Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Fireworks
Feux d’artifice mais pétards mouillés
FIREWORKS (打ち上げ花火、下から見るか? 横から見るか? UCHIAGE HANABI, SHITA KARA MIRU KA? YOKO KARA MIRU KA?) - Akiyuki Shinbo, Nobuyuki Takeuchi
Parfois on ne pardonne pas le mauvais goût de beaucoup. Ma sidération fut grande face au dernier choix de distribution d’Eurozoom - qui jusque là s’était rarement trompé - et elle fut béante face au bon accueil de ce film d’animation par une partie de la critique française. Est-ce à dire que l’étiquette japanimation permet maintenant d’accepter tout et n’importe quoi, en particulier depuis que les studios Ghibli ont brisé la glace d’une mauvaise réputation longtemps prédominante ?
Le dernier-né du studio Shaft, aux oeuvres généralement très raffinées, traîne de lourds poncifs de la romance et du fantastique, et s’appuie en outre sur un travail esthétique tantôt mièvre tantôt grotesque. L’insertion des CG - Computer Graphics ou effets graphiques par ordinateur - se révèle maladroite et le rythme, sans cesse cassé, n’aide pas à convaincre sur un récit aux personnages et intentions douteux. Quelques pistes, il faut le relever, auraient pu apporter des éléments de fiction intrigants, et issus du film d’origine réalisé par Shunji Iwai en 1993. Les camarades de classe du héros posent ainsi cette question absurde tout au long du récit : “les feux d’artifice sont-ils ronds ou plats ?” - question qui forge par ailleurs le titre original de l’oeuvre.
A travers cette question enfantine posée au début, le film laissait envisager une réflexion sur la perception. Selon le positionnement, le point de vue, la vision subit-elle une déformation inattendue ? Cette idée s’incarne dans Fireworks à travers le mystérieux objet trouvé en bord de mer, prisme magique permettant de remonter dans le temps et de changer le cours des événements comme de transformer l’espace. L’objet, juste là sans explications ni nuances spécifiques - premier écueil du scénario - rappelait le filtre au travers duquel vivaient les deux héroïnes d’Hana et Alice : celui d’une banale histoire d’amour vécue comme une grande tragédie, dont la mystérieuse profondeur résidait dans la compréhension du mot “anaphylaxie”.
Il en est de même dans Fireworks, romance ambitionnant le projet de transfigurer la bluette adolescente en quête spatio-temporelle merveilleuse. Intention largement visible car interprétée au pied de la lettre, sans réflexion sur les conséquences de ces retours dans le temps ni sur l’évolution de ses personnages. D’un bout à l’autre, le film s’applique ainsi à en rester au premier degré de son argument : seul objectif, opposer catégoriquement les autres personnages et événements au héros amoureux, diviser progressivement les espaces entre réalité et remodalisations merveilleuses diverses, et, plus embarrassant, ne pas tromper les espoirs du garçon en le confrontant à une jeune fille considérée, du début à la fin, comme un objet séduisant à conquérir. Rien d’autre.
Akio Watanabe, chargé du design des personnages, reste très proche du style qu’il avait déployé pour la série Nisemonogatari. Style qui ne se démarque pas par une très grande finesse de trait… Les yeux sont sans éclat, les visages ramassés. Mais au-delà du goût personnel, cette typologie peut accompagner une série entière, car la souplesse et la simplicité sont souvent acceptables en raison des multiples variations narratives et formelles d’un épisode à l’autre. Cependant, dans le contexte d’un film, d’un grand écran et d’une durée limitée… la grossièreté physique des ados fait grimacer. Elle n’est en outre guère atténuée par le dépouillement caractériel qui l’accompagne. Les visages, communs et trop singuliers, reflètent des personnages vides de toute originalité, qu’on se doit de suivre paresseusement sur près de deux heures. Le travail sur l'environnement et les décors n'améliore pas la pauvreté stylistique. Le film se laisse aller à une utilisation maladroite des effets numériques, certes, mais aussi à des explorations baroques intensément kitsch. Une séquence musicale, plagiat raté de la Belle et la Bête de Gary Trousdale et Kirk Wise, fait même lever les sourcils de consternation.
Précisons qu’une certaine nuance aurait pu se dessiner dans cette quête lisse et sans finesse d’esprit. Le personnage principal rivalise au départ avec son meilleur ami pour conquérir la belle en question. Le premier retour en arrière sera ainsi celui qui lui permettra d’emporter la course de natation proposée par la jeune fille, et à l’issue de laquelle celle-ci propose au vainqueur de l’accompagner. La troisième roue du carrosse qu’est l’ami en question aurait pu entreprendre la construction d’un trio amoureux tenu par plusieurs variations relationnelles. Cependant, la supposée amitié entre les deux camarades n’est guère convaincante, et dès lors la rivalité qui s’ensuit paraît vite vaine et ridicule. Le premier ne fait que geindre pendant une bonne partie du film, tandis que le second affiche le même air béat et impassible face aux événements. Enfin, le personnage féminin, concentration aberrante de toutes les minauderies possibles, n’est, à la réalisation, défini qu’à travers un prisme uniquement sexuel - elle est plus grande, avec des formes, coquette et soupirante dans sa gestuelle. Parce que ce monde de la pré-adolescence s’en cantonne juste à une lecture sexualisée des filles du même âge, la vision du film, en particulier sur son dernier tiers, irrite au plus haut point.