Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Still Walking
Générations
STILL WALKING (2009) – Hirokazu Kore-eda

Après le magnifique Nobody Knows, Hirokazu Kore-eda nous livre un nouveau film, Still Walking, moins cruel et difficile que la précédent, qui contait le quotidien d'enfants livrés à eux-mêmes, mais qui reste dans la verve de son style sensible, intime et doucement mesquin. Ce film pourrait être la suite de l'oeuvre de Yasujiro Ozu, d'où les jeunes adultes criblés de doute seraient devenus des grands-parents blasés et tranquilles.

De même, Kore-eda s'intéresse à la famille, progressivement éclatée et se réunissant uniquement lors d'événements exceptionnels, telle la célébration de la mort accidentelle du fils aîné. Les souvenirs, les remords, les reproches et les ambitions affleurent à travers trois générations, grands-parents, parents et enfants, même principe de trois regards comme chez Ozu, survolés par la présence invisible et oppressante de la mort. Celle-ci est le catalyseur des secrets, des non-dits, de la douleur refoulée qui éclatent lors des scènes intimes (par exemple entre les couples) et sont juste sous-entendus lors des réunions familiales. Still Walking se centre sur le personnage du fils cadet, Hiro, frustré de se confronter à ses parents du fait de son remariage avec une veuve et son enfant et d'une comparaison constante avec l'héroïsme de son frère décédé, successeur du cabinet de médecin du père.

Avec justesse, Kore-eda décrit cette confrontation difficile entre ce grand-père brutal et cynique, son fils distant et boudeur et la grand-mère qui, au contraire, déclare ses regrets avec innocence, plaignant l'absence de son fils qu'elle admirait tant. Les oppositions sont présentes entre tous les personnages, chacun cachant une part délicate de sa personnalité ou se révélant hypocrite. La justesse du film de Kore-eda provient surtout de cette construction nuancée de personnages mystérieux mais révélateurs d'un esprit de famille universel.

Toute cette cruauté des personnages se marque par les gestes quotidiens, les positions et la place de chacun dans l'espace qu'est la maison emplie de souvenirs du passé des grands-parents. Le vieux médecin reste confiné dans un cabinet étroit, se forçant à faire semblant de travailler pour ne pas montrer son dépassement par ses collègues de l'hôpital. La fille essaie vainement d'envahir la cuisine de sa mère, où se réunissent tous les enfants pour aider à préparer le repas, Hiro se caractérisant par exemple par sa capacité à égrener le maïs. Seuls les enfants parcourent les lieux en tous sens, brisant les règles de l'espace (ils brisent la pastèque dans le jardin, ou l'un rentre dans le cabinet du grand-père), mais vite freinés par les adultes.

Cependant, l'extérieur a aussi une importance primordiale. Tout comme dans Nobody Knows, le dehors est synonyme d'évasion, de sortie d'un espace oppressant et lourd de menaces. Les séquences en extérieur sont ainsi filmées en plans larges, moins rapprochés des personnages, les laissant se mouvoir et s'exprimer plus facilement. Dans le précédent film, les enfants couraient dans les rues en riant, se perchaient sur les jeux du parc ou se rafraîchissaient le visage, goûtant au plaisir de liberté, retrouvant une joie de vivre qui avait été progressivement comprimée par l'appartement insalubre. Ici, les ombrelles s'ouvrent et les fleurs s'illuminent sous le soleil, les membres de la famille profitant de la promenade tranquille et apaisante dans le cimetière. Le plan final porte par ailleurs le même espoir, la même touche légère que Nobody Knows, tournée vers l'avenir, vers le cycle vital, des générations qui ne cessent de se perpétuer, valeurs fluctuantes qui ne cessent d'inspirer d'excellents films comme Still Walking.





Adapté du




maladresses dans sa construction dramatique. mais tous deux reflètent le goût de Kitano pour l'absurde, et l'expressivité d'une certaine naïveté, voire neutralité, face aux événements les plus graves. C'est le contraste entre la violence et la mollesse, l'injustice et l'inactivité des victimes qui constituent la poésie des films, et se font le miroir de la pudeur japonaise poussée à son extrême. La plupart des personnages sont des frustrés, des incompris et des délaissés, marginaux par leur inadaptation à une société bardée de tabous et paradoxalement, de transgressions incontrôlables. Dans Kids Return, que ce soient les deux jeunes héros ou leurs victimes, tous gardent la même neutralité, et préfèrent se refermer sur leurs propres soucis plutôt que de s'intéresser à l'autre. Les professeurs se lavent les mains face à la délinquance croissante des deux jeunes gens, les parents sont inexistants, la plupart des autres protagonistes se tiennent à distance ou bien s'en tiennent à leur vie personnelle. Dans L'Eté de Kikujiro, le jeune garçon affiche lui aussi une mine boudeuse, silencieux face à tout ce qui lui tombe dessus, que ce soient les reproches de sa grand-mère, les remarques des adultes, la méchanceté gratuite du personnage de Kitano ou même les incitations pédophiles d'un vagabond.
ces deux films. Ils sont ainsi marqués par un jeu permanent de corps figés, et de visages oscillant entre l'expression excessive ou, à l'inverse, l'indifférence. Figures des yakuzas ou des boxeurs entre le ridicule et la terreur dans Kids Return. Les deux jeunes gens font face à eux, indifférents dans le faciès mais ultra-violents dans leurs gestes, brusques et agressifs. Ils brûlent la nouvelle voiture d'un professeur par provocation à sa vantardise. L'un fait face à un chef yakuza imbu de lui-même, à la composition stylée et desservi par les membres de son groupe. L'autre s'oppose à un ancien champion désabusé et alcoolique. Difficile chez Kitano de dissocier le rire des larmes, ses protagonistes étant aussi alarmants qu'amusants. Ainsi, avec L'Eté de Kikujiro, le cinéaste développe sa capacité d'auto-dérision : le regard buté et la voix rauque s'allient à un clignement d'oeil maniaque et à une gestuelle souvent ridicule et gauche, par exemple dans une scène de démonstration de nage hilarante.
Violence dans les corps, certes, mais aussi une forme de naïveté dans cet ostentation face aux événements. L'Eté de Kikujiro, malgré la noirceur du propos, se découpe en chapitres tous introduits par des dessins d'enfants, donnant ce côté posé d'un album, d'une chronique d'été basculant dans le surréalisme et la poésie, par exemple avec les séquences de rêve sou la brusque échappée récréative de la fin du film. Ceci agit comme une immersion totale dans un imaginaire, afin d'éviter la mélancolie et la violence à l'enfant. Cette violence qui finira cependant par les rattraper, l'ancien yakuza finissant dans une sanglante bagarre.
traduit le trajet désespéré et inutile des deux jeunes gens, qui perdent toutes leurs illusions et leurs chances à travers leurs parcours, ne finissant plus qu'à s'accrocher aux lambeaux de leur amitié, du temps où ils faisaient les 400 coups au lycée. Ce retour à la case départ est symbolisé par ce vélo où ils tiennent à deux, et cette dynamique et répétitive musique de Joe Hisaishi, qui marque dans ce film la première collaboration avec Kitano. L'Eté de Kikujiro, 
