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La Vie sans Principe

La Bourse ou la Vie 

LA VIE SANS PRINCIPE – Johnnie To 

Merci à Ketty pour m'avoir proposé ce film !

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Ce que j'apprécie chez Johnnie To et son équipe, c'est leur formidable sens du renouvellement, porté par un certain dynamisme, embrassant tous les sujets possibles pour les convertir en un film de Johnnie To, avec ses acteurs fétiches, ses thèmes récurrents, sa recherche dans une mise en scène de la violence.

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Ici, c’est particulièrement le cas, puisque le nouveau film du réalisateur hong-kongais s'attache à une poignée de personnages précipités dans la crise financière de la décennie : l'inspecteur Cheung et sa femme cherchant un nouvel appartement ; le fringant Panther, sous-fifre dévoué aux chefs de son organisation mafieuse ; et enfin l'employée de banque Teresa, soumise à la pression de la concurrence pour gagner l'investissement des capitaux des clients qu'elle représente dans de nouvelles actions. Autour de ces protagonistes en gravitent plusieurs secondaires qui vont participer aux divers règlements de comptes ou assister aux renversements de valeurs déclenchés par l'effondrement de la bourse et des actions.

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La Vie sans Principe s'impose ainsi comme un film choral où se lient et délient, se rencontrent ou s'affrontent, divers personnages. Commençons par le gros défaut du film, à savoir son scénario, qui peine à arriver au dénouement final, bien plus intéressant et intensif : une bonne heure du film s'étire à présenter les protagonistes, et s’embarrasse de séquences inutiles et parfois ennuyeuses. La partie sur Panther, par exemple, est une énième démonstration d'une mafia corrompue et grotesque, portrait déjà effectué dans de nombreux films de Johnnie To. Certaines séquences s'étirent en longueur, comme les cérémonies du Nouvel An, et seul le dynamisme de Lau Ching-wan, l'un des excellentissimes acteurs fétiches de Johnnie To, permet de s'accrocher au récit. De plus, l'un des protagonistes s'avère peu présent et faible par rapport à Teresa et Panther, il s'agit de l'inspecteur Cheung, assez creux et sans véritable évolution, loin d'incarner un inspecteur charismatique. En revanche, toute la partie consacrée à l'univers de Teresa, employée de banque, s'avère pertinente et porte un regard lucide et dur sur le jeu de malversation exercé par les entreprises bancaires pour attirer leurs clients sur des investissements leur rapportant des intérêts importants. Le personnage de Teresa, d'une belle sobriété grâce à l'interprétation de Denise Ho est par ailleurs d'une belle ambiguïté, à la fois soumise aux ordres et à la pression de sa chef tyrannique, dépossédée par ce qu'on lui demande, mais prête à tout pour ne pas finir perdante.

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Heureusement, la dernière partie du film laisse place à un dénouement et une mise en scène impressionnante, fidèles au style de Johnnie To, réussissant à créer un suspense digne du thriller autour des fluctuations boursières qui défilent sur tous les écrans de la ville et des bâtiments traversés par les personnages. Evidemment, la violence et l'assassinat viennent rapidement alimenter les solutions des mafieux pour sauvegarder leurs investissements, mais les séquences d'action s'avèrent au final assez rares. On peut retenir une flamboyante et aberrante course contre la montre qu'effectue un des chefs de Panther au volant de sa voiture, transpercé au cœur par une fleur décorative, et pourtant continuant de conduire pour tenter un ultime investissement. Cependant, la réalisation du film prolonge la tension dans les séquences à la banque, de rapides travellings circulaires venant cerner Teresa ou ses clients piégés, et le montage jouant sur l'obsession de l'argent et des billets sortants, ou bien alors des chiffres de la bourse débités sur les écrans. Tout comme avec Margin Call (JC Chandor), ce sont les codes du genre du thriller qui permettent d'incarner et de rendre palpable une tension invisible, car se rapportant à des capitaux virtuels, et un effondrement psychologique bien souvent dissimulé. A cette tension magistralement représentée, le film associe une forme de distance ou d'humour, par exemple par la très belle musique composée par Yue Wei, dans la même veine que la partition de Xavier Jamaux pour Sparrow il y a quelques années, joue sur la légèreté et le lyrisme, loin de surligner les différents événements tragiques, mais imposant une forme de distance bien plus efficace.

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Le côté très excessif et loyal des protagonistes de Johnnie To trouve dans ce film son écho dans l'absurde attachement à l'argent, au point d'y risquer leur vie. Toute l'entreprise du film est d'opposer des figures surpuissantes, obsédées par leur argent virtuel et leur placement, face à d'autres plus modestes, petites gens qui vont finalement tirer profit de la catastrophe, non sans se compromettre. Chacun finit par tirer la couverture à soi, et comme de nombreux autres films de Johnnie To, c'est un combat entre les valeurs morales, quasi-inexistantes, et ses propres désirs ou sa mégalomanie. Le film permet ainsi de traverser différentes couches sociales, différentes manières de réagir face à la société d'argent : Panther rencontre l'un de ses camarades mafieux en train de récupérer de vieux cartons pour se faire de l'argent, observe par la suite la salle d'opérations informatiques clandestine créée sous l'entreprise d'un de ses chefs ; Teresa fait face à des clients aux comportements divers, du plus méfiant à la plus naïve, celle-ci étant cruellement trompée par le langage superficiel de la banque. Au final, ce sont les plus faibles qui s'en tirent à bon compte, Teresa repartant avec son lot d'argent, glace dans la main, l'inspecteur et sa femme obtenant leur appartement à nouveau prix, et surtout Panther, tout jeune nouveau riche s'offrant le luxe de s'offrir un cigare à la « bague rouge », comme marquant ironiquement son nouveau statut obtenu à coup de hasards, à coups d'assassinats soudains, à coups de tromperies.

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