Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Festival du Film Coréen 2012
3 Films au FFCP
7ème édition du Festival du Film Coréen à Paris.
Pour sa 7ème édition à la programmation bien riche et équilibrée – entre films indépendants, comédies, documentaires, courts-métrages, et blockbusters de bonne facture – le FFCP se déroule, paradoxalement, dans le tout petit cinéma St André des Arts, près du Boulevard St-Michel. Ce contraste fait qu'il subsiste de nombreux problèmes techniques liés à la précarité de la mise en place de ce festival, mais qu'il y règne également une ambiance conviviale, bon enfant, et fort sympathique. Si l'image souvent floue issue des projecteurs numériques mal réglés ou les sous-titres parfois peu visibles gâchent le plaisir de la séance, les sourires adressés à la sortie par la petite équipe de bénévoles sauvent ces maladresses techniques.
STATELESS THINGS - Kim Kyung-mook
Stateless Things est le premier long-métrage de l'invité d'honneur du festival de cette année, Kim Kyung-mook. Contrairement aux éloges que beaucoup adressent à ce jeune cinéaste, son film m'a paru plutôt malsain. Le film s'attaque, entre autres, au quotidien miséreux des jeunes immigrés venus des pays environnants, débouchant à Séoul pour survivre de petits boulots, ou se retrouvant dans la prostitution. Kim Kyung-mook a choisi une narration éclatée (grand effet à la mode dans les petits films indépendants...) visant à embrouiller le spectateur (pour l'amener à des réflexions pseudo-psychologiques sur le dédoublement de personnalité...), entre temps de contemplation (et presque dérisoirement touristique sur une séquence de promenade dans les quartiers de la ville), temps de violence (les fameuses bagarres du cinéma sud-coréen, filmées à l'épaule, vibrants auprès des corps, de la terre, et de la crasse), et temps pour choquer le spectateur (inserts faciles et sans intérêt de vidéos amateures quasi-pornographiques...). Comme beaucoup de premiers films, on peut ainsi trouver que le réalisateur a voulu en mettre « trop », créant la confusion par l'afflux d'esthétiques différentes, de pistes non résolues, de choix divergents. Tantôt la prostitution est montrée sous un visage cru et impitoyable, dans une volonté de choquer le public, tantôt elle cède le pas à des scènes d'amour homosexuelles filmées avec une lenteur d'une rare beauté (l'impressionnant premier rapport amoureux entre le jeune prostitué et son protecteur plus âgé l'ayant enfermé dans une prison de luxe). Un tel décalage provoque au final le malaise et n'aide en aucun cas à définir les intentions, ou plutôt la ligne qu'a voulu apporter le cinéaste à ce sujet, trouble qui laisse assez désarmé et qui agace quelque peu. A force de trop abuser de l'irrésolu, Stateless Thingslaisse toutes les grandes questions en suspens et ne prend pas de risques avec ses sujets pourtant courageux à la base.
WAR OF THE ARROWS – Han-min Kim
Trois gros films et succès en Corée étaient au rendez-vous du festival. Je n'ai malheureusement pas pu voir les films d'ouverture et clôture, dont j'entendis d'élogieuse critiques, Masquerade, avec le fabuleux Lee Byung-hun dans un double-rôle, et The Thieves, film d'action inspiré d'Ocean's Eleven. Le troisième blockbuster était War of the Arrows, fiction se déroulant durant les invasions mandchoues et suivant le protagoniste, archer prodigue, bien évidemment, bataillant avec acharnement pour retrouver sa petite sœur. Le gros souci du film réside dans la représentation de ce héros, extrêmement naïf et sans grande profondeur, totalement aveuglé, de bout en bout du film, par son devoir de protection envers sa sœur. Un héros aussi peu évolutif provoque parfois l'ennui et la lassitude, et c'est le virtuose des séquences d'action qui contrebalance cette faiblesse. En effet, un vrai travail graphique et de mise en scène transforment chaque tir de flèche en une impressionnante bataille réflexive, la mise en scène se trouvant sur ce point dans les séquences d'action à mi-chemin entre Tsui Hark et Zhang Yimou. Mais le scénario reste malheureusement un lourd poids traînant derrière cette virtuosité de l'action, l'aspect politique restant assez pâle et les seconds personnages (bien plus intéressants) plutôt sacrifiés, et servant de prétexte pour desservir chaque affrontement.
TALKING ARCHITECT – Jae-eun Jeong
Le dernier film que j'ai été découvrir, un peu par hasard, était un documentaire sur un architecte atteint d'un cancer mais ayant réussi à s'accrocher pour suivre la mise en place d'une exposition consacrée à son travail. La réalisatrice, la productrice, et le fils plutôt ému de l'architecte en question étaient présents. Très agréable et touchant, le film est porté par la présence lumineuse de ce vieil architecte diminué par la maladie mais gardant un moral incroyable et une véritable sincérité. La grande qualité du documentaire est de ne pas s'être du tout allé au sentimentalisme vis à vis de la présence de la maladie, et d'être resté dans un portrait très fidèle, captant à la fois les réflexions, l'émotion, l'humour, et l'entêtement du personnage. La vivacité de la réalisation modeste capte les commentaires de Chung Guyon qui se scandalise face à la politique des panneaux solaires, ruinant le paysage selon lui, ou se disputant gaiement avec la directrice de l'exposition, aussi têtue que lui. On sourit, on rit, on se laisse porter par le dynamisme revigorant de cet architecte au caractère bien trempé mais d'une forte humanité, considérant l'architecture comme un moyen avant tout de réunir les gens dans le plaisir. La séquence finale est très touchante, où de vieilles personnes viennent remercier Chung Guyon d'avoir construit des bains publics à proximité de chez eux, pouvant leur permettre de se réunir pour se baigner et se rencontrer. De plus, le film pose, esquisse, un regard sur l'architecture en Corée, avec des interviews croisées d'experts en architectures sur les œuvres de Chung Guyon ou sur leur conception du métier. Un joli documentaire d'une belle sincérité et ouverture d'esprit.