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Happy Together

Are Happy Days Here Again ?

 

HAPPY TOGETHER (春光乍洩, CHEUN GWONG TSA SIT, 1997) - Wong Kar-wai

Parce qu’il a marqué à jamais les histoires d’amour homosexuelles à l’écran, Happy Together apparaît d’abord comme l’oeuvre matricielle attendue. Ses partis pris esthétiques, sa représentation de deux jeunes homosexuels, la brutalité de son montage ont tant inspirés qu’ils semblent, sous l’oeil du XXIème siècle, presque banals.

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Happy Together est porté par une simplicité vive, non sans défauts techniques ou rythmiques. Le noir et blanc est d’un contraste symbolique fort naïf - le voyage à deux se délite déjà, comme une vieille photo sans couleur - les coupes au montage sont vives, les réminiscences sont folles, la parade du je t’aime - moi non plus rythme le récit. On se sépare, on est seul, on se retrouve, on mange ensemble, on s’enlace, on se bagarre, on se quitte encore… Le chassé-croisé de Lai et Ho ressemble tellement au tourbillon chanté par Jeanne Moreau. Quant à cette impression de déjà-vu, elle tient à ce que tout le film, dans cette rythmique, a soufflé aux romances homosexuelles de ces dix dernières années, en particulier - Xavier Dolan peut rendre en ce sens ses prix de l’originalité, car nombre de ses marques stylistiques viennent de ce film matriciel.

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Le duo amoureux se révèle improbable, avec le calme esthète Tony Leung (Lai) face à l’egocentrique starlette Leslie Cheung (Ho). La meilleure partie du film, et de loin le choix le plus surprenant du cinéaste dans cette histoire d’amour, réside dans la veine humoristique, qui cohabite curieusement avec un sens tragédien très appuyé. Lorsqu’Ho s’incruste chez Lai, il le fait avec un sans-gêne à la fois drôle et agaçant. Il l’écrase dans son lit, déjà bien petit, le réveille la nuit, réclame sans cesse ses repas ou des clopes. Il est un véritable enfant, capricieux, impulsif, égoïste, plaintif, avec ce mélange de comportements négatifs qui peut générer autant l’irritation que l’attachement. Rapidement, les scènes amusent mais démontrent aussi l’impossibilité de ce couple, où l’un ne peut se passer de s’occuper de l’autre. me and you and you and me  comme dirait la chanson qui prête son titre au film. Ritournelle, schéma qui se répète mais qui ne demande qu’à imploser.

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Les personnages de Wong Kar-wai sont des déracinés magnifiques, plus splendides dans leur douleur que dans leur bonheur. Les deux amants d’Happy Together ne dérogent pas à la règle, voire s’en font même les fiers représentants. Chacun d’eux court à la perte de leur propre désir, illusoire et cristallisé autour de chimères diverses - les chutes à découvrir ensemble, tourbillonnante image vaporeuse fantasmée, représentation d’une sensualité recherchée, la beauté d’une lampe dont on ne peut se séparer, le tango ponctuellement imaginé dans une cuisine sombre. Au final, les jours heureux idéalisés, ont-ils vraiment existé ?

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A l’instar de la quête de ses personnages, Wong Kar-wai semble lui aussi se chercher dans la réalisation et le rythme. Ceux-ci, si parfaits et sensibles, paraissent ici désarticulés, essoufflés. il tente des visions futuristes proches de celles de 2046, est encore dans des tâtonnements de teintes et de lumières. Pourtant, le réalisateur n’en est pas à son coup d’essai : donc d’où vient cette sensation de matière filmique imparfaite, volontiers brouillonne ? L’intentionnel dans cette direction artistique transforme Happy Together en un amorphe corps, par à-coups atteint par des sursauts émotionnels électriques - la force des chutes d’eau, la douceur ensoleillée d’une chambre habitée par le départ, les larmes silencieuses derrière un magnétophone en marche. Si ce n’était pour le dernier plan, dont la soudaine vivacité paraît presque absurde, Le réalisateur délivrerait là sa vision la plus pessimiste de l’amour et du couple, où le désir de l’autre s’en retrouve toujours annihilé par le retour de l’égoïsme, et où l’on en réchappe qu’en se noyant dans le voyage, la fuite.

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