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Tel Père tel fils

Une attention du regard

SOSHITE CHICHI NI NARU - TEL PÈRE TEL FILS – Hirokazu Kore-eda

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Après I Wish, Kore-eda reporte son attention sur les parents, renouant avec le ton léger – du moins en apparence – de son bouleversant Still Walking. Il y confronte, à travers un échange de nourrissons à la naissance, deux familles aux conditions sociales différentes, et propose surtout un regard sur la paternité.

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Loin d'écraser le spectateur avec l'opposition évidente entre les deux familles, le film fait en effet intelligemment le choix de son concentrer sur le personnage le plus antipathique de prime abord, celui de ce père exigeant, archétype de l'homme d'affaires moderne japonais. La présence de Masaharu Fukuyama, chanteur star au Japon, apporte une fraîcheur inattendue. Il n'est certes pas la première figure médiatique avec lequel travaille Kore-eda – la mère de Nobody Knows était joué par une chanteuse J-Pop, You, et la poupée de Air Doll par une célèbre actrice coréenne, Bae Donna, qu'on pouvait voir dans The Host (Bong Joon-ho) – mais c'est la première fois qu'il confie un rôle aussi important à une figure célèbre, confirmant l'habitude étonnante qu'a ce cinéaste à intégrer des personnalités célèbres dans un récit intimiste. Ici, le visage très accessible et avenant de Fukuyama s'oppose à la rigidité de son rôle, à l'extrême sévérité qui le porte. Le choix du casting induit ainsi d'emblée, et très astucieusement, une ambiguïté qui ne cessera de bercer l'écriture et l'évolution de ce protagoniste, à la fois attachant, d'abord agaçant dans son refus de l'autre famille, puis apparaissant peu à peu naïf, dérouté, attendri.

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Le film esquisse également le rapport aux mères, et par-là la place de la femme dans la famille traditionnelle. Kore-eda parvient à leur conférer une véritable présence dramatique et psychologique, en dépit de leur maigre présence. Cependant, le portrait se révèle moins audacieux que dans Still Walking, où pointait de manière plus cruelle et plus fine le conditionnement de la femme au foyer. Ici, la vision critique apparaît limpide, claire, évidente, certes abordée de manière douce mais se réfugiant près de lieux communs attendus. La description de la famille de Ryota paraît ainsi conventionnelle, n'apportant pas grand-chose au récit, si ce n'est pour démontrer combien le personnage s'inscrit presque dans les pas de son père, brossé comme une autorité traditionnelle. Il manque parfois à Tel père tel fils la finesse de regard et l'ambiguïté qui traversaient les grands-parents de Still Walking, paisibles en apparence, mais criblés de failles et de défauts. Le ton se révèle plus naïf, notamment dans la conclusion du récit, à la fois très prudente mais également emplie de froideur.

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Le dernier film de Kore-eda souffre également de quelques problèmes de rythme, alternant entre des séquences à l'émotion très forte – la photographie près du lac – et d'autres banales, inutiles, parois creuses – toutes les séquences relatives au travail de Ryota, par exemple, trop démonstratives pour mettre en avant l'obsession de la réussite chez le père. Ce défaut s'explique en partie par le déséquilibre dans la cartographie et l'établissement des lieux. Jusqu'à présent, les meilleurs films du cinéaste s'appuyaient sur des unités de lieux bien précis (un appartement, un parc de jeu, une maison familiale, une plage...), faisant naviguer ses personnages dans ses espaces selon une chorégraphie évoluant au fil de la progression dramatique et en fonction des relations. Ici, le récit se déplace constamment, envahissant des lieux très différents, disséminant de fait l'évolution de l'action en de nombreuses micro-séquences à l'impact plus ou moins efficace. L'émotion de ce film jaillit ainsi de manière plus discrète qu'auparavant, certes dans l'épure mais également dans une distance parfois décevante.

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Dans les images posées de Kore-eda se dessine toujours un jeu dans les directions de regards. Ceux-ci s'évitent et se croisent rarement dans Nobody Knows, ou bien s'affrontent avec amertume et pudeur à la fois dans Still Walking. Dans Tel Père tel fils, le regard n'apporte ni la confrontation ni le rejet : il exprime bien plus une attention, une curiosité d'où surgit parfois de la tendresse. La réalisation s'empare de ces moments discrets de latence, par le biais d'un cadrage très maîtrisé mais également d'une direction d'acteurs remarquable, surtout en ce qui concerne les enfants. Tel père tel fils parvient ainsi miraculeusement à saisir ces regards de parents, posés sur leurs enfants, souvent sans les comprendre, et c'est de là que provient sa principale qualité.

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A lire également : un article sur le cinéma de Hirokazu Kore-eda.

 

Commentaires

  • J'ai été de mon côté un peu déçue par le film, en particulier à cause du rythme assez irrégulier ; je trouve également que les personnages auraient pu être plus fouillés, que l'intrigue aurait pu être davantage approfondie : on attend d'un bout à l'autre que... et finalement rien ne se déclenche véritablement, je suis presque restée sur ma faim. Il y a un petit côté "chronique du quotidien" à ce film qui fait que tout ce qui veut être dit reste trop chuchoté pour être bien entendu. Tu parles de discrétion, et je pense que tu as raison : on aurait peut-être aimé davantage d'engagement, de critique, d'affirmation (au-delà des esquisses que tu cites, comme celles des mères). L'ensemble reste finalement assez timide.
    Néanmoins, le film a des qualités indéniables, il est doté d'une certaine fraicheur et d'une certaine délicatesse et j'ai eu beaucoup de plaisir à le voir (après tout le temps qu'il m'a fallu pour l'obtenir !).

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