Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Un été avec Coo
KAPPA NO KUU TO NATSU YASUMI - UN ETE AVEC COO (2007)
Keiichi Hara
Encore un grand merci à Louise pour le DVD.
Un Eté avec Coo est le premier film de Keiichi Hara. Son second film, Colorful, est sorti en salles et en DVD cette année. Un Eté avec Coo s'attache à décrire l'extraordinaire été que va vivre un petit garçon d'une dizaine d'années, Koichi Uehara, et sa famille, en recueillant un kappa(génie des eaux) enfermé dans une pierre pendant plusieurs millions d'années. Le film, s'il peut sembler naïf à la lecture de ce synopsis, et se destiner à un public d'enfants, s'avère néanmoins d'une certaine noirceur, abordant les thèmes de la différence, de la cruauté, ou même de la médiatisation à travers sa seconde partie, riche en rebondissements. Cependant, le premier long-métrage de Keiichi Hara garde tout du long un esprit de légèreté et de fraîcheur.
Un Eté avec Coo se distingue tout d'abord par son extrême simplicité, qui tend à laisser à l'animation ce qu'elle de plus pur, de plus fluide et de plus universel. Pas de gigantisme des décors comme chez Miyazaki, pas de fantaisie comme chez Mamoru Hosoda mais plutôt une modestie dans l'animation et les personnages, plus proche en ce sens de Piano Forest (Masayuki Kojima) ou de la veine paisible d'une poignée de films Ghibli (Souvenirs goutte à goutte ou Whisper of the Heart). Le film s'attache tout d'abord à une famille moyenne, vivant dans une banlieue grisâtre, loin de dépenser des actes héroïques et se laissant plutôt porter par les événements. Par ailleurs, la première réaction de la mère face au kappa est de le considérer comme un animal répugnant devant être vite dégagé de la maison familiale. L'esprit reste de fait très universel et convivial. Peu à peu, les membres de la famille (à l’exception de la petite sœur, capricieuse et jalouse) s'intéressent à Coo, effectuent des recherches, le nourrissent et l'intègrent comme une nouvelle partie intégrante de leur quotidien modeste. Très vite, de nombreuses séquences d'une délicate émotion font sourire, complicité autour des repas, taquineries autour de la petite sœur naïve et pleurnicharde, échanges avec le chien, partage du bain ou du rafraîchissante bouteille versée sur la tête, et même baptême alcoolique à travers une étonnante séquence où le père verse sur la coupelle servant de tête au kappa une gorgée de bière, rendant de fait la créature ivre et joyeusement hilare.
Cette simplicité gagne de fait l'animation du film et des personnages : leurs traits sont réguliers et sans grande distinction, leurs silhouettes fluettes, leurs gestes simples et quotidiens. En revanche, par contraste, lyrisme et soin sont apportés aux décors, comme si Keiichi Hara présentait la nature comme le véritable aboutissement et achèvement de l'homme. Force en est une bouleversante et émouvante séquence servant de charnière dans l'intrigue du film, où Coo retrouve un ruisseau paisible et partage un moment de nage extatique avec Koichi. Dans cette scène, l'animation de l'eau est bien l'une des plus belles et réussie dans le cinéma d'animation en général, arrivant à retranscrire le miroitement délicat du mouvement de cet élément presque insaisissable. De fait, le film s'avère une re-découverte, d'abord pour Koichi, puis pour sa famille, de la beauté simple de la nature, comme un retour aux sources : la grisaille boueuse du quartier où vivent ces humains se voit supplantée par les décors paisibles et ensoleillés des coins ruraux des alentours.
Par la suite, le point de vue de cette histoire s'aiguise et devient plus intéressant à partir de la deuxième partie, celle où l'existence de la petite créature se retrouve dévoilée aux yeux du grand public. De fait, le film décrit très bien la cruauté de la rumeur et des préjugés à travers le regard du personnage de Koichi : peu à peu, ses amis deviennent jaloux, méfiants, distants, et assimilent sa personne à celle, étrangère et bizarre, du kappa. De même, les habitants du quartier regardent ceux qu'ils considéraient comme leurs voisins comme des attractions touristiques, et la modeste maison familiale attire les foules et les caméras, à travers d'absurdes scènes de rassemblement populaire, où les journalistes se battent pour obtenir une bribe d'information sur la créature. Sans jugement porté sur ces pratiques (les journalistes ou les curieux ne sont en rien traités sur le mode péjoratif), le film montre intelligemment cette obsession, souvent médiatique, que porte le monde extérieur à tout ce qui peut ressortir de l'étrange, de la bizarrerie, du non-humain. Le climax du film tend à jouer sur cette fascination totalement malsaine, Coo étant finalement amené dans une émission populaire, face aux caméras, et, malgré les premiers efforts d'humanisation des experts, sera par la suite re-considéré comme un monstre, notamment à travers une parabole avec King Kong. Le kappa grimpe en haut d'une tour surplombant la ville pour échapper aux foules, non pour terroriser cette fois-ci, mais pour exprimer son angoisse face aux rejets des humains. La fin du film, émouvante, n'écarte pas ce constat de la difficulté de communiquer et de se lier avec les autres et de faire accepter sa différence par tous, mais porte en avant, comme un dépassement, une touchante ouverture sur les vertus de l'amitié.
A venir : La Servante, Ame et Yuki, les Enfants-Loups