, et de profiter de la sagesse du temps et de l’espace. Sans aucun doute le meilleur moyen de réfléchir patiemment à ce qui nous attend.

1 – THE LOST CITY OF Z – James Gray

120 BATTEMENTS PAR MINUTE – Robin Campillo

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Entre le Gray et le Campillo, entre Paris et l’Amazonie, mon coeur a longtemps balancé. Deux films antithétiques pour un podium que je n’ai su au final pas départager. James Gray comme Robin Campillo atteignent, avec ces films, un sommet dans leurs carrières. Une intention  les relie néanmoins, celle d’entrelacer la sensation intime à la grande fresque historique.

 

Dans The Lost City of Z, magnifique drame aux plans précieux comme un album de voyage, le cinéaste américain suit la lente évolution d’un idéal. Son héros, pétri d’espoirs et d’images poétiques, refuse jusqu’à la fin la bataille des territoires et privilégie la curiosité humaine. La douceur trapue de son acteur Charlie Hunnam donne au personnage sa force tranquille, et sa capacité à se réinventer à chaque voyage. Gray prend le parti de soutenir la beauté de son émerveillement, mais croque en creux les complications géopolitiques, la naissance de l’ego au sein du cercle scientifique, les rivalités, les sacrifices familiaux… Au-delà des forêts miroitantes et des flammes tortueuses, un geste ultime s’impose pour achever le tableau : celui d’une émouvante transmission entre l’explorateur et son fils.


Dans 120 Battements par minute, le réalisateur français atteint l’universalité à travers son microcosme d’Act Up. Organique, le film danse, pulse, respire, transpire. Pourtant il ne se réfugie jamais derrière la sensualité de ses acteurs ou de ses scènes. Résiste le regard patient, scrutateur mais humain de Robin Campillo. En filigrane, celui-ci questionne les liens entre le militantisme et la quête personnelle, entre la maladie avilissante et le sursaut de jeunesse. Sa traversée intime et collective est soutenue par des prestations au naturel ciselé, dominées par l’aplomb tendre d’Arnaud Valois et la vitalité bleu électrique de Nahuel Pérez Biscayart. Bien qu’ancré dans une page précise de l’histoire, le film, à chacun de ses plans sensibles, laisse éclater une peur de la désunion encore plus d’actualité.

 

 

3 - SAYONARA et HARMONIUM (FUCHI NI TATSU)– Kōji Fukada

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Encore un peu de triche pour ce numéro 3. Il était impossible d'écarter les deux films de Kōji Fukada, réalisés à un an d’intervalle et témoins du formidable sens d’adaptation de leur réalisateur. D’un côté, Sayonara, un poème futuriste inspiré de la pièce homonyme d’Oriza Hirata, qui présente un Japon ravagé par le silence nucléaire et dépossédé de son identité nationale. De l’autre, Harmonium, un drame horrifique en deux actes qui explore les limites de la cellule familiale traditionnelle. Parce qu’il reste sensible à la progression de ses personnages, le cinéma de Fukada réussit à maintenir ses ambitions sans s’adonner à la prétention absconse. Il offre en outre un regard cru et pertinent sur les réalités de son pays, paisible à la surface mais pétri par les contradictions et les gestes inexplicables.

 

4 – EMILY DICKINSON : A QUIET PASSION – Terence Davies

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Si son Sunset Song m’avait refroidie par ses travers mélodramatiques et son héroïne lisse, le portrait de poétesse m’a permis de renouer avec la beauté ténue du cinéaste. Celui-ci offre un bouleversant portrait d’Emily Dickinson, à contre-courant des autres entreprises de biopics car concentré sur les espoirs comme les déceptions de la jeune femme, incarnée par Cynthia Nixon. Davies accompagne la vie recluse d’une poétesse atteinte par la maladie. Il n’exagère jamais dans le pathétisme de la situation et aide à comprendre l'ambiguïté d’une femme romantique et généreuse mais terriblement troublée par les aspects relationnels de son milieu. Une passion silencieuse, soigneusement cachée entre deux broderies, dissimulée sous les boiseries d’une table où écrit en pleine nuit la prodige méconnue.

 

5 – SILENCE – Martin Scorsese

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L’ultime fresque de Scorsese sur la question de la spiritualité souffre de quelques écueils - notamment au niveau de la direction de ses acteurs japonais - mais envoûte par la densité cinématographique et narrative de son sujet. Ses deux prêtres, incarnés avec puissance par Andrew Garfield et Adam Driver, entrent dans un Japon divisé et indécis, drainé par les confrontations de pouvoir et la palpitation de quelques gestes encore humains. La foi n’est dans Silence pas question de religion, mais plus d’affirmation  d’une existence alors que le désespoir finit par tout ronger. Scorsese est à la fois fidèle à lui-même et proche de l’ascétisme des grands maîtres japonais qu’il admire. Ses composition dans la nature sont parcourus d’une sèche sauvagerie, ses plans de violence éclatent d’une douleur invisible, ses images de spiritualité fascinent par leur magistrale beauté.

 

6 – L'AUTRE CÔTÉ DE L'ESPOIR (TOIVON TUOLLA PUOLEN) – Aki Kaurismäki

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La rigueur poétique de Kaurismäki fait souvent des merveilles face à l’hypocrisie et l’indifférence du monde. Sourd à toutes les dérives du film social, le cinéaste finlandais offre un magnifique conte sur l’hospitalité et la rencontre. Ses meilleures armes, la simplicité et l’humour. La manière dont il filme, dans son dénuement et sa silencieuse application, les procédures subies par Khaled (Sherwan Haji) en disent long. Puis celle qui accompagne ce groupe de bras cassés à investir ensemble dans un restaurant redonne de l’espoir, entre deux rires et deux sushis ratés.

 

7 - I AM NOT MADAME BOVARY (WO BUSHI PAN JINLIAN) – Feng Xiaogang

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Premier film de ce réalisateur chevronné à nous parvenir en France, I Am Not Madame Bovary ne se repose pas sur les lauriers de son magnifique cerclage proche des peintures d’antan. Il offre aussi un double-portrait, d’une femme et d’un système judiciaire absurde, que l’on suit avec passion. Le chemin de croix porté par une Fan Bingbing butée montre sans fard les nombreuses impasses dans des traditions et des ruines politiques encore dominants aujourd’hui, mais sans souffle ni raison d’exister.

 

8 – A BEAUTIFUL DAY (YOU WERE NEVER REALLY HERE) – Lynne Ramsay

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Sec, le dernier film de Lynne Ramsay est à l’os, dense, électrique, furieux mais toujours surprenant. La cinéaste prend à contre-pied le récit de vengeance qui aurait pu se jouer à travers son personnage, et saisit plus la rencontre presque absurde de deux solitudes qui auraient pu sombrer dans l’ultra-violence. Quoi de mieux que l’ours Joaquin Phoenix, jamais décevant, pour endosser ce rôle d’un âpre et triste taiseux. Peut-être moins pétri d'ambiguïtés que We Need To Talk About Kevin, You Were Never Really Here impose cependant la virtuosité de la cinéaste, dont l’inventivité draine chaque plan.

 

9 – LOVING  Jeff Nichols

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Si 2017 fut une année décevante pour le cinéma en général, elle ne le fut pas pour le cinéma américain - en mettant de côté le tapage d’un certain film musical surestimé. La douceur de Loving me fit davantage apprécier Jeff Nichols, après Mud et Midnight Special qui m’avaient peu convaincue. La simplicité du cinéaste se lie ici à un certain romanesque patient, eu plus près de ce couple Loin de l’aspect médiatique comme du symbolisme de son sujet, Nichols a la bonté de s’attarder sur le personnage de Mildred, et saisit avec finesse son inquiétude refoulée, sa solitude en ville et sa tendresse pour sa famille. Loving est le juste portrait de ceux qui souhaitent plus que tout vivre dans leur foyer paisible, loin des tourments de la société.

 

10 – PSICONAUTAS (LOS NINOS OLVIDADOS) – Pedro Rivero et Alberto Vázquez

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Conte écologique pour adultes, Psiconautas est malheureusement passé inaperçu en salles. Son entrée conclusive dans le top de cette année est l’occasion de saluer un film d’animation sensoriel et engagé. Sur l’île dystopique aux trompeuses formes enfantines, le récit pointe la cruauté fière et stupide des adultes face au désarroi d’enfants rêveurs. La douceur enchanteresse des décors et des manifestations fantastiques permet de contrecarrer la violence directe et symbolique d’un monde à la dérive. 

 

Ainsi que...

 

11 – LE JOUR D'APRÈS - Hong Sang-soo

12 – MOONLIGHT - Barry Jenkins

13 – CREEPY - Kiyoshi Kurosawa

14 – LES FIGURES DE L'OMBRE - Theodore Melfi

15 –  L'OPERA - Jean-Stéphane Bron



MENTIONS SPÉCIALES

HAPPY HOUR (2015) - Ryusuke Hamaguchi

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Le film de l’année aurait pu être ces 5 heures 20 tendres et cruelles sur la relation entre quatre femmes. Une exploration patiente et juste de leurs aspirations, de leurs regrets et de leur capacité à se ressourcer malgré l’éclatement de leur amitié réconfortante. La longueur d'Happy Hour devient un plaisir, une évidence cinématographique nous conviant à la réflexion.

 

LA CITÉ DES DOULEURS (BĒIQÍNG CHÉNGSHÌ,  1989) - Hou Hsiao-hsien

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Fresque complexe découverte dans le cadre d’une rétrospective taïwanaise à la Maison de la Culture du Japon, La Cité des douleurs embrasse un demi-siècle d’histoire de fin d’occupation et de durcissement d’un pays. La complexité des destins familiaux se noue avec la plongée dans la violence. Dans ce film bordé par les compositions précieuses, le cinéaste s’attache en particulier aux intellectuels, paisibles êtres qui ne peuvent que constater la brutalité d’un régime et son désir de contrôle. Son point de vue au sein de cette histoire à la mémoire longuement dissimulée n'en finit plus de bouleverser.



Mais également...

Tunnel, Le Concours, Le Musée des merveilles, Baby Driver, Neruda, Jackie, En attendant les hirondelles, 12 Jours, Au revoir là-haut, Tous en Scène ! , La Femme qui est partie, 20th Century Women, Good Time, Spiderman Homecoming, Bangkok Nites, Your Name, Wonder Woman, Le Redoutable, Lego Batman, Les Fleurs bleues, Baby Boss, Les Gardiens de la galaxie 2, Santa et Cie,  La Belle et la bête, Les Fantômes d'Ismail, Okja, Sword Art Online Ordinal Scale, Yokai Watch le film, Le Redoutable, Lou et l'île aux sirènes, Entre Deux rives, Office, Lumières d'été, Brothers of the Night, Patti Cakes, La Planète des singes suprématie, Faute d'Amour, Carré 25, Le Jeune Karl Marx, Star Wars Les derniers Jedi, Dans un recoin de ce monde, Le Grand Méchant Renard et autres contes...

 

Les actrices de l'année

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Ruth Negga (Loving), Gal Gadot (Wonder Woman)

 

Laetitia Dosch (Jeune Femme), Mariko Tsuitsui (Harmonium), Taraji P.Henson (Les Femmes de l'ombre), Danielle MacDonald (Patti Cakes).

 

Les acteurs de l'année

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Nahuel Perez Biscayart (Au Revoir là-haut, 120 Battements par minute), Teruyuki Kagawa (Creepy)

 

Ansel Elgort (Baby Driver), Seol Kyeong-gu (Sans pitié), Louis Garrel (Le Redoutable), Trevante Rhodes (Moonlight)

 

Les bonnes surprises

The Foreigner

Sans-Pitié

Le Caire Confidentiel

 

Les déceptions

Jeune Femme

La Passion Van Gogh

Nos Années Folles

Dunkerque

 

Les stats

101 films en tout

68 en salles, 8 en ressorties, 25 en festival

 

Les ratés faute de temps

Un Jour dans la vie de Billy Lynn

Certain Women

Get Out

Split

Logan

Ghost In The Shell

Song To Song

Les Proies

Happy End

Detroit

 

Les ratés faute d'envie

La La Land

Le Square

Blade Runner 2049

Mise à mort du cerf sacré

Mother !

 

Le Flop

1 - Kingsman : Le Cercle d’or, Matthew Vaughn

2 - Kóblik,  Sebastián Borensztein

3 - Les Ex, Maurice Barthélémy

4 - Hirune Hime, rêves éveillés, Kenji Kamiyama

 

 

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