Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Roujin Z
ROUJIN Z (1991) – Hiroyuki Kitakubo
Le film est scénarisé par Katsuhiro Otomo et se révèle une agréable surprise, alors que le cinéma du réalisateur d'Akira me rebute souvent par sa violence poussive et morbide et son manque de subtilité. On retrouve dans Roujin Z certains éléments propres à Otomo, tels que le développement de la science et du militarisme au détriment de l'humain, ou encore l'arrivée d'une technologie incontrôlable et finissant par tout détruire. Le postulat de base, même si le film date de 1991, ne manque pas d'actualité : face au vieillissement de la population, le Ministère de la santé au Japon, en collaboration avec une entreprise informatique, propose des machines, sortes de lit géant, programmées pour gérer l'entretien des personnes âgées impotentes ou handicapées. Très vite, évidemment, la haute technologie dérape, piraté en quelque sorte par les désirs du vieil homme utilisé comme cobaye pour le lancement du programme, ne désirant pas du tout finir ses jours dans une machine et préférant retourner auprès du souvenir de sa femme décédée. A cela se mêle son infirmière, jeune étudiante naïve prise d'affection pour le vieux.
Le film se détache d'Akira et Steamboy tout d'abord parce qu'il ne vise pas à tomber dans un apocalyptique fragile et terrifiant, mais plutôt à exploiter le côté amusant du scénario. De fait, le film ne tombe pas dans la morbidité malsaine qui caractérise habituellement le cinéma de Katsuhiro Otomo, mais s'empreint bien plus d'une certaine légèreté, et d'un comique burlesque, les protagonistes devant faire face à l'évolution d'une machine contrôlée par les désirs d'un vieil homme nostalgique détruisant tout sur son passage. L'humour absurde et le dynamisme des personnages font sourire, notamment celui du groupe de vieux hackers surexcités face à l'évolution de la machine et en suivant les moindres changements depuis leur lit d'hôpital. De fait, le film, même s'il date des années 90, prolonge l'obsession des films d'animation pour tout ce qui touche à l'émergence des nouvelles technologies, intégrant de nouveaux moyens de communiquer. Par le biais de la machine avec laquelle il fait corps, le vieux bonhomme impotent délivre sa rage de vivre et sa nostalgie du passé, et notamment de sa femme décédée avant lui. L'idée touchante du scénario est de réincarner le souvenir de la femme décédée à travers cette machine infernale. Cette dernière devient ainsi intelligente, reprenant au long de sa déambulation une identité auparavant disparue, fait revivre un souvenir, à l'instar de l'agrégat d'objets de l'espace dans « Magnetic Rose » (premier segment du film Memories), qui reconstitue l'univers personnel d'une cantatrice décédée.
Une partie du design de Roujin Z est confiée au grand Satoshi Kon dans le casting. On retrouve en effet la trace de l'immense cinéaste dans l'évolution de la machine, se développant et gagnant en croissance au fur et à mesure des actions, l'inerte devenant progressivement animé, à l'instar du cauchemar électro-ménager et urbain déambulant dans Paprika. De plus, vers la fin du film, il subsiste une séquence, courte malheureusement, où le personnage principal de l'infirmière se promène à l'intérieur de l'amas d'objets, se retrouvant propulsée dans une sorte de caverne hybride. D'emblée, cette scène rappelle les déambulations oniriques de l'héroïne de Paprika dans des espaces mentaux réincarnés, comme par exemple cette immense carcasse humaine représentant un visage dans laquelle elle se déplace tel un papillon. Dans Roujin Z, l'infirmière se retrouve dans un espace composé d'un amas d'objets incarnant des souvenirs, ou des espaces urbains détruits par la machine, comme soudainement coupée du monde et subsistant dans un lieu apocalyptique. Ce moment de poésie est cependant court et il ne pourrait pas s'intégrer plus fortement au ton du récit, délibérément léger et sans ambition.
Si le scénario de Roujin Z s'avère fort intéressant, il est cependant dommage que la réalisation reste très convenue, et son style totalement désuet aujourd'hui. Le graphisme et l'animation s'avèrent très vieillis et 'impressionnent peu(contrairement à un film comme Perfect Blue des mêmes années, qui, lui, a gardé une véritable force visuelle, ou encore Akira). De plus, les personnages s'avèrent creux et stéréotypés, comme celui de l'infirmière naïve.Il s'agit ainsi d'un amusant film d'animation aux thématiques intéressantes, mais restant au rang de petit film et de divertissement.