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Mary et la fleur de la sorcière

Un dernier p’tit tour de magie et puis…

 

MARY ET LA FLEUR DE LA SORCIÈRE (メアリと魔女の花 MEARI TO MAJO NO HANA, 2018) - Hiromasa Yonebayashi

Lors de la sortie du film au Japon, Hiromasa Yonebayashi avait déclaré que son dernier opus reflétait la situation du studio Ghibli. La cessation des activités de ce dernier entraînait la disparition d’un certain univers, merveilleux, magique, absence avec laquelle il fallait maintenant composer. De fait, la vision de Yonebayashi sur cette situation prenait corps à travers une jeune fillette se rêvant sorcière, et traversée par cette question emblématique : “que fait-on quand la magie n’est plus là ?“ Pourtant le cinéaste évite plus le problème qu’il ne l’élude durant son troisième long-métrage. Le “que fait-on” reste toujours aussi palpable sur ce film qui se veut, plutôt qu’une réelle proposition, d’abord un héritage et un hommage au studio.

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Avec Mary et la fleur de la sorcière, le cinéaste fait le pari de s’emparer dans un registre plus spectaculaire, celui-là même qui a forgé le succès de Miyazaki. Choix qui peut s’assimiler au pari, mais qui s’apparente malheureusement ici au mauvais tournant de carrière. Arrietty et Souvenirs de Marnie, les deux précédents films de Yonebayashi, avaient imposé un style proche de l’intime, des mondes miniatures où se cachent des détails merveilleux. Le second, en particulier, s’était révélé d’une subtile pudeur à l’égard de son personnage, fillette perdue et timorée, dont les secrets tourments frémissaient à travers des séquences d’un délicat sentimentalisme. Avec Mary, le réalisateur impose un conte plus universel, aux personnages communs, à la structure et aux actions simplifiées.

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La complexité, elle, va se reporter sur la texture visuelle du film. Là se joue un premier déséquilibre, entre une matière narrative sans retournement particulier - classique schéma manichéen palpable dès l’entrée dans l’école magique - et des décors volontiers baroques, voire exotiques. Si ceux-ci témoignent du talent de Tomotaka Kubo, ils s’éparpillent en de multiples références - tous les auteurs d’enfance y transparaissent, entre Andersen, Lewis Carroll, CS Lewis, JK Rowling… - peinant à dresser l’identité réelle du film. Si la visite de l’école émerveille par sa kaléidoscopique construction, la séquence est plus prétexte à l’esbroufe spectaculaire qu’à un quelconque argument de l’histoire. L’imagerie abondante, et souvent forcée, du film, peut néanmoins témoigner de cette impossibilité à dépasser Ghibli. Les nombreuses greffes issues de ce dernier ruissellent en effet sous toutes formes, clins d’oeil de tous les instants qui transforment vite le film en chasse aux easter eggs.

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Cette réalisation, claudicante sous le poids des héritages, n’est guère aidée par un récit sans grande ambition. Mary est un personnage commun, ni trop attachante, ni trop surprenante. Si la petite fille n’ennuie pas, son comparse Peter, lui, soulève des montagnes d’indifférence… Quant aux antagonistes, ils se révèlent sans nuance ni part d’étrange, juste égoïstes et dominateurs dans les scènes d’action. Voilà qui est étonnant dans le contexte d’une équipe issue du studio Ghibli, pourtant réputé pour s’écarter de la classique opposition. Le film est parfois réveillé par quelques belles fulgurances, tel ce miroir qui se fragmente lentement sous les appels inquiets d’une grande-tante éloignée ; mais dans l’ensemble il avance avec une prudence indolente.

Mary et la fleur de la sorcière n’est pas sans éveiller une certaine amertume. Sous les atours d’un film pour enfants, il se construit sous l’aile fantaisiste de l’ancien studio sans pour autant mettre en place celle de Ponoc. Il s’agit de rejouer toutes les images de ce passé, comme une catharsis de fin de règne. Mais n’aurait-il pas mieux valu se passer de cet exercice ? Afin de laisser la magie Ghibli jouer ses derniers tours non pas dans une production décevante et futile, mais dans nos esprits...

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