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Patéma et le monde inversé

Une inversion plate

PATEMA ET LE MONDE INVERSÉ (SAKASAMA NO PATEMA) – Yasuhiro Yoshiura

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Yasuhiro Yoshiura avait réalisé, avant Patema et le monde inversé, le film Pale Cocoon (2005), ainsi qu'une curieuse série de six épisodes, Eve no Jikan (pouvant être traduit par « Le Temps de Eve », réalisée en 2008). Cette dernière présentait une certaine singularité dans son graphisme, ainsi q'une thématique autour du robot humanoïde proche de la série Real Humans, produite par Arte à la même période. Alors qu'Eve no Jikan réussissait à proposer un regard, bien qu'inachevé, à la fois tendre et angoissant sur son sujet, le nouveau film de Yasuhiro Yoshiura déçoit énormément. La frustration est d'autant plus grande que Patema reçut une campagne promotionnelle assez dense en France, là où d'autres productions japonaises pour enfants bien plus admirables ou honorables – Piano Forest ; Lettre à Momo – sont restés inaperçus, desservis par une distribution mineure. Les critiques françaises ayant cependant apprécié le spectacle, il faut cependant espérer que le long-métrage de Yasuhiro Yoshiura, pourtant peu réussi, ne cantonne pas une nouvelle fois la perception de l'animation japonais à ce naïf conte engoncé dans un symbolisme et des jeux d'opposition assez lourds.

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L'inversion de Patema consiste ainsi à composer un univers balançant entre deux pôles, le monde « d'en bas » et celui « d'en haut », allant des bas-fonds troglodytes à la ville sur la terre ferme. D'emblée, par ces univers, déjà peu intéressants au niveau plastique car demeurant esquissés, croqués grossièrement en toile de fond, une opposition peu convaincante se joue entre le sous-sol convivial, plutôt archaïque mais chaleureux, et la société moderne, pervertissant forcément l'individu dans un système déshumanisé et fondé sur le profit. Les protagonistes secondaires représentent eux-mêmes cette vision caricaturée, desservant plus sa logique plutôt que d'apporter une psychologie singulière. Le personnage du « méchant » en est le plus criant exemple, tel exemple stéréotypé qu'il semble provenir d'une autre époque, proche des méchants des séries animées de justiciers des années 1990 où le faciès arrogant rejoint un caractère tout aussi machiavélique. L'absence de réflexion ou d'approfondissement sur ce personnage, qui gouverne la loi sur le « monde d'en-haut » consterne à un tel point que la représentation de l'univers qu'il dirige devient peu crédible.

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Beaucoup de critiques français ont, dans un geste de comparaison décidément bien trop systématique dès qu'une production nous vient du Japon, évalué Patema en fonction de l'oeuvre d'Hayao Miyazaki, bien souvent en la plaçant au même niveau d'inventivité ou d'émotion. Le film demeure pourtant très loin de la subtilité d'un Miyazaki – pour reprendre cette comparaison chère aux journalistes français. Plus encore, la société du « haut » dont il nous dresse le portrait reste ainsi affublé d'arguments futuristes d'une totale médiocrité, englués dans une vision manichéenne difficilement supportable. À cette société contrôlée, abondamment stricte par des effets de décors grotesques (les tapis roulants énormes qui amènent les enfants à l'école, la rigidité des enseignants qui reprennent ceux qui regardent par la fenêtre, l'obsession du contrôle...) peuvent se préférer les portraits tout de même plus subtils d'animes récents tels que Toward the Terra (réalisé par Osamu Yamasaki en 2008, et lui-même inspiré d'un subtil manga de science-fiction des années 1970) ou No 6 (Kenji Nagasaki, 2011, d'après le roman de Atsuko Asano). Difficile de trouver un intérêt pour la description proposée par le film, où agissent de plus un couple d'enfants lui aussi peu crédible. Les deux personnages principaux correspondent à des archétypes d'héros/héroïne, de la jeune fille naïve au garçon en marge du système. Une telle catégorisation devient perturbante dans le sens où chacun des protagonistes semble se présenter comme l'unique élément de résolution du conflit entre les deux univers, les retranchant dans des rôles de miraculés et de pacificateurs plutôt gênants au vu du peu de profondeur de leurs réflexions. Ce manque de subtilité demeure très loin des galeries de personnages, bien plus riches dans leurs caractéristiques et traversés de dilemmes présentes chez Miyazaki (Dora dans le Château dans le Ciel (1986), Dame Eboshi dans Princesse Mononoké (1997), Fujimoto dans Ponyo sur la Falaise (2008)...).

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Patéma et le monde inversé s'échappe, pour quelques séquences, de son système manichéen et de la platitude de sa réflexion, lorsque les deux héros viennent à s'envoler dans les airs. Le sentiment irritant face à l'inspiration évidente du Château dans le Ciel et du motif des deux enfants voltigeant parmi les nuages vient à s'estomper quand le scénario fait brusquement intervenir un nouvel espace inattendu. Une troisième dimension qui permet justement une unique échappatoire et la pointe d'une véritable émotion, notamment parce qu'elle demeure mystérieuse, non accablée par le discours manichéen et la morale bien pensante accablant tout le film. Une certaine sensibilité pointe de ce court passage, sensibilité qui aurait pu, si elle avait été présente, « inverser la donne » dans Sakasama no Patema, et en éviter l'ennuyeuse platitude.

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