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  • Bilan 2011

    Année 2012

     

    Fort de ses six mois d'existence, Mirabelle-cerisier comptabilise plus de 600 visites lors de ce mois de décembre, soit deux fois plus que le premier mois (qui comptabilisait 250 visites). Face à ce succès pour un blog qui vient juste d'être créé, je tiens ainsi à remercier tous ceux qui ont participé, indirectement ou non, à sa construction ou contribué à me faire découvrir des films, en particulier... : Big-cow pour sa critique de J'ai rencontré le Diable et ses conseils ; Louise et Gwladys pour tous les films prêtés ; Mr FB pour m'avoir amenée, sans le savoir, à la création du blog ; Dasola pour ses fréquentes visites et son soutien...

     

    Et bien entendu, un grand merci à tous les visiteurs de ce blog !

     

     

    A venir pour cette année 2012 :

     

    • La Colline aux Coquelicots de Goro Miyazaki

     

    • Hana-Bi, le magnifique film de Takeshi Kitano, Lion d'Or de Venise en 1997

     

    • Un article sur la collaboration entre Joe Hisaishi et Takeshi Kitano / et Hayao Miyazaki

     

    • Fulltime Killer de Johnny To et Wai Ka Fai (2001)

     

    • Un article sur l'acteur coréen Song Kang-ho

     

    Le blog Lysao est toujours actif, avec le bilan cinématographique de l'année 2011 en dernier article. En première position, le film iranien Une Séparation. En troisième position, un film chinois, à savoir I wish I knew, le magnifique dernier long-métrage du cinéaste Jia Zhanke, un des plus talentueux dans son pays. Une ode à la mémoire pleine d'humanité et de poésie dans un pays ancré dans la modernisation et la consommation.

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  • Le Voyage de Chihiro

     

    L'Autre côté du Tunnel

    - Retour sur le Voyage de Chihiro

    LE VOYAGE DE CHIHIRO (2002) - Un film de Hayao Miyazaki

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    A l'occasion des dix ans du film-phare d'Hayao Miyazaki, un des rares films d'animation dans l'histoire du cinéma à avoir reçu de prestigieux prix, que ce soit le prix du Meilleur film asiatique à Hong Kong, l'Ours d'or de Berlin ou l'Oscar du Meilleur film d'animation à Hollywood, il est temps de revenir sur la particularité de ce long-métrage dans la filmographie des studios Ghibli. Atypique, tendrement nostalgique, mystique et mythologique, Le Voyage de Chihiro reste, avec les années, un des chefs d'oeuvre du cinéma d'animation, prouvant qu'au-delà de la qualité artistique réside une profonde humanité, imposant toujours autant le respect et l'admiration.

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    Prolongement et rupture

    Pourquoi Le voyage de Chihiro, avec Princesse Mononoke, est-il le film le plus adulé des générations ayant découvert Miyazaki au début des années 2000, période où un grand nombre de ses œuvres fut projeté en salles et édité en DVD ? La force de Princesse Mononoke, et son succès, incombent à l'esprit épique du film, et à des valeurs écologiques en parfaite adéquation avec les interrogations du moment. Mais Le Voyage de Chihiro est, quant à lui, un film totalement atypique dans la filmographie de Miyazaki, un film dont le récit et les motifs sont peut-être les plus mystérieux et complexes à décrypter. C’est tout d'abord l'un des rares films des studios Ghibli (avec Pompoko d'Isao Takahata) à affirmer aussi fortement la culture asiatique, projetant son héroïne dans un monde mystique bardé de créatures inspirées de légendes, de dieux vivants, de yokai en tous genres, univers très spécifique à cette culture. Pourtant, le film, malgré cet ancrage asiatique, a séduit les foules, parce que Miyazaki a su trouver le moyen de faire accepter cet univers à son spectateur par le biais de son héroïne.

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    Et c'est là le second point qui différencie le Voyage de Chihiro des autres films de Miyazaki. Il existe un certain type d'héroïne chez le cinéaste, héroïnes plus ou moins âgées, de la petite fille à la femme naissante, de Kiki à Mononoke ou Sophie, mais qui s’imposent par leur force de caractère et leur courage. L'admiration connue de Miyazaki pour les femmes se manifeste dans ces figures auxquelles le spectateur doit s'accrocher, figures qui apportent l'univers du film, voire l'incarnent. C'est la sorcellerie fantaisiste de Kiki, le don de Nausicaa face aux Ohmus, les Totoros réconfortants de Mei, le secret du cristal de Shiita, la forêt monstrueuse et digne de San, ou encore le monde sous-marin de Ponyo. Il réside certes une exception avec Porco Rosso, seul film où le héros est masculin, mais les figures féminines qui y résident aspirent à la même définition. Chacune a son dynamisme, sa volonté de vivre et de découvrir, d'aimer face aux autres protagonistes et aux événements. Chihiro, dès l'ouverture du film, s'oppose d'emblée à toutes ces figures féminines. Le second plan du film découvre une gamine étendue à l'arrière de la voiture de ses parents, les yeux mi-clos, l'air las et désespéré, un bouquet de fleurs dans les bras. La gamine est chétive, molle, boudeuse, peureuse. Pleine de mauvaise foi, elle tire la langue à sa future nouvelle école, se plaint face à ses fleurs fanées, refuse de suivre ses parents à la lisière du tunnel. La suite du film confirmera cette impression, les réactions de Chihiro s'avérant spontanées, naïves, et l'égarement tenace. Nous sommes loin de la gaieté de Kiki ou de Shiita, loin de la force de caractère de San ou de Nausicaa. Il est de même pour le tracé du protagoniste : par opposition à l'élégance sensuelle de ses pairs féminines, ou aux douces formes rondes naissantes des autres jeunes filles, Chihiro s'avère frêle et chétive, gamine commune, inaperçue, discrète, loin de l'image de l'héroïne. C'est peut-être pour cela, paradoxalement, que l'identification s'avère plus facile, que l'attachement à cette fillette est immédiat, tant ses réactions de base s'avèrent compréhensibles car communes.

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    Quête existentielle

    Tout comme la traduction française l'indique assez justement, Le Voyage de Chihiro est le périple existentiel de cette petite fille. L'imaginaire mystique auquel elle est confronté, ainsi que les nombreuses péripéties et les multiples personnages rencontrés la poussent à faire des choix chihiro travail.jpget à affirmer sa personnalité. Le passage chez Yubaba est la première étape pour Chihiro : elle y clame vigoureusement sa présence pour y avoir un travail. L'attachement au travail permet en effet dans ce milieu d'avoir une place. Par ce désir, Chihiro s'insère dans un système, dans une forme de société, si imaginaire soit-elle, s'intègre au mouvement des adultes et à un rythme tourbillonnant autre que celui de sa vie de petite fille. Cette insertion passe par exemple par le changement de nom, nom volé par la sorcière Yubaba. Une insertion ainsi cruelle, où l'identité de petite fille doit s'effacer pour se fondre dans la masse des employés. Paradoxalement, si Chihiro perd une part de son identité au début du film (retrouvée par l'aide de Haku, qui récupère les vêtements et le bouquet de fleurs fanées, symboles nostalgiques de l'enfance volée), elle gagne une certaine reconnaissance dans le milieu des bains avec l'épisode du Dieu Putride. Cette phase de reconnaissance est par ailleurs la première étape vers la reconnaissance de son identité, voire une forme de reconstruction. C'est durant cet épisode que Chihiro aura le premier flash-back du souvenir de son enfance. Par la suite, le film jouera sans cesse entre mémoire et avenir, entre part d'enfance et part de reconstruction : découvertes initiatiques pour Chihiro de la peur, du danger, mais aussi de l'amitié, du pouvoir ; tout en laissant sa part à la nostalgie d'enfance. Le souvenir lié à la première rencontre avec Haku, certes, mais plus encore le retour final à l'équilibre, boucle bouclée face au début du film, accompagné par la mélodie volontiers mélancolique composée par Joe Hisaishi.

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    Par ailleurs, parallèlement à cette quête existentielle du personnage principal, un autre protagoniste suit son chemin, de manière plus symbolique et fantasmagorique : il s'agit de Sans-visage, l'étrange monstre qui s'infiltre dans le royaume des bains grâce à Chihiro. Le nom même de Sans-Visage, ainsi que son apparence fantomatique, son visage s'apparentant à un masque, en fait un personnage en quête vorace d'une identité, avalant grenouilles, femmes et crapauds des bains, s'empiffrant littéralement des corps des autres pour combler une absence de reconnaissance. Ce personnage, qui était à la base le point de départ du film, trouvera sa place auprès de Zeniba, la sœur jumelle de Yubaba.

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    Alice, les contes et les mythes

    chihiro tunnel.jpgD'emblée, dès le début du film, la comparaison avec Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll, ou même avec Alice de l'autre côté du miroir, s'avère inévitable. La thématique du tunnel (que l'on retrouve également chez Ponyo à la fin du film) fait songer au tunnel dévalé par Alice. Mais, par opposition, là où Alice traverse à toute vitesse un lieu de passage en bric-à-brac et d'objets divers, Chihiro s'engouffre dans un tunnel sombre et silencieux, extrêmement sobre mais qui révélera par la suite des décors d'une très grande richesse ornementale. De plus, la symbolique des portes, du passage, du mouvement d'un espace à une autre, crible tout le film : le pont qui doit être traversé sans respirer, premier rituel de passage pour Chihiro, la porte de derrière pour aller voir le vieux Yamaji, les escaliers dangereux, l'ascenseur, les multiples portes des appartements de Yubaba, et surtout le passage fleuri emblématique du film, où Chihiro s'engouffre dans un champ de fleurs roses, celles-ci étant un écho direct au bouquet qui ouvre le film. Tout, dans Le Voyage de Chihiro, n'est que passage, traversée vers l'au-delà, d'une pièce à une autre, d'un étage à l'autre, d'un milieu à un autre, verticalement, horizontalement, en diagonale même, de l'eau (les bains) au ciel (le retour sur le dos du dragon). Et ces passages traduisent une forme de traversée mystique, vers un imaginaire autre, voire un enfer.

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    De fait, Le Voyage de Chihiro fait songer au conte, ou encore au mythe d'Orphée, avec son atmosphère mystérieuse et ses allusions poétiques. Chihiro bascule dans le monde des non-vivants, où les parents sont transformés en cochons tels des enfants pris au piège d'une sorcière. La scène de goinfrerie rappelle le conte d'Hansel et Gretel, qui s'incarne aussi dans la goinfrerie de Sans-visage réclamant des plats luxueux aux employés des bains. Et la structure des Bains rappelle elle-même un décor de conte, avec ses abords richement décorés, à tendance dorée ou rouge sombre, emplie de fresques, d'étoffes et de décorations multiples. La « teinte » du film est en elle-même particulière et atypique au vu de la couleur des autres films de Miyazaki : plus chaleureuse, plus exotique, les traits s'avèrent plus fins, les détails plus luxueux, et la lumière plus tamisée. Etrangeté du décor et de la cinématographie qui font de Chihiro un espace mystique, rappelant la richesse des temples chinois.

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    Quant au mythe d'Orphée, il se retrouve dans la comparaison au royaume des morts, mais également dans une inversion du mythe. Orphée descend aux Enfers, se heurtant aux vents et aux obstacles, tandis que Chihiro est au contraire poussée vers le lieu maudit, poussée par ses parents ou par le vent qui s'engouffre dans le tunnel. Lorsque la nuit tombe, les rues sont peuplées de fantômes, des silhouettes noires transparentes, sortes d'âmes en peine rappelant les âmes des morts. Et bien évidemment, Chihiro doit quitter ce petit royaume sans se retourner, à l'image d'Orphée quittant les lieux avec Eurydice à la seule condition de ne pas la regarder dans les yeux.

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    Enfin, il faut revenir sur les deux symboles emblématiques du film, à savoir l'eau et le train. Tous représentent l'idée du mouvement, mais un mouvement rétrospectif, vers le passé. L'eau est le symbole inévitable du cours du temps, marquant toutes les étapes initiatiques de Chihiro : le ruisseau traversé après le passage du tunnel, la forte nuit de pluie, la chute dans le bain du Dieu Putride, l'immense lac traversé à pieds jusqu'au train, et enfin ce souvenir d'enfance résolvant la clé du nom de Haku. Le train, quant à lui ouvre le film et c'est après son passage que Chihiro rencontre Haku. C'est ensuite à bord de ce train que le spectateur sera amené à quitter pour un instant le royaume des Bains et à découvrir des stations de gare isolées, flottantes, aux personnages énigmatiques. La musique de Joe Hisaishi, sur cette séquence, s'avère particulièrement mélancolique, créant une pause temporelle dans le rythme du film, l'avancée de Chihiro étant brusquement interrompue par ce retour à la paisibilité (le train avançant dans le sens inverse de celui du temps, allant de la droite vers la gauche), prolongé par la suite avec la visite dans la demeure de Zeniba, chaleureux foyer perdu dans la forêt. Tout comme dans tous ses films, le passé et le mouvement constituent pour Miyazaki un thème important et essentiel dans la construction de l'identité de ses œuvres : c'est par le retour au souvenir, aux sources que Chihiro retrouvera l'harmonie de sa vie de petite fille, tout en ayant grandi. Une forme de reconstruction identitaire peu à peu gagnée de l'autre côté du tunnel.chihiro demeure.jpg

  • Cure

    L'Amnésie du Démon

    CURE (1997) – Kiyoshi Kurosawa

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    Avant l'envoûtant Kaïro, Kiyoshi Kurosawa, réalisateur emblématique dans le cinéma fantastique japonais, avait réalisé Cure, un des films qui le fit connaître du grand public et des festivals à l'époque. Cure est moins dense et surprenant que Kaïro, mais révèle toujours le goût pour les troubles psychologiques de Kurosawa, et l'intelligence de sa mise en scène, qui se refuse à user d'effets spéciaux grotesques.

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    Croisement des genres

    Kurosawa aime croiser les genres dans ses films, ce qui en constitue l'originalité et l'étrangeté. Kaïro nouait aussi bien avec le thriller médiatique qu'avec le film de fin du monde tandis que Tokyo Sonata se tournait vers la critique sociale. Pourtant, tous portent une atmosphère fantastique, légère pour certains (Tokyo Sonata), proche du film horrifique pour d'autres (Seance ou Kaïro). Dans Cure, le film débute à la manière d'une enquête intrigante, où un serial killer fantôme sévit à travers une série de meurtriers divers. La police arrête en effet successivement une foule de personnes sans aucun point commun apparent, hormis le fait qu'elles aient toutes commis le même crime et lacéré leur victime de la même manière, en traçant une croix sur la carotide. Ce motif de la croix revient souvent dans le film, constituant son affiche par ailleurs, et mène à de troublantes interprétations psychologiques. La croix symbolise tout autant la cicatrice, la blessure que la guérison, la possibilité de crever l'abcès. L'abcès du masque que portent la plupart des meurtriers, chaque crime révélant la folie pure derrière chaque protagoniste. Cure, après le thriller, s'aventure ainsi peu à peu dans la psychanalyse, avec notamment des références au mesmérisme et à l'hypnose (passages par ailleurs les moins réussis du film), sans pour autant détourner Kurosawa de sa marque, à savoir un fantastique toujours permanent. Le principe de l'enquête permet aussi de dresser une critique sociale dans Cure, certes moins fine que pour Tokyo Sonata, mais tout aussi troublante et dérangeante que chez Kaïro.

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    Isolement et Fantastique

    Avec Kiyoshi Kurosawa, on se croirait dans une nouvelle d'Edgar Allan Poe transposée au Japon. Les rares plans de villes finissent par être remplacées par des décors naturels à la fois romantiques et angoissants, frappants par leur isolement. L'atmosphère joue un rôle essentiel chez ce cinéaste, qui ne s'intéresse ni au choc ni aux apparitions brutales (éléments tels que l'on peut les trouver dans un film d'horreur américain), mais plutôt à la lente installation des choses. Les plans sont volontairement d'ensemble, brassant un décor où se jouent des zones d'ombre, où le personnage n'apparaît qu'à la seconde vision. Les éléments s'immiscent plus qu'ils ne surgissent dans le cadre. Ainsi, les rares scènes de meurtres vues à l'écran sont généralement cadrées avec une certaine distance, ne mettant pas tout de suite en avant la barbarie perpétrée sur le corps des victimes. De même que le spectateur attend toujours quelque chose du cadre, recherche dans les zones d'ombre et dans les coins multiples d'un décor souvent sombre et hermétique. Ainsi en témoigne la première scène de confrontation entre l'inspecteur et le suspect, qui s'est réfugié dans une sorte de remise fermée par des rideaux de fer. Le suspect n'est visible qu'à la lueur de sa cigarette qui se consume, tandis que l'inspecteur se dépêtre parmi les étagères. De même, dans les séquences dans la cellule de la prison, lieu pourtant étroit, l'espace est soigneusement agencé, avec ses coins d'ombre, d'obscurité, de caché et de révélé. Ces exemples démontrent le formidable sens plastique dont témoignent les films de Kurosawa, où l'espace et les décors jouent un rôle essentiel dans la mise en scène et la symbolique.

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    Trouble mental

    L’atmosphère du film, combinée à son montage progressivement fragmentaire, nous plongent d'emblée dans une ambiance troublante, terrifiante car dépossédée, désabusée. Les personnages apparaissent toujours solitaires chez Kurosawa, livrés à eux-mêmes à travers cette histoire policière hors du commun. Le cinéaste révèle une forme de désespoir qui mène à la folie, certes à travers les meurtriers cachés derrière des employés ordinaires, mais surtout à travers son protagoniste principal, à savoir l'inspecteur Takabe, incarné par Koji Yakusho (un acteur phare dans le cinéma japonais, très présent chez Kiyoshi Kurosawa ou Shohei Imamura). Takabe s'avère rapidement trouble lui-même, à tel point que la réalité du film semble être celle de son imagination. Les rares scènes de couple ne s'apparentent pas à l'habituelle ritournelle que l'on peut retrouver dans les films d'enquête : le retour de l'inspecteur chez lui montre de prime abord une apparence paisible, mais le cadrage froid, distant et répétitif soulignent un certain malaise anormal. Par la suite, la solitude du personnage sera révélée par l'étrange cas de sa femme malade.

     

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    Autre personnage troublant, c'est bien évidemment le jeune étudiant suspect arrêté, personnage insaisissable pendant une bonne partie du film, capable de provoquer des pulsions de meurtre par hypnotisme. Personnage démoniaque, il dérange d'autant plus qu'il met sans cesse en avant une amnésie inhabituelle, répétant de nombreuses questions quant à son nom, le lieu où il se trouve, état d'égarement qui brouille les repères des autres personnages ancrés dans la quotidienneté. Pourtant, tout le film de Kurosawa, à l'image de ce personnage aliénant, n'a rien de quotidien ou routinier : tout n'est qu'apparence paisible derrière laquelle couve la menace, perceptible dans l'angoisse qui émerge de décors déserts où s'engouffre le vent (la plage brumeuse du début, la demeure abandonnée de la fin). La dernière image de Cure, choquante et inattendue, laissera pointer une angoisse terrifiante que le cinéaste jette à la figure de son spectateur avant le défilement du générique, par contraste à l'harmonie retrouvée qu'il installe dans Tokyo Sonata, son dernier film.  

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  • Running out of time 2

    Running out of Time 2 (2001)

    Un film de Johnny To et Wing Cheong-Law

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    Le premier film Running out of Time eut un tel succès que la boîte de production Milkyway se décida à en réaliser un deuxième, une sorte de suite reprenant les mêmes ingrédients du premier opus. Hélas, Running Out of Time 2 ne déroge pas à la règle qui s'abat souvent fatalement sur les suites de blockbusters : le film déçoit par la faiblesse de son scénario et la mollesse des interprétations, bien loin du divertissement jouissif de Running out of Time.

    Pour faciliter la lecture de la critique les longues appellations des titres Running out of Time 1 et Running out of Time 2 seront remplacées respectivement par les abréviations RT1 et RT2 !

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    Tout d'abord, RT2 part d'un principe totalement différent de RT1 : ce dernier mettait en avant un criminel frappé de la maladie, s'autorisant une partie ambiguë de jeu de chat et de souris avec l'inspecteur Ho, peut-être plus pour trouver un complice l'accompagnant dans un périple sans fin et s'affranchissant de tous codes, juste pour le plaisir et l’adrénaline du pari. Par contraste, le voleur de RT2 s'avère bien plus vicieux et antipathique. N'étant pas limité par le temps de la maladie comme le premier, il fait de cette partie un jeu sadique et coquin plutôt qu'une ultime revanche sur le monde, ne jouissant que de sa propre victoire et n'incluant pas l'inspecteur dans le plaisir de la poursuite (à la différence du premier voleur, qui incitait l'inspecteur à s'amuser autant que lui).

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    Cette différence dans le personnage fait que le scénario et la mise en scène s'en trouve modifiés : le voleur étant taquin et dynamique, les idées les plus rocambolesques affluent, toujours dans un décor très urbain, où les escaliers se chevauchent, les couloirs s'échelonnent, et surtout les gratte-ciels aboutissent à des confrontations de haut niveau. En témoigne cette scène finale où le personnage surgit en funambule des gratte-ciels pour récupérer son butin. La mégalomanie du personnage va avec celle de la réalisation, se voulant trop époustouflante (tout le passage avec l'aigle traversant la ville est d'une ridicule confondant), voire pire, épuisant son spectateur tout comme l'inspecteur Ho trimballé de bout en bout de la ville. Les quiproquos et les pièges se suivent sans grande cohérence, agaçant plus. Il n'y a guère qu'une originale course-poursuite prise à contrepied dans les rues, où l'inspecteur et le voleur, tous deux harassés, prennent une pause d'athlète à quelques pas l'un de l'autre. Le film déçoit de plus par la faiblesse des personnages secondaires, pâles répliques des figures propres à Johnny To : le commissaire interprété par Hui Shiu Hung ne ressert que la même suite de grimaces que dans le premier volet ; Suet Lam refait une apparition dans un personnage de loser traînant le même gag à sa suite (le coup de la pièce de monnaie qui refuse de se mettre sur le côté désiré) ; la seule figure féminine du film, Kelly Lin, sert de prétexte à l'intrigue du vol ; et surtout l'inspecteur Ho est incarné par un Lau Ching Wan incompréhensible, mou et insupportable, très loin de ses prestations efficaces de RT1 ou Mad Detective.

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    Disons-le ouvertement, la supériorité de RT1 s'impose enfin au vu du casting présent. La différence fondamentale réside dans le choix du malfrat s’ingéniant à tourner en bourrique l'inspecteur Ho. Dans RT1, il s'agissait du génial Andrew Lau, encore jeune à l'époque, qui incarnait avec sa sobriété habituelle ce voleur en phase terminale. Andrew Lau écrase de loin le pâle Ekin Cheung, ce nouveau voleur qui se contente de grimacer et de lancer des sourires coquins à Ho dans RT2. La relation des personnages s'en ainsi trouve totalement bouleversée. Autant Ho sympathisait avec celui qu'il poursuivait, entretenant un rapport quasi-amical inattendu dans le premier volet, autant le second voleur qu'il rencontre lui est foncièrement antipathique dans la seconde partie. Deux figures qui s'opposent, l'un en cancer phase terminale, prêt à tout donner pour mener une ultime partie de jeu à deux, l'autre plus extravagant, imbu de lui-même, aimable et cruel. Il n'y a qu'à voir le rapport que ces deux voleurs entretiennent avec le monde : celui d'Andrew Lau est effacé, discret, prenant avec délicatesse une femme en « otage » dans un bus (il l'enlace pour éviter d'être repéré) ; tandis que celui interprété par Ekin Cheung est un vrai metteur en scène, déclenchant moults explosions, appelant tous ceux avec lesquels il s'amuse, poussant au suicide un policier endetté en jouant à « pile ou face » avec lui.

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    Ainsi, Runnning Out of Time 2 s'avère une amère déception dans la filmographie de Johnnie To, un film s'épuisant par ses ressources et dont le seul mérite est de souligner, par contraste, l'excellente efficacité de Running Out of Time