Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Albator corsaire de l'espace
Space opera et spleen spatial
ALBATOR CORSAIRE DE L'ESPACE – Shinji Arakami
Bonne surprise, Albator corsaire de l'espace concilie une esthétique époustouflante à la mélancolie apocalyptique. Dans cette aventure spatiale, l'esthétique du space opera est mise au service d'un spleen intérieur, reliant la détresse humaine de son héros aux visions élégiaques d'un espace en reconstruction.
Loin de se révéler une gonflante adaptation ne comptant que sur ses ressources technologiques, le film déploie une véritable force visuelle alliée intelligemment aux thèmes, sombres et torturés, de l'exil et de la destruction portés par le personnage d'Albator – Harlock en version originale. La réalisation est emphatique, prenante, s'amusant presque de l'image de marque du corsaire tout en lui conférant une dimension dramatique. Ainsi, certains effets « gratuits » ne manquent pas, laissant déborder volontiers la puissance charismatique du révolutionnaire. Voix grave et longue cape rouge flottant dans le vent, le corsaire nous embarque en même temps que le jeune Yama à bord de l'Arcadia. Le film parvient pour un premier temps à nous raviver le mythe, n'hésitant pas à renouer avec l'esthétique gothique de la série de base, lui conférant même une atmosphère volontiers lugubre et chargée. Ce pacte n'est pas sans amuser, très efficace comme lors de la séquence où le jeune Yama est sauvé miraculeusement par le corsaire, qui se transforme en véritable justicier sans peur. En outre, le film confère à Albator un comportement aussi lugubre, parfois nonchalant, à l'image de son atmosphère, entretenant cette ambiguïté du personnage, à la fois héroïque et audacieux, mais également foncièrement antipathique et froid.
Evidemment, malgré la modernisation du protagoniste, le film ne se débarrasse pas de certaines lourdeurs propres aux stéréotypes de l'anime. La classique opposition entre les deux frères qui sous-tend le conflit spatial est un poncif du genre, alourdissant le propos et en s'appréciant que comme une logique de distraction, dans l'attente de voir à l'action le corsaire charismatique. De même, les protagonistes de l'équipe, que l'on aurait souhaité voir plus présents, demeurent ancrés à leurs caractères d'origine, du râleur mécanicien corpulent à la fidèle sous-lieutenant sensuelle. Les questions éthiques et politiques contenus dans la situation cèdent un peu trop rapidement le pas à la question élégiaque, ce qui est regrettable. En revanche, en ce qui concerne le rapport d'Albator à la Terre disparue, le film parvient admirablement à renouer avec un rapport romantique, se transformant sur sa dernière partie en une ample et mélancolique exploration de l'espace, alternant entre de prenantes batailles spatiales et des vues contemplatives et émues de la planète. Le spleen vient progressivement teinter la réalisation, ralentir le rythme, conférer à l'animation le meilleur de son émotion en faisant du monde spatial le prolongement visuel et sonore de la souffrance intérieure du corsaire. Le film d'Arakami trouve dans ces moments de suspension et de souvenir une véritable efficacité dans la retranscription d'un sentiment profond de mélancolie.
Sans s'attendre à un résultat grandiose sur tous les plans, cet Albator captive, et parvient surtout à relever parfois de l'inattendu. Il n'est pas une simpliste lecture du phénomène, tentant d'en conserver la profondeur psychologique, trouvant certes quelques limites, mais l'effort demeure appréciable et le résultat ébouriffant.