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  • Ghost In The Shell

    Vivre virtuel

    GHOST IN THE SHELL (1995) – Mamoru Oshii

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    Presque vingt ans après sa sortie, Ghost in the shell apparaît toujours aussi en avance sur son temps. Peut-être restera-t-il à l'animation ce que 2001, l'Odyssée de l'espace de Kubrick est au cinéma de science-fiction, et ce malgré l'évolution des techniques et les tentatives de nombreux réalisateurs – surtout américains – à se hisser au niveau d'un portrait futuriste complexe. Le film culte de Mamoru Oshii n'a en effet pas pris une ride. Sa force tient autant à une animation sophistiquée qu'à une réflexion philosophique hors du commun, et qu'à évidemment un style de mise en scène extrêmement atypique dans le paysage de l'animation.

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    Vues en plongées, radars balayant le trafic, circuits imprimés et tuyaux dans le cerveau, l'esthétique du film d'Oshii est une véritable cartographie des matières organiques, technologiques et topographiques, effectuant des croisements entre le visible et l'invisible, l'intérieur et l'extérieur. Alors que The Sky Crawlers privilégiait une surface onirique, évoluant des teints laiteux des personnages à la texture vaporeuse du ciel, Ghost in the shell s'appuie sur une matière plus chaotique, plus composite, à la fois précise dans ses lignes mais également complexe dans sa construction. Une certaine harmonie trompeuse se dégage des plans, capables de faire basculer l'espace et la narration dans une atmosphère irréelle ou fantastique. Chez Oshii, la sophistication de l'animation, la précision du trait, du détail, et plus que tout le travail effectué sur les surfaces volumineuses, donnent un aspect de réalité très prenant, mais se révèlent bien souvent propices à un chaos vertigineux. Le temps d'une conversation nocturne sur la surface calme d'un fleuve fait ainsi surgir peu à peu les hantises intérieures, en particulier ce doute existentialiste qui envahit le personnage principal du Major Kusanagi, transformant cet espace paisible en un reflet troublant de son être intérieur.

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    Si les films de Satoshi Kon, élève de Mamoru Oshii à bien des égards, sont bien souvent dans la restitution et l'exploration d'un imaginaire psychique, ceux d'Oshii sont bien plus dans leur incarnation. La perception du monde, les émotions et les questionnements contaminent peu à peu un monde déjà complexe et brouillent les données objectives. L'espace et le temps sont ainsi des frontières sans cesse transgressées, détournées, se débarrassant des traitements habituels. La narration poursuit cet effet, de même que la musique. Les missions effectuées se suivent selon une chronologie particulière, un rapport au temps à la fois pris dans la routine et dans l'inédit. Les personnages réagissent aux événements de manière presque automatisée, extrêmement professionnelle, gardent une contenance en dépit des événements qui prennent une tournure horrifique. Le souci de construire une réactivité professionnelle est propre au cinéma de Oshii. Les aviateurs de The Sky Crawlers, en dépit de leur apparence enfantine, conservait ainsi leur calme, intériorisant peu à peu des angoisses surgissant de manière inattendue et latente sur la dernière partie du film.

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    Enfin, là où Ghost in the shell apparaît véritablement novateur, et fascinant, c'est bien évidemment au niveau de la réflexion qu'il développe au travers du thème du piratage, du virus informatique, de la virtualité. Le récit confère en effet une identité propre au virus, une capacité d'autonomie presque humaine, s'appuyant sur ce paradoxe de donner corps et vie à ce qui se révèle invisible, virtuel, échappant à la corporalité concrète. La complexité du virus tient ici de l'incompréhension et du déroutement d'une logistique informatique afin d'en réduire l'accessibilité. Cette action de réappropriation des codes pour soi, de capacité de main-mise sur la technologie constitue le danger dans Ghost In The Shell, d'autant plus que l'ennemi tient en permanence du virtuel, et donc de l'invisible. Sa mise en scène va associer finement, chez Oshii, un caractère humain à une réactivité dépersonnalisée. Les machines ne sont plus uniquement des machines, mais demeurent vivantes, capables d'autonomie, et intégrées au film en tant que créatures capables de réflexion, de ruse, de tentative de contrôle d'un environnement. L'ouverture l'annonce : ce film sera aussi hybride que le personnage du Major Kusanagi, formé à la fois de chair et de matériaux, de tuyaux comme de veines, enveloppe glacée, sophistiquée, et capable d'agir selon sa volonté. Ghost In The Shell tient à la fois de l'invisible et de la corporalité, de la virtualité autant que de la vie : ses personnages troublés tentent de répondre à leurs questions, agissent au protocole tout en laissant le doute les contaminer. Le danger y est ainsi virtuel mais également existentiel, créant la fascination face à ce long-métrage d'animation. 

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  • Chien enragé

    La Traque

    NORA INU - CHIEN ENRAGÉ (1949) – Akira Kurosawa

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    S'il est un auteur que Kurosawa n'a pas adapté, mais qu'il aurait aisément pu porter à l'écran, c'est bien Seicho Matsumoto, maître du roman noir dans la littérature japonaise. Les deux auteurs partagent en effet une même noirceur dans la description d'une société ou de personnages en proie à la tourmente et aux questionnements psychologiques. Chien enragé, l'un des premiers films de Kurosawa semble ainsi imprégné de la patte de Matsumoto, s'y retrouvant le goût pour les enquêtes dans un milieu rural, le parcours parmi les différentes strates de la société, ou encore la culpabilité de l'inspecteur. C'est cependant l'un des assistants réalisateurs de Kurosawa, Yoshitaro Nomura, qui adaptera nombre de romans de Matsumoto (Le Vase de sable, L'Eté du démon...)

    Au-delà de ses magistrales films-fresques ou films historiques, Akira Kurosawa a également réalisé de magnifiques films noirs. Partageant quelques similitudes avec l'émouvant Ange Ivre (Yoidore Tenshi, 1948), auquel il succède, Chien enragé en est comme le miroir, l'opposé tout autant que le prolongement.

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    Après le monde des voyous, nous voici du côté du monde policier. Et pourtant, le portrait se révèle tout aussi désespéré, du moins tout autant torturé et complexe. Le récit s'attache en effet à un jeune policier se faisant bêtement dérober son arme de service dans un tramway bondé. Abattu par la honte du débutant, le jeune homme tente de retrouver son arme, angoissé à l'idée qu'elle ait pu servir à un braquage. Le postulat, simple de base, et éminemment réemprunté chez quelques grands admirateurs du cinéaste – le même principe est présent dans le Police Tactical Unit (2003) de Johnnie To – devient peu à peu celui d'une quête absurde. Très rapidement, les premières séquences impose le tableau, brosse à grands traits l'idée du vol de larme à feu dans le tramway. La disparition de l'arme, en elle-même absurde dans son événement, conduit vite à une quête désespérée, où la détresse du jeune policier débutant vient vite contaminer sa perception de l'environnement et de fait une réalisation sensible à ce changement d'état. Chien enragé capte très vite une réalité âpre, au plus près de la population des bas-fonds, du grouillement des villes et des quartiers. La captation de la réalité chez Kurosawa s'accompagne toujours d'une progressive décontamination : peu à peu les espaces se vident, se dépeuplent, les rues cèdent le pas aux paysages ou à la désolation. La perception d'un environnement riche devient progressivement un repli intérieur, d'où surgit un certain onirisme.

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    Chien enragé confirme cette capacité chez Kurosawa à obtenir un « jusqu'au boutisme » du drame, approfondissant l'enjeu pour le transformer en un sentiment fort et douloureux venant à déteindre sur le rythme, la composition, l'esthétique du film. Par exemple, la première séquence forte dans le scénario concerne celle d'une longue recherche de trafiquants d'armes dans les quartiers populaires. Pendant près de dix minutes, le son se débarrasse de tout dialogue pour capter, accompagné par une musique dramatique, les sons de la ville, là où le montage, enchaînant les fondus enchaînés, aligne les errances du policier. S'appuyant sur la répétition, cette séquence, plutôt audacieuse par son traitement de la durée, se laisse peu à peu empreindre du désespoir et de l'harassement du policier. Le rythme vacille, les repères se brouillent. Le film de Kurosawa se fait l'écho du mental meurtri de son protagoniste. La séquence finale – par ailleurs reprise en vibrant hommage par Satoshi Kon dans Paprika (2006) – s'inscrira elle-même comme un règlement de compte, non seulement avec le voleur, mais encore plus avec le policier lui-même, opposé face à son alter ego du même âge, et partageant une similaire rage. La traque urbaine du début reçoit son reflet, en guise de conclusion, par une longue course-poursuite dans une forêt, allant vers ce dépeuplement onirique, cette ouverture vers un espace décharné dans lequel s'inscrivent ces corps harassés.

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    L'intelligence de Chien enragé est qu'il joue sur l'ambiguïté de ce point de vue clivé, partagé entre la description noire du Japon d'après-guerre, société prise dans le désarroi, et le trouble désillusionné de son jeune héros. Jusqu'au bout le personnage tente, malgré la violence qu'il dégage, de conserver la frontière institutionnelle, entre le policier et le voyou. Il passera les menottes avant de s'effondrer à côté de celui qui lui ressemble tant, porté par la même rage, la même violence intérieure. Le policier désespéré interprété par Toshiro Mifune se confronte à celui, plus installé, car appartenant à une autre génération, joué par Takashi Shimura, un tandem bien souvent proposé chez Kurosawa, confrontant les différences dans le jeu, l'âge, le caractère et le physique. Le jeu de Mifune agit dans ce film comme le revers de son personnage, certes tout aussi noir, mais néanmoins plus romantique, de voyou dans l'Ange Ivre. Sa subtilité d'interprétation lui permet de gagner une intensité, là où Shimura propose un personnage plus sage, plus attachant, mais néanmoins conscient des indécisions de l'époque traversée. Plus qu'une traque haletante, Chien enragé est également le portrait d'une époque, le troublant point de vue sur une période sombre et divisée, un film qui, malgré son minimalisme, continue d'impressionner.

  • Fin d'automne

    Solitude finale

    FIN D'AUTOMNE (AKI BIYORI - 1960) – Yasujiro Ozu

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    Film en couleurs d'Ozu, cette très belle Fin d'Automne confirme la sensibilité et subtilité de ce grand cinéaste japonais, à tel point que l'on regrette de ne plus trouver cette force de finesse dans une majeure partie de la production actuelle. Pour raconter l'histoire d'une rupture familiale et de la cruauté des complots menés par une poignée de pères de famille pour marier de force une jeune fille, Ozu ose un mélange d'humour et d'amour à la fois, dépeignant autant d'échanges cocasses que de douleurs sentimentales.

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    Fin d'Automne propose en effet une nouvelle variation familiale, plus portée par un certain humour noir. La mesquinerie des trois hommes souhaitant, suite au décès d'un de leurs amis, de régler la vie familiale de sa veuve et fille, en devient absurde tant sa cruauté dépasse les limites de l'éthique. Le scénario d'Ozu joue ainsi d'un contraste constant entre le prétendu respect des mœurs défendu par les pères de famille et leur désintéressement total vis à vis de l'opinion de celles qu'ils cherchent à tout prix à marier. Si cette structure et ce principe scénaristique révèlent les stigmates d'une société prise dans un filet de conventions, la réalisation d'Ozu s'emploie cependant toujours à suivre et traquer l'évolution indicible de ses personnages, comportant néanmoins tous des nuances. L'un des membres du trio de comploteurs présente ainsi sa réticence, et les dialogues révèlent bien vite que la mise en place de ces plans de mariage sont plus là pour agiter une vie quotidienne monotone que pour véritablement causer du tort aux femmes concernées. La subtilité de l'écriture fait jaillir des points d'humour, d'absurde mas également de mélancolie, notamment à travers de mémorables séquences de discussions dans les bars.

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    Des protagonistes les plus troublants, la mère et la fille, Akiko (Setsuko Hara) et Ayako (Yoko Tsukasa), viennent composer un tandem d'une certaine beauté. Les deux, à la fois très ressemblantes et dissemblantes dans leurs caractères, apparaissent déjà comme une famille moderne, car décomposée, mais tirant paradoxalement leur bonheur, leur harmonie d'entente, par leur structure déséquilibrée. L'absence du père ne fait que renforcer les liens et garantir une affection consciente chez l'une tout autant que l'autre. Le film révèle peu à peu cette affection, partant d'abord de la vision extérieure, celle des trois hommes ou des proches du défunt, pour aller progressivement au plus proche du ressenti de ces femmes, comme un démantèlement des apparences. Setsuko Hara, en particulier, grande actrice chez Ozu ou Naruse, propose un personnage d'une nuance admirable, magnifique de contradictions. Son malaise final laisse pointer sa joie de voir sa fille mariée tout autant que son attachement maternel et la douleur de la séparation.

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    La dualité vient elle-même s'incarner dans la forme, tout aussi dynamique que la ritournelle musicale venant accompagner les changements de séquences. Les structures se répondent, et les plans, si composés chez Ozu, pliant les personnages dans des espaces emblématiques (le travail, le foyer, le restaurant...), viennent à se décliner. Ce n'est pas tant l'appui d'une fatalité qui s'y diffuse, que la différence, dans le temps, des événements qui s'y inscrivent. Le tragique aboutissement des complots des trois pères de famille est là, mais Fin d'Automne saisit également, en compensation, les instants de faiblesse ou de force de ses personnages féminins, où, du'n plan à l'autre, viennent se manifester des signes du changement. Ici, une pointe de jalousie de Ayako, agitant vainement la main pour le mariage de son amie, là, l'insistance tendre pour payer le repas de sa mère dans un restaurant. La précaution des plans d'Ozu, sa structure finement agencée, pointant ces légers décalages tenant de l'évolution humaine, viennent contrecarrer la fatalité et la cruauté du récit. Car malgré la réussite du mariage de Ayako, c'est bel et bien la solitude de sa mère Akiko qui résiste à la fin, révélant délicatement une fragilité intime qui ne peut qu'émouvoir.

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  • Patéma et le monde inversé

    Une inversion plate

    PATEMA ET LE MONDE INVERSÉ (SAKASAMA NO PATEMA) – Yasuhiro Yoshiura

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    Yasuhiro Yoshiura avait réalisé, avant Patema et le monde inversé, le film Pale Cocoon (2005), ainsi qu'une curieuse série de six épisodes, Eve no Jikan (pouvant être traduit par « Le Temps de Eve », réalisée en 2008). Cette dernière présentait une certaine singularité dans son graphisme, ainsi q'une thématique autour du robot humanoïde proche de la série Real Humans, produite par Arte à la même période. Alors qu'Eve no Jikan réussissait à proposer un regard, bien qu'inachevé, à la fois tendre et angoissant sur son sujet, le nouveau film de Yasuhiro Yoshiura déçoit énormément. La frustration est d'autant plus grande que Patema reçut une campagne promotionnelle assez dense en France, là où d'autres productions japonaises pour enfants bien plus admirables ou honorables – Piano Forest ; Lettre à Momo – sont restés inaperçus, desservis par une distribution mineure. Les critiques françaises ayant cependant apprécié le spectacle, il faut cependant espérer que le long-métrage de Yasuhiro Yoshiura, pourtant peu réussi, ne cantonne pas une nouvelle fois la perception de l'animation japonais à ce naïf conte engoncé dans un symbolisme et des jeux d'opposition assez lourds.

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    L'inversion de Patema consiste ainsi à composer un univers balançant entre deux pôles, le monde « d'en bas » et celui « d'en haut », allant des bas-fonds troglodytes à la ville sur la terre ferme. D'emblée, par ces univers, déjà peu intéressants au niveau plastique car demeurant esquissés, croqués grossièrement en toile de fond, une opposition peu convaincante se joue entre le sous-sol convivial, plutôt archaïque mais chaleureux, et la société moderne, pervertissant forcément l'individu dans un système déshumanisé et fondé sur le profit. Les protagonistes secondaires représentent eux-mêmes cette vision caricaturée, desservant plus sa logique plutôt que d'apporter une psychologie singulière. Le personnage du « méchant » en est le plus criant exemple, tel exemple stéréotypé qu'il semble provenir d'une autre époque, proche des méchants des séries animées de justiciers des années 1990 où le faciès arrogant rejoint un caractère tout aussi machiavélique. L'absence de réflexion ou d'approfondissement sur ce personnage, qui gouverne la loi sur le « monde d'en-haut » consterne à un tel point que la représentation de l'univers qu'il dirige devient peu crédible.

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    Beaucoup de critiques français ont, dans un geste de comparaison décidément bien trop systématique dès qu'une production nous vient du Japon, évalué Patema en fonction de l'oeuvre d'Hayao Miyazaki, bien souvent en la plaçant au même niveau d'inventivité ou d'émotion. Le film demeure pourtant très loin de la subtilité d'un Miyazaki – pour reprendre cette comparaison chère aux journalistes français. Plus encore, la société du « haut » dont il nous dresse le portrait reste ainsi affublé d'arguments futuristes d'une totale médiocrité, englués dans une vision manichéenne difficilement supportable. À cette société contrôlée, abondamment stricte par des effets de décors grotesques (les tapis roulants énormes qui amènent les enfants à l'école, la rigidité des enseignants qui reprennent ceux qui regardent par la fenêtre, l'obsession du contrôle...) peuvent se préférer les portraits tout de même plus subtils d'animes récents tels que Toward the Terra (réalisé par Osamu Yamasaki en 2008, et lui-même inspiré d'un subtil manga de science-fiction des années 1970) ou No 6 (Kenji Nagasaki, 2011, d'après le roman de Atsuko Asano). Difficile de trouver un intérêt pour la description proposée par le film, où agissent de plus un couple d'enfants lui aussi peu crédible. Les deux personnages principaux correspondent à des archétypes d'héros/héroïne, de la jeune fille naïve au garçon en marge du système. Une telle catégorisation devient perturbante dans le sens où chacun des protagonistes semble se présenter comme l'unique élément de résolution du conflit entre les deux univers, les retranchant dans des rôles de miraculés et de pacificateurs plutôt gênants au vu du peu de profondeur de leurs réflexions. Ce manque de subtilité demeure très loin des galeries de personnages, bien plus riches dans leurs caractéristiques et traversés de dilemmes présentes chez Miyazaki (Dora dans le Château dans le Ciel (1986), Dame Eboshi dans Princesse Mononoké (1997), Fujimoto dans Ponyo sur la Falaise (2008)...).

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    Patéma et le monde inversé s'échappe, pour quelques séquences, de son système manichéen et de la platitude de sa réflexion, lorsque les deux héros viennent à s'envoler dans les airs. Le sentiment irritant face à l'inspiration évidente du Château dans le Ciel et du motif des deux enfants voltigeant parmi les nuages vient à s'estomper quand le scénario fait brusquement intervenir un nouvel espace inattendu. Une troisième dimension qui permet justement une unique échappatoire et la pointe d'une véritable émotion, notamment parce qu'elle demeure mystérieuse, non accablée par le discours manichéen et la morale bien pensante accablant tout le film. Une certaine sensibilité pointe de ce court passage, sensibilité qui aurait pu, si elle avait été présente, « inverser la donne » dans Sakasama no Patema, et en éviter l'ennuyeuse platitude.

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