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The Sky Crawlers

Ce vide du ciel, ce vide existentiel 

THE SKY CRAWLERS

Un film de Mamoru Oshii

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Sorti en 2008 (mais pas dans les salles lorraines, comme toujours...), The Sky Crawlers est le dernier film d'animation de Mamoru Oshii, qui a aussi réalisé les deux Ghost in the Shell. Adapté de la série de Hiroshi Mori, The Sky Crawlers, se situant dans un futur imaginaire, met en scène des enfants-pilotes destinés à ne jamais grandir et à servir le pays en participant à des batailles aériennes maintenant le front entre les patries ennemies.

 

Enfants-soldats

Ce film d'animation, en dépit des apparences, se débarrasse de toute facilité des scènes d'action, se concentrant sur la psychologie des personnages et les questions que soulèvent un tel thème. Il faut savoir que, dans le domaine de l'animation japonaise, la présence des enfants-soldats est fréquente. Osamu Tezuka le sous-entend bien à travers le personnage de robot d'Astro Boy, quasi-privé d'enfance du fait de l'héroïsme et de la perfection robotique. Et une majorité des séries animées privilégient des protagonistes jeunes, parfois projetés comme armes de guerre dans une bataille d'adultes, tels Gundam Seed ou Soukyuu no Fafner, ce dernier étant très efficace de par sa mélancolie. The Sky Crawlers rejoint cette thématique, Mamoru Oshii lui apposant son regard scrupuleux et dur.

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Rythme

Les temps d'action sont très rares, le quotidien se déroulant ostensiblement. Un nouveau venu arrive dans la caserne, mais il est pourtant accueilli dès le départ avec le minimum de forme qu'il soit, le déroulement des journées n'étant en rien perturbé. De même, lorsqu'un des cinq pilotes présents meurt au cours d'une mission, un autre vient le remplacer, adoptant les mêmes gestes que celui auquel il succède. Le rythme est ainsi lent, patient, répétitif. A cela s'allie une atmosphère mystérieuse, faite d'attente et de coups du hasard. The Sky Crawlers n’est pas si loin du quotidien des soldats durant les Guerres Mondiales, l'attente faisant songer à ce que décrivait Joseph Kessel dans nombreux de ses romans sur l'aviation (par exemple L'Equipage, un magnifique récit empreint d'humanité). Après une attaque aérienne, les carcasses des avions et des corps sont parfois introuvables pendant plusieurs jours, les pilotes étant soumis à vivre dans le même microcosme sans rien savoir de l'état de leurs coéquipiers.

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Solitude, délaissement et mélancolie

La solitude touche les protagonistes, les échanges étant rares et la pudeur permanente. Chacun suit ses activités, forçant peu l'autre à le suivre. Le héros se raccroche aux habitudes de son coéquipier pour s'intégrer, le suit dans l'unique bar des environs, passe ses nuits avec une de ses amies, emprunte sa moto. Les paysages sont peuplés par l'ennui, la platitude et le vide : de grandes campagnes désertées et traversées par des chemins de terre en ligne droite, où les maisons sont rares et le bar la seule attraction du coin. Dans ce creux quotidien, les enfants-pilotes trouvent un écho à leur vie dans le ciel, ce grand ciel vide et vaste dans lequel ils effectuent des figures, traquent les ennemis ou tentent d'y échapper. Nombreux considèrent leurs batailles non pas comme une nécessité mais comme un métier, comme une tâche les définissant, le ciel y étant peut-être le seul espace offert pour se trouver une place. Sur terre, la mélancolie les gagne. On fume doucement une cigarette, on boit pour oublier, on joue nonchalamment au bowling. Lorsqu'un des pilotes se fait traiter de gamin par son comportement délaissé, il répond « mais je suis un gamin ». Pourtant, il n'y a rien d'enfantin dans leurs actions, car ils tentent d'agir comme des adultes, par leur froideur et leur distance.

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Psychologie et folie

Enfin, The Sky Crawlers finit par atteindre le thème de la folie, et c'est sur ce point que le film de Mamoru Oshii se révèle le plus fascinant. Le trait figé et les teints pâles des personnages dessinés, la rigueur et le soin de l'animation en font un film latent, inquiétant. Parmi ce quotidien répétitif, ces gestes mis en valeur par l'animation – fumer une cigarette, survoler les airs, caresser le chien, goûter la tarte du bar, observer sans rien dire les autres – la peur de ne pas vieillir et d'en rester au même point finit par surgir. La sorte d'immortalité de ces enfants-pilotes n'est en rien présentée comme une facilité ou un atout, bien plus comme une faiblesse et une angoisse. Les protagonistes tentent d'y échapper par divers moyens : la présence d'un enfant, fille de la commandante ; la recherche de l'amour ; ou même la mort, certains étant prêts à se suicider, ou à se jeter dans le vide. Vide abyssal de la mort, dans le ciel, face à un ennemi invisible et impitoyable, prêt à exaucer la prière de ces enfants-pilotes condamnés à errer sur terre. The Sky Crawlersest ainsi un film profondément mélancolique, se faisant l'écho, avec patience et pudeur, du destin effroyable de ces personnages.

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