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  • Les trois Soeurs du Yunnan

    À l'ombre des petites filles cachées

    LES TROIS SŒURS DU YUNNAN – Wang Bing

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    Le dernier long-métrage du cinéaste Wang Bing se révèle poignant. Il dégage, sur près de deux heures et demi, suivant au jour le jour l'évolution d'un trio de sœurs vivant dans une campagne miséreuse, une latente captation des gestes et une certaine émotion du regard.yunnan-campagne.jpg

    Chez Wang Bing, c'est le refus d'interaction qui surgit. Interaction dans le sens d'une parole, d'un échange, d'un commandement. Point de questionnement ni d'action, mais à la place de longs plans fixes ou travellings accompagnateurs. Mais l'observation est loin d'être un point distant, neutre et calme dans son cinéma. Au contraire, la réalisation de Wang Bing parvient à faire surgir ce sentiment, à la fois audacieux et ambigu, de gêne et d'intrusion. Nombreux sont les regards-caméra des petites filles, leurs attentes de réactions, ou bien leurs détournements face à l'objectif. La séquence d'ouverture sur la première dispute entre les petites filles et les pleurs rageurs de l'une d'entre elles devient ainsi une intrusion criante dans leur quotidien, un placage d'une humanité intense. La caméra de Wang Bing vient à la fois chercher et se distancier de ces silhouettes prises dans l'ombre de maisons vétustes et mal éclairées.

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    La grâce des Trois sœurs du Yunnan provient de cette capacité à construire des micros éléments fictifs dans la captation documentaire. Progressivement et avec une douceur inattendue, le film vient décrocher des bribes d'histoires et de tensions : une mère absente, un père en visites ponctuelles, des voisins mieux logés qui ont une télévision – terrible vestige de la société moderne dans cette région archaïque... Le récit devient déchirant notamment parce qu'il est contenu et ne filtre qu'à travers des hypothèses construites au fur et à mesure du film. Parallèlement, des couleurs et des tons viennent bercer ces deux heures et construire une atmosphère bien particulière, prise dans les ombres, la boue, les moutons et les vallées.

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    Parmi les trois sœurs, une vient à se détacher : l'aînée. Elle apporte à elle seule une charge émotionnelle vibrante et construit un véritable portrait d'enfant à la fois singulier et représentatif du terrible quotidien que connaissent les enfants dans ces régions pauvres de Chine. Un point du récit vient s'attacher, à la seconde moitié du film, à ce personnage et à son isolement : peu à peu elle dérive dans la campagne, drainant le réalisateur comme un de ses moutons, ou acceptant sa présence à ses côtés lorsqu'elle écrit avec précaution dans ses cahiers d'école, seuls signes d'un comportement « d'enfant ». Très fermée, sa présence à l'écran et son drame surgissent par détails. Son grand-père lui lance, alors qu'elle est en retard sur le travail qu'elle doit effectuer pour la ferme, une proche ferme sur ses devoirs d'école (« Encore dans tes cahiers ! »), courte violence dépeignant en une phrase toute la condamnation de la fillette à son quotidien sans plaisir. Lors de la sortie des moutons dans la plaine, cette sœur s'assoit soudainement sur une colline. La caméra hésite à l'approcher, finit par la cadrer en contreplongée, laissant le temps à sa rêverie. Et le plan devient le reflet de sa poignante solitude.

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  • Real

    La frontière de l'invisible

    REAL – Kiyoshi Kurosawa

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    Le nouveau long-métrage du réalisateur de Shokuzai est fascinant dans le sens qu'il propose une alternative inattendue à son univers. Kiyoshi Kurosawa redevient un cinéaste du visible dans ce film, rajeunit ses personnages et redonne une clarté, bien souvent trop démonstrative, à son scénario.

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    Real confirme dans un premier temps l'inspiration du cinéma de Kurosawa à l'égard de la culture populaire, appréciant en emprunter des thèmes, des motifs et des idées pour les traiter sur le mode fantastique. Si certes sa première partie de carrière marquait son affiliation avec le genre de série B – horreur ou film policier – pour s'en détacher peu à peu, les nouveaux films de Kurosawa ont tendance à s'approprier un nouveau registre : celui de la littérature fantastique japonaise, du manga d'horreur, mais également d'une société plus moderne. Tokyo Sonata signalait déjà, en greffant un scénario inspiré d'Ozu, l'appropriation des nouveaux espaces japonais, ces grandes maison modernes et ces grands immeubles lisses et d'une blancheur extrême. Shokuzai, par sa structure épisodique, se nourrissait ensuite abondamment du manga d'horreur dans son atmosphère, et se liait à l'ambiguïté d'une roman d'Haruki Murakami ou de Yoko Ogawa. Real reprend également le manga d'horreur, le confirmant par le métier d'Atsumi. Plus encore, la réalisation reprend des codes du principe du manga : dans son découpage, Real fait ainsi jouer les surgissements fantastiques, et fait décoller les images angoissantes, d'un plan à un autre comme d'une page à une autre.

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    En outre, cette opération de surgissement rejoint parfois le film Paprika. L'intrigue scientifique en elle-même rejoint le dernier long-métrage de Satoshi Kon : une même machine, dans un futur proche, permet l'intrusion dans le rêve d'un autre. Real subit en outre le même débordement des choses que dans Paprika, la même prétention pléthorique, le même jaillissement des souvenirs désordonnés en masse. La photographie solaire dans le film de Kurosawa, et son montage, construisent d'abord une certaine épure dans ce bouillonnement, faisant des accents horrifiques ou bien oniriques. Les corps imbriqués issus du dessin d'Atsumi surgissent ainsi au détour d'un raccord, ou bien Koichi découvre sa bien aimée agenouillée dans une eau claire, sa longue robe pendant autour de ses jambes. Dans un premier temps, cette facilité de faire jaillir spontanément ces images et ces formes séduisent par leur fluidité d'insertion dans la narration. Kurosawa y compose un monde à la fois extrêmement familier, calme et apaisant, tout en étant percé d'anormalités qui intriguent. La résolution de ces signes et la révélation de leur signification peinent à charmer autant par la suite. La force d'installation du principe, ainsi que son immersion très esthétique – le film reprenant en ce sens la vision d'un jeu vidéo, où Koichi entre dans le rêve comme un héros virtuel – perdent peu à peu de leur intérêt.

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    Le personnage de Takeru Sato s'inscrit comme le nouveau visage des policiers portés à l'écran jusqu'alors dans les films de Kiyoshi Kurosawa, tel un Koji Yakusho rajeuni. Il présente les mêmes troubles, la même capacité d'aliénation du territoire. Mais là où se joue la rupture dans cette œuvre aux environnements mystifiés par la folie de leurs personnages, c'est dans la visibilité forte du délire présent. Auparavant, les signes étaient diffus, quasi-invisibles car cachés dans le paysage, remuant l'ombre du trouble parmi les branches des arbres, les bâches en plastique, ou les murs d'un gymnase. Dans Real, ces signes gagnent une visibilité, d'abord déroutante, peu à peu singulière, puis agaçante. Les apparitions nostalgiques que subit Koichi sur l'île chargent une certaine curiosité, mais la tournure d'un scénario manquant de consistance, ainsi que l'absence de caractérisations réelles des protagonistes, déçoivent sur la seconde partie du film. En franchissant les frontières de l'invisible pour renouer avec une visibilité tenant de l'effet visuel, de la greffe d'éléments surnaturels.

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    Cette nouveauté dans le cinéma de Kurosawa peut amuser, notamment sur la scène d'action finale, mais le problème est qu'elle ne se relie à rien de consistant. Les deux acteurs, Haruka Ayase et Takeru Sato, des stars plutôt célèbres, issues de dramas ou de films à budget imposant, deviennent ainsi plutôt des icônes dérivés de leurs univers respectifs plutôt que des vrais personnages. En dépit de sa réalisation unifiée et élégante, le film agence des éléments et influences disparates qu'il peine à converger dans le sens d'un vrai discours – au contraire de Shokuzai, merveilleux ouvrage à ce niveau car réussissant à proposer un regard sur la violence et le traumatisme au travers de cinq univers différents.

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  • Jazz In Japan 2014

    JAZZ IN JAPAN 2014

     

    Rencontre entre des chants shômyo de moines bouddhistes

    et des improvisations de musiciens de jazz japonais.

    Le vendredi 7 mars 2014 à la Maison de la Culture du Japon

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