Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
la colline aux coquelicots
KOKURIKOZAKA KARA / LA COLLINE AUX COQUELICOTS – Goro Miyazaki
Débarrassons-nous déjà de tout rapprochement du dernier film de Goro Miyazaki avec celui de notre Hayao bien-aimé, le fils du célèbre cinéaste souffrant sans cesse de la comparaison. Certes, il ne faut pas pour autant écarter de la Colline aux coquelicots divers héritages des studios Ghibli, de par la technique d'animation similaire, du tracé aux mêmes évocations, ou de quelques séquences en référence à de célèbres oeuvres, mais la Colline aux coquelicots reste très éloigné du cinéma de « Miya », s'attachant à une veine plus réaliste, moins fantaisiste, et peut-être plus empreinte de la personnalité de Goro. Les Contes de Terremer, maladroite première œuvre, hésitait entre la restitution d'un univers de fantasy anglais et la pâle recopie des thèmes du père. La Colline aux coquelicots impressionne moins mais se révèle plus cohérent, plus lisse dans sa construction et sincère dans ses intentions.
D'emblée, dès les premières images, Kokurikozaka Kara s'empreint d'une certaine nostalgie d'un cinéma japonais des années 50. Yasujiro Ozu, grand cinéaste emblématique de cette époque, semble être la principale influence de cette histoire, les cadrages soignés rappelant sans cesse ses plus grands films, tels Le Goût du Riz au thé vert ou Voyage à Tokyo. La jeune héroïne prépare soigneusement les repas du matin et du soir, encadrée par les battants de porte, le pourtour des fenêtres, chaque plan jouant habilement d'effets de « cadres dans le cadre », typiques aux intérieurs japonais de l'époque. L'hommage à Ozu se poursuit dans le traitement d'une temporalité attachée aux gestes du quotidien et à la répétition des activités. En témoignent les nombreuses séquences consacrées à la préparation culinaire, le soin attachée aux études ou à la sérigraphie des tracts, rythme latent et paisible imposé par l'activité humaine et l'importance de l'objet. Ces séquences rappellent celles de l'agriculture dans les Contes de Terremer, où l'attachement aux outils se fait sentir. Même précision du détail de la préparation culinaire dans la Colline aux Coquelicots, mais également au niveau des études et de l'activité littéraire et artistique du Quartier Latin, ainsi qu'au niveau de ces drapeaux symboliquement hissés chaque matin par l'héroïne. Enfin, la présence d'Ozu se retrouve dans le soin attaché au social et au rappel constant du travail et de l'activité des hommes : l'illustration de la zone portuaire ou des commerces de la ville signalent constamment la croissance industrielle et économique, toile de fond aux déboires amoureux des jeunes gens.
Tout ceci fait du film de Goro Miyazaki une œuvre très sobre et réaliste, autant au niveau du graphisme qu'au niveau du récit et de la narration. La sobriété du trait et des décors vont de pair avec la naïveté des émotions, la solidarité et l'humanité optimistes diffusées dans cette histoire de renaissance du Quartier Latin. Nous sommes certes très loin de la fantaisie de Hayao, ou de la richesse à la fois psychologique et divertissante que révèlent ses personnages, mais la Colline aux Coquelicots conserve un certain charme et une réelle modestie. Certaines séquences très jolies réussissent à atteindre une tendre émotion : le coup de foudre de l'héroïne face au plongeon du jeune homme emporté du Club de littérature ; la mobilisation féminine opérée pour la rénovation du Quartier Latin ; les scènes familiales du pensionnat... Le film défend une certaine solidarité et humanité sages, autour de l'histoire de ce bâtiment, les séquences les plus agréables étant celles de l'entraide dans la rénovation et de la bataille engagée des jeunes gens. Le décor de ce Quartier s'avère très réussi, faisant songer à l'éclectisme du Château ambulant.
Le point faible du film reste cependant son histoire d'amour, assez prévisible et dont l'émanation naïve contraste de manière assez maladroite avec la gravité des propos. La résolution des problèmes familiaux s'avère facile et quelque peu absurde ou précipitamment amenée afin de finir sur une note positive. Restent ces jolies métaphores animées de l'escapade amoureuse, notamment avec cette symbolique de la marche : les deux héros marchent au même pas, dévalent la pente à vélo, grimpent les escaliers en cadence comme on monte les sommets du sentiment amoureux.
Enfin, n'ôtons pas à la Colline aux coquelicotsson caractère historique esquissé avec légèreté, issu de l'adaptation littéraire. Les premières révoltes de la jeunesse se font sentir, dans un univers scolaire désuet et presque militaire (les chants entonnés dans la salle de conférences lors du passage du proviseur), mais aussi, et surtout, les prémisses d'une certaines indépendance féminine. A l'instar de son père, Goro Miyazaki présente un portrait de femme plus flatteur que les éléments masculins. C'est grâce à l'héroïne que le préfet acceptera de valider la conservation du Quartier Latin. Le portrait est certes moins frappant que celui d'une princesse Mononoke, ou d'une Nausicaa, mais on retrouve quelques touches féministes : le souvenir d'enfance, le réconfort dans les bras de la mère, l'autonomie dans la gestion du pensionnat, l'audace de s'imposer parmi les groupes d'étudiants masculins...
Commentaires
Encore super critique. =)
je rajouterais un film des plus apaisant, on en ressort calme et serein. Vivement la sortit en dvd pour revoir ça. ^^