Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Ame et Yuki les enfants loups
AME ET YUKI, LES ENFANTS LOUPS (ÔKAMI KODOMO NO AME TO YUKI) – Mamoru Hosoda

Après La Traversée du temps, et Summer Wars, Mamoru Hosoda présente, toujours sous l'égide du studio Madhouse, son nouveau film Ame et Yuki, les Enfants-Loups. Le film s'inspire d'une légende imprégnant la région natale du réalisateur et se distingue de ses précédents films, d'une part par le virage vers un fantastique bien plus affirmé, même de merveilleux (l'élément surnaturel est en effet inhérent dès le début du film, il n'y a pas de surgissement comme dans La Traversée du temps), d'autre part par la plus grande maturité et complexité des thèmes abordés.

Le pari d'Ame et Yuki est de faire saisir des notions d'acceptation de la différence en plaçant directement le récit du côté de ceux qui ne sont pas humains, ou le sont à moitié. Pas de stigmatisation chez Mamoru Hosoda, qui accepte le sujet et l'étrangeté de la métamorphose aussi simplement que Hana accepte le corps hybride de celui qu'elle aime. Le première partie du film est bouleversante de pudeur et de justesse, rappelant les tableaux d'instants de vie du couple de Up !de Pixar. Avec douceur, Hosoda esquisse en courts tableaux d'une animation fragile les premiers instants de la vie de couple, la timidité, l'attente, l'émerveillement, la mort et la solitude se précipitant.

Disons le bien, le film d'Hosoda est tout d'abord un vibrant portrait de femme, ou en particulier de jeune mère, une étudiante très brutalement confrontée à la responsabilité adulte. Les corps des enfants-loups ne sont ainsi pas les seuls à évoluer, car c'est également celui de Hana, la mère, qui subit des évolutions, certes plus subtiles, mais néanmoins essentielles à sa personnalité. Le corps de la jeune étudiante introvertie du début du film gagne peu à peu en maturité et assurance sans pour autant perdre totalement de sa fragilité de base, ce que la séquence finale dans la forêt prouve bien. Face à l'agitation de ses enfants, Hana se prend coups et blessures de manière presque burlesque par moments et ne cesse de se remettre de ces péripéties. C'est le symbole du courage pour Hosoda, image de mère totalement nouvelle et très bénéfique à son cinéma, où La Traversée du Temps et Summer wars pêchaient par l'absence d'évolution psychologique ou leur grande naïveté. Ici, avec Ame et Yuki, le scénario confère une vraie épaisseur à ses personnages, notamment parce qu'il suit une ambitieuse évolution sur plusieurs années.

Après le personnage de la mère, revenons aux deux enfants en pleine croissance. Le film use habilement du postulat fantastique pour incarner la métaphore de l'enfance et de l'adolescence et de ses multiples complications. Tout comme chez Miyazaki (chez qui la mère a aussi une importance prépondérante), l’animation d'Ame et Yuki est le médiateur vers toutes les possibilités corporelles, en particulier de transformation, ce qui donne lieu à de nombreuses scènes burlesques où la petite fille Ame se transforme en loup à la moindre crise de colère. Maîtriser sa transformation revient peu à peu à quitter la spontanéité de l'enfance pour Ame et Yuki. Chacun va y répondre de manière différente, se répondant en miroir : la débordante de vie et de curiosité Yuki va devenir une fille très sage, prête à tout pour ressembler à un véritable humain ; tandis que le peureux Ame finit par développer une farouche indépendance, se tournant vers l’existence animale. Le film tisse habilement ce jeu permanent de miroir au fil des saisons, alternant séquences comiques et mélancoliques, monde des humains et monde naturel. Cependant, que ce soit dans la sphère humaine ou dans la sphère naturel, le scénario pointe à chaque fois le revers de l'un ou de l'autre, et la propension de chaque sphère à pouvoir exclure les enfants, qui se trouvent sans cesse ballotés entre les deux. La dualité joue habilement sur tous les plans, et sur les niveaux, et permet d'amener beaucoup d'émotions au cours du film.
Le trait et l’animation d'Ame et Yuki s'avèrent plus légers que pour La Traversée du temps ou Summer Wars. Ce dernier présentait par exemple une stylisation hautement impressionnante et riche du monde du jeu video et de la virtualité, très précise et multiple. Là, Ame et Yuki base sa complexité dans les décors et l’animation de la nature, et se permet plus de souplesse dans les traits des personnages. Ceux-ci, par leur étonnante facilité d'identification, se fondent ainsi dans le paysage, s'y mélangent presque, dans de jouissives échappées naturelles et merveilleuses (la séquence des premières neiges...). Ce n'est pas par hasard si les noms se réfèrent à des éléments naturels, Ame, la pluie, Yuki, la neige, Hana, la fleur, car les personnages se retrouvent imprégnés de manière très belle dans le paysage ou le cadre naturel.

Mais attention, n'allons pas chercher chez Hosoda un successeur de Miyazaki, ou quoi que ce soit dans l'idée du prolongement ou de la relève. Tout d'abord parce qu'Hosoda est issu du studio MadHouse (qui coproduit le film avec le récent studio Chizu), très différent de celui de Ghibli dans sa production et dans sa manière d'aborder l’animation. Chercher l'idée de la succession de Miyazaki n'a pas de fondement. On peut y reconnaître l'influence des thèmes du grand cinéaste, en particulier le rapport à la maternité – et non pas le rapport à l'écologie qui est ancré depuis bien plus longtemps dans l'esprit japonais, et qui s'est illustré dans bien d'autres oeuvres que celles de Miyazaki – mais il ne faut pas y chercher une réincarnation de son cinéma. Car Mamoru Hosoda a bien sa patte personnelle, présente dès la Traversée du temps, à savoir un traitement plus naïf qu'épique des événements, le frottement entre l'ordinaire et l'extraordinaire, et le choix d'une plus forte expressivité dans les silhouettes par la souplesse et l'efficacité du trait. Ame et Yuki permet au cinéaste de perfectionner ces caractéristiques tout en y apportant une touche plus émouvante, se rapportant plus fortement au rapport à la famille ou au relationnel.




















Tatsumi respecte tout d'abord très profondément le style de l'auteur, le film se basant sur une animation traditionnelle, avec un mouvement saccadé bien propre aux débuts de l'animation. Selon les histoires, chaque réalisation a son propre « grain », sa propre esthétique visuelle : « l'Enfer » le récit sur Hiroshima, qui ouvre le film, se rapproche du vieux film des années 50 en noir et blanc ; « My beloved Monkey », fable terrifiante sur la condition des ouvriers, opte pour un style dépouillé et sec ; « Juste un homme » est une amère vision sur les frustrations sexuelles ; « Occupé » oscille entre le film social et le film noir ; tandis que « Goodbye » se rapproche plus de l’esthétique des années 20. Toutes ces histoires partagent cependant la même noirceur, extrêmement crues et cruelles dans leurs conclusions, ce que Yoshihiro Tatsumi avouera à la fin du film en voix-off, constatant que ses premiers récits de « gekiga » reflétaient son propre désespoir de l'époque où il vivait, en tant que jeune dessinateur, dans la misère et l'anonymat.
doublage n'hésitant pas à souligner les passages mélodramatiques ou l'étalage de la souffrance, de même que la réalisation appuie trop souvent sur les passages sexuels alors qu'ils sont peu présents dans les planches originelles. Le meilleur récit reste de loin le premier, stupéfiante histoire sur un fictionnel cliché pris par un jeune homme peu de temps après la catastrophe d'Hiroshima, cliché dont l'interprétation allait être faussée au niveau international. Le récit s'avère terrifiant, passant du témoignage historique au film noir, et montrant le danger du pouvoir des images.










et à affirmer sa personnalité. Le passage chez Yubaba est la première étape pour Chihiro : elle y clame vigoureusement sa présence pour y avoir un travail. L'attachement au travail permet en effet dans ce milieu d'avoir une place. Par ce désir, Chihiro s'insère dans un système, dans une forme de société, si imaginaire soit-elle, s'intègre au mouvement des adultes et à un rythme tourbillonnant autre que celui de sa vie de petite fille. Cette insertion passe par exemple par le changement de nom, nom volé par la sorcière Yubaba. Une insertion ainsi cruelle, où l'identité de petite fille doit s'effacer pour se fondre dans la masse des employés. Paradoxalement, si Chihiro perd une part de son identité au début du film (retrouvée par l'aide de Haku, qui récupère les vêtements et le bouquet de fleurs fanées, symboles nostalgiques de l'enfance volée), elle gagne une certaine reconnaissance dans le milieu des bains avec l'épisode du Dieu Putride. Cette phase de reconnaissance est par ailleurs la première étape vers la reconnaissance de son identité, voire une forme de reconstruction. C'est durant cet épisode que Chihiro aura le premier flash-back du souvenir de son enfance. Par la suite, le film jouera sans cesse entre mémoire et avenir, entre part d'enfance et part de reconstruction : découvertes initiatiques pour Chihiro de la peur, du danger, mais aussi de l'amitié, du pouvoir ; tout en laissant sa part à la nostalgie d'enfance. Le souvenir lié à la première rencontre avec Haku, certes, mais plus encore le retour final à l'équilibre, boucle bouclée face au début du film, accompagné par la mélodie volontiers mélancolique composée par Joe Hisaishi.

D'emblée, dès le début du film, la comparaison avec Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll, ou même avec Alice de l'autre côté du miroir, s'avère inévitable. La thématique du tunnel (que l'on retrouve également chez 




Rivalité et Amitié
entre les deux figures enfantines, c'est dans la retranscription de la passion musicale. Piano forest a bien évidemment une valeur très pédagogique, alliant à son animation simple et épurée la douceur des rythmes de Chopin, de Beethoven ou de Mozart, voulant sensibiliser le jeune public à la musique classique. L'animation permet d'allier au rythme pianistique des mouvements fluides et généreux, embrassant les arbres, la végétation et les visages dans un même mouvement circulaire, à l'image de l'harmonie et du calme que retrouve Kai lors de ses performances au piano. Car le film se concentre sur la figure de Kai, où s'oppose à la fois la violence et la douceur, la rage et la légèreté, l'ardeur de sa chevelure rousse et la dextérité de ses doigts fins. A travers Kai, figure bien plus attachante et intéressante que Shuhei, se retranscrit la plus forte émotion du film : celle d'une image d'enfance mélodieuse et harmonieuse, secrètement cachée derrière les arbres, recherchée par le professeur du film (qui deviendra une figure de père de substitution pour Kai, un peu comme s'il essayait de conserver ce secret). Piano Forest se veut, au final, éviter tout flash-forward, préférant finir sur l'image nostalgique de ce piano à l'abri dans la forêt, abri de l'enfance, de l'innocence, du bonheur.


Un été en famille
ténébreux, chacun est relié par deux éléments : la fierté de leur nom et leur appartenance au monde d'Oz. On retrouve la force des liens du sang et de l'honneur des familles ancestrales, prêtes à se battre pour faire triompher une justice loyale. Le personnage décapant de la grand-mère, maîtresse rigide de la tablée, ne peut que se scandaliser face à l'attaque anonyme, car virtuelle, au niveau du monde d'Oz. Le film joue sur le choc entre le passé historique et épique et l'univers des jeux vidéos, entre le traditionnel et l'avenir des nouvelles technologies.
Un été face aux écrans
l'esprit du personnage tout en pouvant surprendre parfois par la révélation de son propriétaire. Kenji, le héros, s'incarne dans un bonhomme au visage rond et naïf, à l'effigie de son comportement gauche ; la forte personnalité de Natsuki retrouve ses racines dans le kimono traditionnel que son personnage porte ; et le frêle et chétif Kazuma devient un féroce lapin de combat dans le monde virtuel. Intéressant aussi la manière dont s'effectue le piratage de la vaste entreprise Oz. C'est en s'attaquant au principe même, principe dangereux de la liaison et des fortes interconnections entre le réel et les mécanismes informatiques, que l'investigateur
incontrôlable du piratage peut paralyser et contrôler tout un pays, s'inspirant d'une version à l'extrême des grands réseaux sociaux existants actuellement sur Internet. Et ce pirate s'inspire exactement de la force de ce monde virtuel, à savoir la diversité d'avatars et de figures de substitutions. Ce prétexte permet de fournir à l'animation un impressionnant travail de graphisme, synthèse des dynamiques du jeu vidéo et de l'espace communautaire, allant au-delà des possibilités. Une caméra fébrile, privilégiant les plongées, les contreplongées, les travellings audacieux et calculés plongent littéralement le spectateur dans un univers de couleurs, lignes et motifs nouveaux et multiples, s'opposant au rythme très calme et à la mise en scène rigide des scènes de la réalité.
les effets de l'emprise des images et d'Internet sur la vie réelle, Summer Wars donne cependant dans un schéma plus classique et convenu, comme rejoignant un public plus jeune. Là où Paprika affirme clairement, malgré son ludisme et sa fantaisie, un propos et des problèmes éthiques d'une certaine maturité dans la réflexion, Summer Wars privilégie au final le divertissement et l'époustouflant. L'action virtuelle finit par contaminer la réalité, avec cette abracadabrantesque course contre la montre du final, où l'absurde se mêle à l'hyperbolique, où la ribambelle d'oncles, de tantes et de rejetons, déjà impressionnantes, décuplent les moyens humains par les moyens techniques : camions, vaisseau, ordinateurs, quantités de nourriture et explosions rythment le grand final. Et pourtant, malgré tous ces chambardements, la chaleur de l'été et sa tranquillité aux accents de nostalgie finissent par primer sur cette épopée, comme si Summer War