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Critique du Jour d'après

Cette capacité à oublier

 

LE JOUR D’APRES (GEU-HU) - Hong Sang-soo

D’une confusion délicieuse, le dernier film de Hong Sang-soo repousse avec malice les frontières du vaudeville et charme par ses patients jeux de subversion des tons. Il laisse en outre transparaître, à travers ce vaudeville à quatre, son éclatant amour pour l’actrice Kim Min-hee.

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Est-ce un drame, est-ce une comédie ? Est-ce un souvenir, est-ce le temps présent ? Ces deux axes ne cessent de troubler le spectateur tout au long du film. Dès les premiers plans, le cinéaste sud-coréen s’amuse avec les suppositions et les fausses pistes, puisqu’il introduit son personnage Bongman (Kwon Haehyo), seul, se levant puis prenant son petit-déjeuner à table, l’air morose. Intervient dès lors cette fameuse utilisation du zoom, marque de fabrique chère au réalisateur. Le cadre s’élargit et laisse apparaître la femme du personnage. La mélancolie du début est soudainement brisée et le protagoniste homme change soudainement de visage : de célibataire en vague à l’âme, il passe au statut de mari bien installé mais secrètement insatisfait. Séquence qui s’instaure comme synecdoque du cinéma d’Hong Sang-soo, et où le mouvement technique déconstruit en un plan les apparences pour révéler l’inconstance des êtres. De la même manière, l’utilisation d’une mélodramatique musique de film à plusieurs reprises perturbe aussi l’interprétation des événements. Cette fois-ci, il s’agit de renforcer, presque de manière abusive, la tragédie des scènes, comme celle des lamentations du couple en crise. Mais cette exagération comporte également ses pointes de cynisme et indique par saillies la lâcheté du protagoniste masculin, qui se perd en mensonges auprès de ses différentes compagnes.

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La première partie est par ailleurs d’une précision fine et habile dans l'enchevêtrement des flash-backs comme du temps présent. Longuement, on ne sait où se situe la réalité du moment et les deux femmes qui interviennent dans la vie de Bongman paraissent se confondre ou se faire écho. La croisée des temps renvoie à la croisée des sentiments, mais aussi à l’éphémère de l’intensité des relations. Chez Hong Sang-soo, il y a cette tendance à oublier les promesses du passé, à contredire les mots proférés auparavant. De fait, le doute persistant du film établit un constant besoin de remise en contexte des événements. Celui-ci se transcrit dans ces longues conversations qui lient réflexions profondes à constatations triviales et quotidiennes, et qui deviennent vite, sous la plume acérée du cinéaste et l’incarnation puissante des acteurs, prémisses des actions à venir ou révélateurs subtiles des vérités cachées.

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Par rapport aux précédents films que j’ai pu découvrir du cinéaste, les choix de Hong Sang-soo me parurent plus marqués qu’auparavant. Un noir et blanc stylisé et prononcé, qui aime à souligner la force d’un hiver froid et tragique, mais comportant ses pointes de merveilleux. Celles-ci seraient-elles liées à Kim Min-hee, compagne et muse du cinéaste ? Le personnage de l’actrice est en tout cas le plus intéressant du Jour d’après. Elle est le quatrième morceau involontaire d’un triangle amoureux, celle qui remet en question les sentiments et les décisions du héros masculin, qui débarque à l’improviste, qui fait figure de substitution au mauvais moment. Regard décalé sur ce qui se passe, figure de la raison, femme de passage qui démêlera un tout petit peu la fausseté des sentiments de Bongman.

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Ce n’est guère un hasard si le thème de la religion fait son apparition dans Le Jour d’après. Car les accents du miracle surgissent à travers le discours du protagoniste féminin, mais encore plus dans ses quelques apparitions. La profession de foi du personnage se veut une résistance contre cette tendance à oublier la tragédie. Au final, c’est la seule qui se souvient des quiproquos et des douleurs de chacun des trois autres protagonistes. Dans cette logique, le plus beau plan du film demeure celui de l’actrice dans le taxi. Cadré très serré, il laisse filtrer de manière presque pudique la passion du cinéaste. Nous sommes loin d’un scepticisme dans ce plan, qui se range définitivement du côté d’un éblouissement spirituel.

 

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