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Cinéma coréen - Page 3

  • Sunhi

    L'amour est jeu de ressemblances

    SUNHI (U RI SUNHI, 2013) – Hong Sang-soo

    Film découvert au Cycle Séoul Hypnotique du Forum des Images

    Sunhi est pour moi le retour à l'expérience Hong Sang-soo, qui s'était « étouffée dans l'oeuf » à la sortie de Les Femmes de mes amis (2010). La déception face à ce film avait, il y a quelques années de cela, achevé tout désir d'en découvrir plus sur le cinéaste. Quelques années plus tard, je compris que mon incompréhension autant que mon indifférence à l'égard de l'oeuvre de Hong Sang-soo découlait de mon rejet de celle d'Eric Rohmer, influence majeure sur le cinéaste sud-coréen. Sunhi est cependant l'un des films les moins démonstratifs de Hong Sang-soo, surtout plaisant par sa simplicité.

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  • Man On High Heels

    Le contrepied du talon

    MAN ON HIGH HEELS (HAIHEEL) – Jang Jin

     

    Film d'ouverture du Cycle Séoul Hypnotique au Forum des Images, le 15 septembre 2015

    L'originalité de Man On High Heels ne repose pas sur le mélange des genre dont il se réclame – mais bien plus sur une contradiction inattendue dans son scénario. Son personnage principal, le policier Yoon Ji-wook (Cha Seung-won) cristallise cette dernière, par ce contraste entre la virilité de l'homme, un « vrai mec » selon les protagonistes extérieurs, et son secret désir de féminité. Cette étonnant paradoxe permet à Jang Jin de certes mélanger les genres, mais d'aussi brasser des clichés dans deux mondes a priori incompatibles,et d'enfin y trouver de la sincérité.

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  • Sea Fog / La Revanche des Dragons Verts / Les Chevaliers du Zodiaque

    Trois films issus d'entre les mailles de ces derniers mois, chacun d'une origine asiatique différente, portant une déception bien singulière selon les réalisations.

    SEA FOG, LES CLANDESTINS (HAEMOO) – Shim Sung Bo

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    Du film il ne faut retenir qu'une scène, puissante de vérité et de violence. Au bout de trente minutes flirtant avec le documentaire, démontrant la vérité d'acteurs entraînés à manier les cordages et la pêche comme une habitude de tous les jours, entre réprimandes, bavardages, taquineries, discussions conjugales, surgit l'action d'embarquement d'immigrés clandestins. La force de cette scène essentielle à la tournure du scénario réside dans le vertige de son image et la puissance de suggestion de la panique. Les bateaux tanguent l'un près de l'autre, dans une nappe noire éclairée de quelques tâches de lumière violente. Y surgissent brusquement la foule des immigrés, véritables apparitions dans la nuit, portés par les cris désemparés des pêcheurs et les vagues qui s'entrechoquent. La séquence marque les immigrés comme des indices étrangers dans une réalisation jusque là réaliste et bascule l'esthétique dans un terrifiant fantastique.

    Cependant, ce basculement fort intéressant et prenant n'est là que pour porter le sentiment de panique et le chaos engendré par la décision du capitaine ; et surtout pour signaler le tourbillon de violence prêt à envahir les protagonistes.

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    En cela, les lourdeurs du scénario et des dialogues de Sea Fog le rapprochent grandement de Antartic Journal (Yim Pil-Sung, 2005), un film motivé par la même ambition du voyage maudit éprouvant – et éprouvé à l'écran – mais incapable de construire une réelle immersion dans son sujet et ses personnages. Ainsi, les longues course-poursuites et la folie environnante surgissent sans réelle finesse, sans regard ni mise en scène personnels. Les acteurs se débattent dans les explosions et les dérapages hurlants, les haches, les couteaux, les revolvers et les objets contondants circulent dans la grande tradition du film de vengeance sud-coréen, où seule une architecture sournoise du bateau se retournant contre les protagonistes prête à sourire. Pris dans cette noyade littérale de sa démonstration des affrontements et d'une bien trop fréquente utilisation d'une agressivité réaliste, Sea Fog en finit par éviter totalement la page de l'histoire et du thème de l'immigration qu'il prétendait aborder.

     

    LA REVANCHE DES DRAGONS VERTS (REVENGE OF THE GREENS DRAGONS) – Andrew Loo et Andrew Lau Wai-Keung

    Cette production américaine co-réalisé par l'un des créateurs de la trilogie hongkongaise Infernal Affairs ne démérite pas d'ambition : suivre l'évolution de deux immigrés dans la banlieue de New York dans les années 1980, parmi les affrontements de gangs chinois et les efforts de la police locale pour démanteler le réseau asiatique. L'intérêt de La Revanche des dragons verts se limite cependant à ce tracé historique, relativement pâle et incarné brièvement par le protagoniste joué par Ray Liotta.

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    Depuis Infernal Affairs, le réalisateur Andrew Lau avait proposé l'insipide Confession of Pain, une enquête mentale aux conclusions maladroites. La Revanche des dragons verts comporte les mêmes défauts compulsifs à ces précédentes réalisations : un montage nerveux, une narration volontiers dynamique, remplie d'ellipses, afin de créer la confusion, l'alternance entre des affrontements très serrés et très découpés et des plans de contemplation des silhouettes face au paysage urbain... Si ce style convenait à la nervosité de la confrontation entre les deux infiltrés d'Infernal Affairs, il ne fait qu'alourdir le récit de Confession of Pain et celui de la Revanche des Dragons verts. Dans ce dernier, les protagonistes sont taillés à coups de pioche stéréotypée, les relations limitées à l'usuelle fraternité d'enfance éclatée, la violence grossièrement montrée à l'écran. Avec une facilité agaçante, le film multiplie les scènes de décapitation, d'humiliation ou de viol, faisant piailler ses acteurs dans tous les sens.

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    La démonstration appauvrit un portrait déjà très limité des immigrés et des gangs asiatiques de cette époque, se débarrassant de toutes nuances et ne cherchant même pas à faire jaillir l'ambiguïté, la véritable folie ou rage absurde de ces organisations mafieuses. La frustration est d'autant plus que surgissent forcément en comparaison les films de Martin Scorsese, producteur exécutif du film, parvenant justement à atteindre ces qualités-là.

     

    LES CHEVALIERS DU ZODIAQUE, LA LEGENDE DU SANCTUAIRE (SAINT SEIYA : LEGEND OF SANCTUARY) – Keiichi Sato

     

    La vision des Chevaliers du Zodiaque ne fut ni une épreuve, ni un plaisir, ni un haut-le-coeur... Elle fut un néant total. Si l'exercice de la critique négative demeure rarement aisée, elle n'est guère facilitée face à ces films, presque des objets rares parce qu'ils débordent de vacuité et d'inintérêt. Après Albator, corsaire de l'espace (Shinji Arakami, 2013), la Toei poursuit, tel un Marvel japonais, son chemin dans la réadaptation de ses célèbres séries. Le succès de Masami Kurumada succède à celui de Leiji Matsumoto dans cette reprise « moderne » de sa narration et de son esthétique.

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    L'échec du film tient d'abord à son pari, plutôt absurde que risqué, d'adapter 73 épisodes de la série pour les soumettre à la durée conventionnelle d'un film. Cette concentration est justement impossible, tant la série se construit justement sur l'enchaînement de ses épisodes et sa durée prolongée. Dès lors, le scénario accumule les raccourcis abusifs et s'autorise des ellipses invraisemblables. Les combats, généralement points forts de la transposition de ces séries sur grand écran – des adaptations comme Naruto, Bleach ou Full Metal Alchemist, même parfois creuses dans leur contenu, avaient au moins cette qualité de se surpasser en terme de mise en scène des affrontements – sont ici limités à quelques poings rageurs et des effets si véloces qu'ils précipitent tout le film dans une ribambelle illisible d'effets spéciaux. Certes, le style de Masami Kurumada, ainsi que l'adaptation des années 1980, s'appuyaient sur une explosion de couleurs et de détails quasi baroques, par exemple dans le design des armures. Celle-ci accompagnait cependant le rythme aventurier, cosmopolite, feuilletonesque des nombreux épisodes. Dans le contexte du film de Keiichi Sato, le passage au numérique de cet éclatement devient saturation dans l'image. Les attaques fantastiques et rituelles des Chevaliers, ainsi que le domaine des Divinités dorées, sont restitués grossièrement, à peine explorés dans leurs possibilités. Comble de ce gâchis esthétique, la plupart des combats sont éliminés au montage, remplacés par des remémorations inutiles de l'enfance des héros.

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    La véritable frustration provient de la disparition totale d'une once de vivacité chez les protagonistes. Sans être aficionado de la série originale, on ne pouvait lui reprocher le sacrifice des personnages au profit de la forme : chacun des Chevaliers concentrait sa part développée de passé, de charge personnelle et d'ambiguïté caractérielle. Dans La Légende du sanctuaire, les figures se succèdent sans se distinguer, uniquement définies par leurs signes caractéristiques visuels, et existent de manière pauvre à l'écran. Cette adaptation pointe justement les limites du numérique et de sa voracité dans sa reprise d'anime à succès : les effets spéciaux affublent les visages, les corps et les mouvements, dans une volonté d'éblouir, de dynamiser, mais en oublient la recherche d'une qualité de rythme singulier, ou de protagonistes propres.

  • Hard Day

    Jouissance du monde corrompu

    HARD DAY (MOO-DEOM-KKA-JI GAN-DA) – Kim Seong-hun

    Fantaisie scénaristique, Hard Day fonctionne bel et bien parce qu'il dépeint un monde corrompu, rongé par les trafics et l'argent, sans ressource d'humanité possible. Avec ironie, le film de Kim Seong-hun se nourrit de ce qui caractérise le cinéma sud-coréen actuel : vengeance, mise en scène conduisant l'acharnement dans la traque ou le meurtre, suprématie de la folie masculine, relations limitées à des rapports de domination...

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  • FFCP 2014 - 2

    9ÈME ÉDITION DU FESTIVAL DU FFCP – FILM CORÉEN DE PARIS

    3 films d'animation au FFCP

    JOHNNY EXPRESS -Kyungmin Woo

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    Prix du Meilleur Scénario, Johnny Express est un hilarant, car très habile, court-métrage d'animation. En quelques minutes, le film de Kyungmin Woo propose un burlesque et irrésistible humour, où le flegme d'un livreur du cosmos vient provoquer l'apocalypse sur une planète. Le montage joue habilement des codes du film catastrophe, et en amplifie la charge comique et grotesque par le contraste avec ce livreur paresseux et naïf. L'animation 3D rend très bien compte des contrastes de genre et de tons, multipliant les mini-gags visuels à l'intérieur des plans. Un court-métrage direct, efficace et intelligent, qui prouve plus que la cruauté burlesque de son scénario.

     

    PEST – Orom Park et Younghyun Yoo

    Très perturbant, ce court-métrage utilise l'animation comme un moyen de rompre avec ses apparences graphiques. Ainsi, la douceur simple du plan d'ouverture, qui révèle un salon propret où se lit tranquillement un vieux monsieur à lunettes, silhouette au tracé paisible, devient le cadre d'une violence froide et sans pitié. De la même manière, le visage comique et ballonné des deux policiers venus inspecter la maison, fera grincer des dents lors de leur fracas surréaliste contre le sol. Les différences de proportions sont énormes entre les actes effectués et la violence déchaînée, et entre le style employé et l'action perpétrée par ces personnages. Le basculement du cadre lisse et propre a quelque chose du malaise d'Haneke dans ce troublant Pest.

     

    THE FAKE – Sang-ho Yeon

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    The Fake est le second long-métrage de Sang-ho Yeon après The King of Pigs (2011), devant sortir logiquement sur nos écrans français en 2015 (je ne détaillerai pas ici le gouffre en ce concerne la distribution, hélas bien pauvre, des films d'animation d'origine coréenne).

    Assez curieusement le film pêchait dans son animation, peu novatrice, volontiers réaliste et simple dans ses choix de composition du cadre, de montage et de traitement sonore et visuel. Dès lors, The Fake surprend et ébranle par la texture riche de son scénario, mais déçoit par la platitude du traitement graphique. Au final, c'est bien plus l'écriture du film qui soutient la charge politique, plutôt que l'animation, à la présence alors peu justifiée.

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    The Fake interroge l'impact de la religion au sein d'une zone rurale à travers le récit d'une escroquerie. La scène d'ouverture est saisissante où une jeune curé, après avoir subi les conseils autant que les discours menaçants d'une poignée de mafieux, pénètre dans l'église moderne. S'y jouent, succédant à ces échanges quasi-scorsesiens, les impressionnantes prières de campagnards en larmes, se frappant contre le sol ou prêchant le ciel avec torpeur. Le regard cinglant porté sur la folie de la croyance, dans tout ce qu'elle a d'excessif et d'exclusif, n'est pas sans rappeler celui de Lee Chang-dong dans Secret Sunshine (2007). Le film ausculte en effet, à travers une galerie de personnages, l'atmosphère si particulière d'une communauté rurale, repliée sur la valorisation à la fois de l'esprit de groupe et de règles d'exclusion. La marginalisation devient un lent processus fondé sur les rumeurs, les sous-entendus et les regards méfiants, les jeux de manipulation. À ce niveau, si la corruption provient dès le départ des faux miracles religieux, la suite du film révèle peu à peu cette contamination du faux et de l'apparence sur toutes les cellules de la communauté.

    fake-retour.jpg Le scénario s'attache à la figure controversée de Min-Chul, le père de famille qui revient dans son village et s'aperçoit de l'escroquerie. Ironie du sort, à la manière du protagoniste de The Chaser (Hong-jin Na, 2008), ce personnage détenant la vérité se révèle également irrécupérable. Cependant, loin de construire un itinéraire rehaussant la moralité de ses protagonistes, le film en renverse souvent les figures les plus optimistes, tel le jeune prêtre. En cela, The Fake est gagné par un désespoir parfois difficile à encourager.

    L'animation de Sang-ho Yeon tient sa singularité surtout au niveau des teintes de ses plans. Les couleurs et les décors, très réalistes, sont baignés dans cette froideur boueuse que seule le rouge du monastère vient quelque peu contrebalancer. Au vu de la tournure du scénario, de la violence déchaînée et de l'audace de la critique portée à la religion et à la corruption, l'animation de ce film devient non pas un outil de création mais un intermédiaire de transmission d'un propos engagé. Elle permet d'incarner une violence considérée comme invisible et de révéler derrière toutes les escroqueries, tous les trafics possibles, leur froide réalité.

  • FFCP 2014 - 1

    9ÈME ÉDITION DU FESTIVAL DU FFCP – FILM CORÉEN DE PARIS

    du 28 octobre au 4 novembre 2014

    http://www.ffcp-cinema.com/

    C'est la seconde fois que je me rends au Festival du Film Coréen de Paris. L'équipe du festival a fait beaucoup de chemin depuis les projections chaotiques au Saint-André-des-Arts, par ailleurs un excellent cinéma Art et Essai, mais peu adapté à l'époque à la structure du festival et au succès affluent. Ainsi, le déplacement au Publicis Cinéma permet au FFCP de bénéficier de larges salles confortables pour l'événement. La programmation proposée était très riche, avec de nombreuses avants-premières (Haemoo, A Girl at my door, A Capella, Hard Day), des rétrospectives, des courts-métrages, des documentaires, de l'animation et surtout des films grand public. Probablement est-ce là la marque du FFCP, autrement dit sa volonté de confondre un large panel d'oeuvres, et de proposer autant du cinéma indépendant que des grands succès du box-office coréen, sachant qu'il est toujours appréciable de savourer des films d'action sur grand écran.

    Cette année, je pus voir quatre longs-métrages, dont un d'animation, ainsi que trois courts-métrages. La première partie de ce compte-rendu est consacrée aux films de fiction.

    12TH ASSISTANT DEACON – Jae-Hyun Jang

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    Grand Prix du Meilleur Court-métrage de cette année, 12th Assistant Deacon est un curieux objet, dont la réalisation très dense fait regretter le format du court. Le sujet est en effet très fort, puisqu'on suit un jeune prêtre sorti du séminaire et prêt à affronter, non pas une messe ni une communion, mais un exorcisme au sein d'un quartier urbain. Le personnage nous entraîne dans une ruelle sombre, loin de l'agitation joyeuse des soirs de la ville, suivant un prêtre l'infiltrant dans une chambre miteuse où siège une malade. Le dialogue habile dresse l'attente vis à vis de l'exorcisme qui va venir, dans un travail d'atmosphère efficace. 12th Assistant Deacon est parvenu à construire sa singularité dans le genre en proposant une intrusion directe non seulement dans cette chambre, mais également dans le personnage de ce jeune séminariste qui vient faire son premier exorcisme. Le fantastique gothique flirte avec le traumatisme personnel du viol, dans une réalisation déjà très efficace, loin d'être dans l'amateurisme. L'unique regret d'en voir plus souligne au final la qualité de ce court-métrage.

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    NIGHT FLIGHT – Lee Song-Hee-Il

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    Lee Song-Hee-Il est un cinéaste travaillant beaucoup autour de l'homosexualité en Corée. Il est ainsi connu pour le drama No Regret (2011), relativement torturé sur la question car traitant d'un amour impossible dans le milieu des prostitués de luxe. Night Flight ne propose pas un portrait aussi dense que No Regret sur la plan de l'homosexualité. Celle-ci, au final, demeure peu présente, plutôt passée à travers le filtre de la romance. En ce sens, le film contient certaines maladresses dans sa vision de la relation des deux garçons, usant inutilement d'effets musicaux, de grands travellings aériens ou de décors idylliques. L'entourage de toute cette relation par des effets presque pompeux fait que la délicatesse passe peu. Elle ne filtre au final que sur les scènes situées dans ce « Night Flight », cet ancien et mystérieux bar gay perdu au sommet d'un immeuble en démolition. Là, l'homosexualité présente son aspect le plus mélancolique, perdue entre quelques boissons partagées sous les néons vacillants et les décorations usées.

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    En outre, ces quelques maladresses ne cessent de contraster, violemment, avec la description, plus globale, du lycée dans lequel évoluent les deux héros. À ce niveau, le film de Lee Song-Hee-Il propose une terrifiante lecture du harcèlement à l'école. Le film s'ouvre d'emblée sur une scène d'agression, cachée sous un rail de métro. La spontanéité des lycéens est sans cesse morcelée par leur violence, et par le désintérêt du monde adulte à leur égard. Les toilettes deviennent des espaces de domination, les récréations et pauses-déjeuner des moments de terreurs, et le quotidien familial ou les vacances les seuls échappatoires à cette agressive routine scolaire. Le traitement de ce harcèlement est singulier : ni démonstratif ni facilement choquant, il fait succéder les séquences de violence avec sécheresse, concision, spontanéité si présente qu'elle en devient banale. Le montage, par la répétition de ces brimades, permet d'accéder au terrible sentiment d'une banalité de cette violence. Les micros-gestes et répliques agressives se prolongent jusqu'à – évidemment – l'éclatement final, fortement impressionnant. En cela, Night Flight n'est pas dénué d'une énergie qui impressionne autant qu'elle terrifie, redistribuant les cartes, non pas du tabou de l'homosexualité, mais bien plus des conflits discriminatoires dans le monde adolescent sud-coréen.

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    NON FICTION DIARY – Yoon-suk Jung

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    Documentaire angoissant, Non Fiction Diary offre un aperçu sur les deux événements ayant bouleversé l'année 1994 en Corée du Sud. Par la confrontation de la découverte d'un groupe de meurtriers en série avec l'effondrement d'un célèbre bâtiment commercial, le film propose une réflexion pertinente et terrifiante sur la criminalité. Très dense car réunissant à la fois images d'archives, images actuelles, témoignages d'époque et témoignages contemporains, le documentaire de Yoon-suk Jung mélange les actualités et les voix, la chronique de campagne avec le fait divers collectif. Le parallèle est cependant loin d'être absurde : en plus de saisir deux des plus terrifiants événements de cette période, et d'ainsi donner par-là un aperçu sur un contexte spatio-temporel bien précis, il fait jaillir des souvenirs et réflexions nouvelles auprès des personnalités interrogées. Etonnamment, le policier ayant procédé à l'arrestation du clan meurtrier confie avoir assisté à l'effondrement de près, prenant par hasard un café juste en face du bâtiment commercial.

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    Si ce n'est pas la juxtaposition des deux faits divers qui est absurde, ce sont cependant les événements en eux-mêmes qui le sont. Dans les descriptions qui accompagnent chacun surgit l'effrayante tranquillité avec laquelle la violence apparaît. Le policier décrit ainsi la discrétion du son entendu avant le constat de l'effondrement, un léger sifflement qui l'a amené à tourner la tête pour voir ce qui se passait. L'effroi passe par l'inattendu de la violence, et l'absurdité même de la situation : les images de destruction, oscillant entre la façade et l'entrée, intactes, du bâtiment, et son arrière entièrement écrasé et fracassé, terrifient. Le film interroge ensuite, et avec pertinence, la question de la responsabilité politique dans le cadre de la catastrophe. Le crime à grande échelle ne connaît en effet pas le même destin judiciaire que celui commis par des criminels identifiés. Le parallèle entre les événements, l'urbain et le rural, fait saisir les disproportions de jugement entre les deux.

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    La tragédie urbaine se lie, au montage, par des effets de fondus, de bandes sonores chevauchées, à celle rurale. La révélation des crimes subit ce même contraste présent dans la ville, à savoir la disproportion entre une façade tranquille et un désastre dissimulé. Non Fiction Diary rejoint en ce sens beaucoup d'oeuvres de fiction faisant jaillir la même contradiction. Des films tels que Memories of Murder (Bong Joon-ho, 2003) ou Secret Sunshine (Lee Chang-dong, 2007) tirent leurs atmosphères d'une certaine réalité rurale, celle illuminée par le soleil et les champs dorés, dans lesquels sont tapis les meurtriers. En outre, l'écart est ahurissant entre l'atrocité et la fascination développée face aux criminels. Le tapage médiatique autour de ce crime fait l'objet de la seconde partie du film, montrant à travers de nombreuses archives l'obsession morbide du public de l'époque, intéressé par tous les détails intimes des criminels, et leur besoin de trouver un bouc émissaire à même de soulager l'angoisse de l'année. Mais plus fascinant, le film entretient par son montage l'exact ambiguïté agissant à l'époque dans la considération de l'événement. Entre ces images remontées et les témoignages qui s'entrechoquent surgit en effet cet écart entre l'abondant tapage médiatique et le silence sur la raison des gestes de ces criminels.

     

     

    THE DIVINE MOVE – Beom-gu Cho

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    Le film de clôture du festival, succédant à la remise des prix et les remerciements des différents participants, était un des films à succès de 2014 en Corée du Sud. Réalisé par Beom-gu Cho, ce blockbuster concluait le festival dans le plaisir du bouillonnement du film de casse – car c'est au final, malgré l'intrigue centrée autour du jeu de Go, le genre auquel se réfère le plus le scénario et l'esthétique – tout en témoignant de certaines limites.

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    Au final, ce ne sont pas les quelques poncifs qui pèchent dans The Divine Move, mais bien plus le repli progressif de la bouillonnante action de départ vers une intrigue plus sage, et moins délurée. Avec le motif du jeu de Go il y avait là le moyen de pulvériser la mise en scène de la stratégie et de proposer, à l'image du titre, des performances aussi divinement absurdes autour du simple geste de la pierre sur le plateau. Un manga tel que Hikaru no Go (Yumi Hotta / Takeshi Obata, 2009) l'avait ainsi prouvé, saisissant le jeu comme un lieu de suspense résolument inattendu. Le début de The Divine Move amuse ainsi par le fusionnement entre la pratique du jeu et la pratique du gang : être bon au Go devient vite une tyrannie où tout est permis, et les clubs de Go sont des clubs de débauche et de tricherie. En cela, le film offre un tableau totalement réjouissant dans sa reconversion du fonctionnement du jeu à un système mafieux : tripots enfumés accueillent les trafics les plus divers, les arnaques et les exploitations des vrais génies de Go. En outre, le film propose des idées de mise en scène plutôt réjouissantes, alliant le contexte du film d'action à la logique du jeu. Le séjour en prison se transforme en un affrontement réflexif entre les cellules, tandis que le héros propose à l'un de ses ennemis un combat de Go dans une chambre froide.

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    The Divine Move n'aboutit cependant pas à l'absurdité de ce principe, qui ne surgit que dans ces quelques scènes. Ainsi, les protagonistes secondaires sont cantonnés à des rôles stéréotypés - la jeune femme exploitée et réservée, le dilettante arnaqueur, l'artisan ténébreux et casseur - et le « divine move » promis par le titre, ou encore par l'abondante iconographie religieuse fréquemment convoquée, n'apparaît jamais, cédant le pas à la traditionnelle scène de combat final. Tout le décor – et l'intrigue avec – est détruit et démantelé par les combats, moins réjouissants que ces scènes de Go plus ambitieuses. Probablement le film perd de sa dynamique afin d'ouvrir la porte à la possibilité d'une franchise, sa fin préméditant une suite.

  • Antarctic Journal

    NAMGEUK-ILGI / ANTARTIC JOURNAL (2005)– Yim Phil-Sung

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    Pour son dernier film (réalisé après l'inégal mais non moins intriguant Hansel et Gretel), Yim Phil-sung a su réunir un casting de rêve, confrontant d'excellents acteurs sud-coréens à une épreuve antarctique, mais emprunte très maladroitement les chemins de The Thing et du film d'épouvante. Ne le cachons pas, Antartic Journal, malgré tous les efforts de ses acteurs et le soin accordé à une réalisation plus qu'impressionnante par son ampleur, est loin d'être une réussite. La faiblesse du scénario, qui s'appuie sur un long cheminement de signes maléfiques un peu ridicules aboutissant à une explication psychologique sans finesse ne fait qu'alourdir des choix de direction et de mise en scène peu originaux. Le film donne ainsi la sensation d'assister à un immense gâchis, où toute la beauté de la réalisation et le rendu du long périple dans la neige et le froid se dégonflent progressivement pour laisser apparaître la vacuité de ce film. Le récit n'a absolument rien à dire, et les efforts de jeu et de roulades dans la neige de Song Kang-ho, Park Hee-Soon, ou Yoo Ji-tae ne suffisent pas à colmater cette absence de propos.

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  • Festival du Film Coréen 2012

    3 Films au FFCP

    7ème édition du Festival du Film Coréen à Paris.

     

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    Pour sa 7ème édition à la programmation bien riche et équilibrée – entre films indépendants, comédies, documentaires, courts-métrages, et blockbusters de bonne facture – le FFCP se déroule, paradoxalement, dans le tout petit cinéma St André des Arts, près du Boulevard St-Michel. Ce contraste fait qu'il subsiste de nombreux problèmes techniques liés à la précarité de la mise en place de ce festival, mais qu'il y règne également une ambiance conviviale, bon enfant, et fort sympathique. Si l'image souvent floue issue des projecteurs numériques mal réglés ou les sous-titres parfois peu visibles gâchent le plaisir de la séance, les sourires adressés à la sortie par la petite équipe de bénévoles sauvent ces maladresses techniques.

    STATELESS THINGS - Kim Kyung-mook

     

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    Stateless Things est le premier long-métrage de l'invité d'honneur du festival de cette année, Kim Kyung-mook. Contrairement aux éloges que beaucoup adressent à ce jeune cinéaste, son film m'a paru plutôt malsain. Le film s'attaque, entre autres, au quotidien miséreux des jeunes immigrés venus des pays environnants, débouchant à Séoul pour survivre de petits boulots, ou se retrouvant dans la prostitution. Kim Kyung-mook a choisi une narration éclatée (grand effet à la mode dans les petits films indépendants...) visant à embrouiller le spectateur (pour l'amener à des réflexions pseudo-psychologiques sur le dédoublement de personnalité...), entre temps de contemplation (et presque dérisoirement touristique sur une séquence de promenade dans les quartiers de la ville), temps de violence (les fameuses bagarres du cinéma sud-coréen, filmées à l'épaule, vibrants auprès des corps, de la terre, et de la crasse), et temps pour choquer le spectateur (inserts faciles et sans intérêt de vidéos amateures quasi-pornographiques...). Comme beaucoup de premiers films, on peut ainsi trouver que le réalisateur a voulu en mettre « trop », créant la confusion par l'afflux d'esthétiques différentes, de pistes non résolues, de choix divergents. Tantôt la prostitution est montrée sous un visage cru et impitoyable, dans une volonté de choquer le public, tantôt elle cède le pas à des scènes d'amour homosexuelles filmées avec une lenteur d'une rare beauté (l'impressionnant premier rapport amoureux entre le jeune prostitué et son protecteur plus âgé l'ayant enfermé dans une prison de luxe). Un tel décalage provoque au final le malaise et n'aide en aucun cas à définir les intentions, ou plutôt la ligne qu'a voulu apporter le cinéaste à ce sujet, trouble qui laisse assez désarmé et qui agace quelque peu. A force de trop abuser de l'irrésolu, Stateless Thingslaisse toutes les grandes questions en suspens et ne prend pas de risques avec ses sujets pourtant courageux à la base.

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    WAR OF THE ARROWS – Han-min Kim

     

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    Trois gros films et succès en Corée étaient au rendez-vous du festival. Je n'ai malheureusement pas pu voir les films d'ouverture et clôture, dont j'entendis d'élogieuse critiques, Masquerade, avec le fabuleux Lee Byung-hun dans un double-rôle, et The Thieves, film d'action inspiré d'Ocean's Eleven. Le troisième blockbuster était War of the Arrows, fiction se déroulant durant les invasions mandchoues et suivant le protagoniste, archer prodigue, bien évidemment, bataillant avec acharnement pour retrouver sa petite sœur. Le gros souci du film réside dans la représentation de ce héros, extrêmement naïf et sans grande profondeur, totalement aveuglé, de bout en bout du film, par son devoir de protection envers sa sœur. Un héros aussi peu évolutif provoque parfois l'ennui et la lassitude, et c'est le virtuose des séquences d'action qui contrebalance cette faiblesse. En effet, un vrai travail graphique et de mise en scène transforment chaque tir de flèche en une impressionnante bataille réflexive, la mise en scène se trouvant sur ce point dans les séquences d'action à mi-chemin entre Tsui Hark et Zhang Yimou. Mais le scénario reste malheureusement un lourd poids traînant derrière cette virtuosité de l'action, l'aspect politique restant assez pâle et les seconds personnages (bien plus intéressants) plutôt sacrifiés, et servant de prétexte pour desservir chaque affrontement.

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    TALKING ARCHITECT – Jae-eun Jeong

     

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    Le dernier film que j'ai été découvrir, un peu par hasard, était un documentaire sur un architecte atteint d'un cancer mais ayant réussi à s'accrocher pour suivre la mise en place d'une exposition consacrée à son travail. La réalisatrice, la productrice, et le fils plutôt ému de l'architecte en question étaient présents. Très agréable et touchant, le film est porté par la présence lumineuse de ce vieil architecte diminué par la maladie mais gardant un moral incroyable et une véritable sincérité. La grande qualité du documentaire est de ne pas s'être du tout allé au sentimentalisme vis à vis de la présence de la maladie, et d'être resté dans un portrait très fidèle, captant à la fois les réflexions, l'émotion, l'humour, et l'entêtement du personnage. La vivacité de la réalisation modeste capte les commentaires de Chung Guyon qui se scandalise face à la politique des panneaux solaires, ruinant le paysage selon lui, ou se disputant gaiement avec la directrice de l'exposition, aussi têtue que lui. On sourit, on rit, on se laisse porter par le dynamisme revigorant de cet architecte au caractère bien trempé mais d'une forte humanité, considérant l'architecture comme un moyen avant tout de réunir les gens dans le plaisir. La séquence finale est très touchante, où de vieilles personnes viennent remercier Chung Guyon d'avoir construit des bains publics à proximité de chez eux, pouvant leur permettre de se réunir pour se baigner et se rencontrer. De plus, le film pose, esquisse, un regard sur l'architecture en Corée, avec des interviews croisées d'experts en architectures sur les œuvres de Chung Guyon ou sur leur conception du métier. Un joli documentaire d'une belle sincérité et ouverture d'esprit. 

     

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    le site du festival

  • La Servante

    L'Animalerie

    LA SERVANTE (1960) – Kim Ki-Young

     

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    La Servante est un film sud-coréen de 1960, considéré comme une référence pour les réalisateurs sud-coréens actuels. Bong Joon-ho a même déclaré à son propos qu'il s'agissait du « Citizen Kane coréen », phrase qui servit de promotion pour l’affiche du film. La Servante a inspiré un remake (non vu pour ma part) par Im Sang-soo, The Housemaid, avec l'actrice principale de Secret Sunshine, Jeon Do-Yeon, qui reprend le rôle autrefois incarné par Lee Eun-chim. Autant le dire d'emblée, La Servante est un film qui ne ménage pas son spectateur, tant par son scénario que par le caractère malsain de ses protagonistes se moquant et démantelant toute forme de moralité ou de raison. Les rebondissements sont nombreux et soutiennent une machiavélique machine à folie, que la mise en scène, magistrale, rend autant plus forte et symbolique.

    Le film est restauré par la World Cinema Foundation (dirigée par Martin Scorsese) et le film aurait longtemps été incomplet si une bobine n'avait pas été retrouvée par hasard. Il y manque à ce jour encore quelques scènes ou quelques images. La première partie du film est d'une qualité sidérante, grâce à cette restauration : presque aucun parasite, une image lisse et propre, et un son tout aussi agréable. La seconde partie du film, probablement la bobine retrouvée, a malheureusement reçu beaucoup plus de dégâts et de dégradation.

     

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    La Servante subjugue par ses qualités techniques et son sens scrupuleux de la mise en scène. En ce sens, la rigueur presque mathématique avec laquelle l'image de la cruauté est illustrée, symbolisée par une mise en scène presque clinique, cernant chaque ambiguïté, m'a rappelé le travail tout aussi minutieux de We need to talk about Kevin (Lynne Ramsay), aussi un film sur la manipulation dans une famille bourgeoise. Avec La Servante, le récit se transforme rapidement en un huis-clos terrifiant, où le personnage de la servante finit par envahir les espaces d'intimité familiale et à s'affranchir de sa place à la cuisine, notamment par le biais de tout un jeu fascinant de voyeurisme à travers les fenêtres, et de mouvements de caméra proprement époustouflants pour l'époque, d'une violence stylisée assez extraordinaire. La musique, lourde machine à dramatiser, intervient malheureusement, bien trop souvent pour souligner chaque nouvelle tension entre la famille et la servante, tendant à vite agacer.

    De plus, ce qui déroute, plus que les accès de violence, c'est la victimisation systématique de l’unique protagoniste masculin, le mari professeur de piano, vu comme oppressé par chacune des deux femmes, la servante et sa femme, l'une l'enlisant dans l'infidélité et l'autre soutenant cette luxure dans le seul but de garder leur bonne réputation et de cacher ces événements. Dès lors, les personnages de femme célibataires sont considérablement présentés comme plus machiavéliques et oppressants, portés par le fantasme (il n'y a qu'à voir le protagoniste trouble de la jeune chanteuse à qui le professeur délivre des leçons de piano, qui choisit de lui recommander une soubrette un peu animale, et de le pousser au désir).

     

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    En ce sens, le très fort symbolisme des animaux assimile les protagonistes à l'idée de bestialité, où chacun lutte pour sa survie ou son intérêt, mais donne aussi un autre éclairage sur l'ambiguïté régnante. La servante arrive ainsi pour s'occuper des rats qui sont assimilés à des présences étrangères, intrusives, capables de se faufiler n'importe où pour instaurer la maladie ou la saleté. Le fait même de demander à la servante de s'en occuper prouve combien la famille la considère comme une étrangère de classe inférieure, méritant juste de rester dans la cuisine avec ces rats. Or, le plaisir sadique que développe la servante à empoisonner ces rats inverse la situation : le personnage considère à son tour que c'est la famille elle-même qui s'assimile à des rats lui empoisonnant l'existence par sa dévalorisation (le comportement de rejet du plus petit des enfants, en particulier). Par la suite, comme en réponse à ce comportement, le professeur ramène un oiseau enfermé dans une cage, l'offrant à sa fille, elle aussi une figure opprimée. Quel oiseau est donc emprisonné ? Est-ce la servante, devant vivre aux dépens de la famille pour gagner sa vie ? La petite fille, devant attendre la guérison de ses jambes, tandis que gambade son frère moqueur ? La famille elle-même, au final prise au piège et sous la menace de la servante ? Cette ambiguïté animale, alliée au fort travail sur l'espace, impressionnent grandement par le trouble qu'ils proposent. Malheureusement, la réalisation de La Servante a souvent tendance à se complaire dans des volontés de provocation, autant par sa fin déroutante que par l'abus de propos crus et de violence caractérisant ce personnage de la servante, qui s'avère parfois proche de la caricature grotesque.

    Voir aussi le billet très intéressant d'Edouard sur Nightswimming.

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  • A family

    A FAMILY (2004)

    Lee Jung-Chul

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    Avant de voir ce film, une amie m'avait parlé de ces films français assez mauvais qui sortent au cinéma parfois, mais qui seraient passés pour d'excellents téléfilms à la télévision. L'exemple pourrait très bien s'appliquer à ce film sud-coréen, qui se veut une sorte de mélodramatique histoire prenant pour thèmes la mafia et les relations familiales. Mais, n'est pas Park Chan-wook ou Kim Jee-woon qui veut, pour reprendre une expression facile, et si A Family se veut sincère et correct, les dénouements classiques du scénario, ainsi que sa réalisation sans personnalité, en font un film décevant et véritablement passable.

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    A Family se veut de fait ressasser de grands thèmes fétiches au cinéma sud-coréen, jouant sur la corde d'une violence absurde et injustifiée, tout en se basant sur un drame en toile de fond. Ce qui fait que le spectateur peut plutôt être gêné par les efforts déployés pour se vouloir illustrer la violence, souvent de manière maladroite et confuse. De nombreux raccords au montage passent très mal, où, après une unique gifle au visage, les personnages se retrouvent brusquement recouverts de sang. Ces nombreuses incohérences peinent à faire croire au récit, qui accumule de fait les poncifs. Par exemple, le rôle de mafieux tyrannique joué par Park Hee-sun (le pervers machiavélique d'Hansel et Gretel) s'avère excessif et grotesque, pâle copie de la Brute incarnée par Lee Byung-hun. Dans le film de Kim Jee-woon, la fantaisie du ton et le contraste entre le physique d'ange de l'acteur et sa brutalité sans raison se prêtaient très bien au jeu explosif de ses duels avec les personnages du Bon et du Cinglé. Mais, dans A Family, la violence gratuite que dégage le mafieux envers la jeune héroïne et sa famille semblent infondée et incompréhensible, tirant le film dans un certain manichéisme.

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    Il aurait peut-être mieux valu que le film se concentre sur les relations familiales et reste modeste dans son ambition. Malheureusement, mis à part quelques jolies séquences de complicité entre le frère et la sœur (notamment celle, trop courte, de la patinoire), l'intrigue et le scénario tirent les malheurs des personnages et s'enfoncent dans une psychologie insipide. Le personnage du père, pourtant incarné par Ju Hyeon, un acteur au faciès et à la prestance assez imposantes, s'avère très facilement réhabilité, classique image du bourru qui se révèle avoir un cœur d'or. L'actrice principale, Su Ae, reste convenable, la nonchalance affichée au début étant plutôt fausse. Quelques pistes auraient pu être explorées, comme le rapport étrange aux objets tranchants comme les ciseaux, qu'utilise la jeune femme dans son désir de coiffeuse, alors qu'elle a rendu son père borgne par accident lorsqu'elle était petite.

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    A Family, derrière des apparences prétendument de drame familial aux grands sentiments et à la forte action, s'avère être un film insipide et sans originalité.