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Michiru Oshima

MICHIRU OSHIMA

Une réflexion sur la compositrice japonaise à travers les partitions écrites pour Zetsuen no Tempest et Nabari no Ou

Talentueuse, mais néanmoins méconnue, compositrice dans le milieu de l'animation japonaise, Michiro Oshima porte un sens musical proche à la fois de Joe Hisaishi et de Yuki Kajiura. Son orchestration symphonique lorgnant vers des effets intimistes, capables de scander les scènes d'action animées les plus virevoltantes, fait ainsi songer au collaborateur fidèle de Miyazaki. En revanche, le sentimentalisme de certaines de ses pièces approche plus le lyrisme éclatant de la fondatrice du groupe FictionJunction.

 

Connue pour son apport dans le jeu vidéo, la musicienne a néanmoins écrit des partitions classiques d'une grande rigueur et d'une forte cohérence avec les différents animes qu'elle accompagnait. Sa composition la plus connue demeure celle du célèbre Full Metal Alchemist. Ses nombreux thèmes musicaux soutiennent la grande fresque écrite par Hiromu Arakawa, et s'adaptent à la riche palette de l'anime (contenant scènes fantastiques, de stratégie de guerre, comédie ou tragédie). Mais le morceau le plus remarquable demeure « Bratja », qui fait appel à un chant russe pour sublimer la complexe relation qui lie les deux héros fraternels.

 

Ce sont deux compositions particulières d'Oshima qui ont retenu mon attention pour cet article. Elles accompagnent deux animes foncièrement différents, l'un plutôt apocalyptique et protéiforme ; l'autre plus harmonieux et psychologique.

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Adaptant en 2012 le manga éponyme écrit par Kyo Shirodaira, Zetsuen no Tempest serait une œuvre plutôt complexe à résumer. Le récit ré-interprète la Tempête de Shakespeare, orchestre le thème de la vengeance dans le cadre d'un scénario de contamination planétaire, fait rencontrer prêtres magiques avec sabreurs, agents spéciaux et une nature incontrôlable. L'oeuvre se concentre sur le destin de deux lycéens aux objectifs opposés, tous deux unis par le souvenir d'une amie disparue, mais rapidement divisés par les événements. C'est plus le curieux cocktail de thématiques qui intrigue dans cet anime, et la musique de Michiru Oshima participe de l'alliage hétéroclite. Alors que les personnages sont a priori au début de simples jeunes, l'anime leur prête des motivations et des répliques shakespeariennes inattendues. Dans cette logique, les thèmes musicaux s'accordent avec la symphonie du romantisme ou de l'épique.

Parallèlement à cette influence de Shakespeare sur le récit, Michiru Oshima fait appel à une autre tempête dans le monde musical. La reprise de Beethoven balise son entière composition pour l'anime, et propose même un nouvel arrangement sur son troisième mouvement de la sonate pour piano, la n° 17 en ré mineur. La reprise par les cordes transporte une émotion plus ambitieuse que le piano, et accompagne les apogées de l'anime. Plus précisément, cette interprétation surgit sur les images se voulant anthologies dans Zetsuen no Tempest, des plans, souvent très peu animés, qui cristallisent par leur composition un ou deux thèmes symboliques.


Cet usage de la partition se révèle au final le moins original sur l'ensemble, puisque le renvoi à la Tempête musicale s'orchestre dès que l'anime affirme sa filiation avec la tragédie. Les autres compositions rappellent la précipitation des violons sur la sonate n°17. La partition d'Oshima s'aligne en effet sur le rythme de Beethoven et recherche une certaine harmonie. Le morceau « Kaikou » (traduit par « rencontre ») s'en fait l'exemple, avec sa précipitation des crescendos et decrescendos successifs.



La partition d'Oshima déploie en cela une certaine force, car cette tendance orchestrale alignée sur Beethoven donne à certaines scènes une tension inédite. Usuellement, le rythme musical sur les scènes d'action dans les animes est très précipité, très rythmé, mais aussi très répétitif, de manière à laisser de l'espace aux dialogues, rebondissements, arrivées de nouveaux opposants... La musique constitue alors plus une nappe musicale en fond des confrontations et à la dynamique visuelle. Ici, la violence des cordes s'impose, voire écrase le mouvement de l'animation. Le morceau est par exemple présent sur cette scène de confrontation entre l'un des héros et un agent spécial venu l'interroger. Bien avant que les gestes se précipitent, la partition s'emballe et de fait, crée, parce qu'elle le prépare, un certain spectaculaire à l'image.


 

D'une certaine manière, l'homogénéité du travail de Michiru Oshima sur cet anime devient petit à petit l'un des points forts de la série. Cette dernière, très bien rythmée au départ, s'enlise à partir de sa seconde moitié dans des intrigues secondaires moins intéressantes. De même, l'animation s'essouffle ; là où le style musical continue d'agir fiévreusement.

Les morceaux éclatent sur des scènes qui a priori ne devraient pas être si chargées d'émotion, où une emphase modifie le sens de certaines scènes. Par exemple, dans le premier épisode, les deux héros reviennent sur la tombe d'Aika, leur amie mystérieusement assassinée. Le moment s'apparente à une tranquille prière face à la stèle, tandis que les dialogues explicitent lentement les raisons de cette visite, le lien entre les deux garçons, l'image de la disparue. Au niveau musical, les cordes et des cuivres vivement à leur apogée extrapolent la scène anodine vers un ton intensément tragique. Succédant à une paisible illustration du recueillement, l'image viendra se teinter d'un rouge crépusculaire, prenant le pas sur la musique.

Enfin, ce dernier morceau, « Aika », demeure le plus beau parmi les compositions de cet OST. La lente évolution vers des tonalités lyriques tient d'un réel talent pour construire la délicatesse dans le contexte d'un orchestre symphonique.



 

La seconde partition sur laquelle j'aimerais m'attarder est celle de Nabari no Ou. Adapté du manga de la fort talentueuse Yuhki Kamatani, Nabari no Ou est un shounen hors du commun, d'une émotion étonnante. Il révèle subtilement des pistes psychologiques au sein d'une matrice pourtant typée, et l'adaptation en anime rend totalement justice au manga d'origine.

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Contrairement à Zetsuen no Tempest, où l'OST est chapeauté par Beethoven, la gamme musicale des tons se révèle plus large – alors que paradoxalement, la dynamique de l'animation demeure fort harmonieuse au cours des 24 épisodes de la série. Michiru Oshima en appelle de nouveau à des compositions symphoniques, mais cette fois-ci moins ambitieuses ou éclatantes que pour Zetsuen no Tempest. D'une certaine manière, cette partition traduit la quintessence de son style et sa capacité à s'adapter aux différents tons de la série, du comique au tragique. Le même constat se fait pour la partition de Full Metal Alchemist ; néanmoins la part intimiste de l'oeuvre d'origine chez Nabari no Ou se retranscrit plus sensiblement et apporte une dimension autrement nouvelle chez l'artiste.

En effet, l'une des caractéristiques de cet OST, en tous points émouvant, est d'incarner fidèlement le style de Yuhki Kamatani. Un style s'attachant aux sentiments des personnages, à la délicatesse de leur évolution, vue au travers de longues conversations métaphysiques, de scènes quotidiennes traversées par le cosmique. En outre, la musique, en particulier le chant lyrique, a une certaine importance chez la mangaka : un an près la fin de sa longue série d'aventure, elle écrivit la nouvelle, puis le manga, Shounen Note, consacré à une chorale de jeunes enfants. Si ce dernier venait à être un jour adapté pour le petit écran, on imagine aisément une composition de la part de Michiru Oshima, tant les choix de ses instrumentations, autant que la douceur des mélodies écrites, transcrivent la pudeur émotionnelle de Kamatani.

Pourtant, notre petit trajet va d'abord ce concentrer sur les morceaux dédiés aux scènes d'action de Nabari. L'une des premières divergences par rapport au shounen classique est que ces scènes d'action se révèlent plutôt rares, et mieux dosées que les grandes sagas habituelles. A l'inverse de franchises comme Naruto ou Bleach, la série se refuse au monumental et l'expansion des attaques, obstacles et ennemis à franchir, pour se concentrer sur une poignée de confrontations. Le style musical d'Oshima, sur ces scènes, écarte ainsi une certaine brusquerie qui aurait pu être convoquée et préfère un rythme plus léger, voire parfois pimpant. Cet aspect, et le choix d'instruments comme les flûtes ou le piano, rappelle ce que Joe Hisaishi avait composé pour Nausicaa ou Porco Rosso : une musique qui garde un certain sérieux mais qui ne perd pas un certain goût pour des notes ludiques, quasi-joyeuses.



Le sentiment d'écouter un air joyeux sur ces scènes est confirmé par la proximité de ces morceaux avec ceux dédiés aux passages comiques du film. Ici, un autre extrait de la série où se retrouve une composition avec un tempo et une orchestration similaires.



Les compositions plus angoissantes vont de fait accompagner des moments autres que ceux des batailles : c'est en effet ceux où jeune personnage principal est en prise avec la « petite fée » qui l'habite, le Shinrabanshou, un pouvoir qu'il ne parvient guère à contrôler. L'idée est classique, inhérente à un ensemble massif des productions shounen. Mais le manga d'origine s'en empare pour une fois, de plus, en proposer un traitement graphique relativement original et céder plus à la part psychologique plutôt qu'épique de cette ficelle. La composition de Michiru Oshima est surprenante car relativement sobre, concentrée sur quelques accents graves de violons, et bien plus oppressante que les morceaux précédents.


Sur la fin de la série, des partitions plus intense surgissent, en lien avec une action plus tendue où les protagonistes s'interrogent sur leurs ressentis et prennent parti au sein d'un conflit complexe. La présence du hautbois et de la clarinette est à noter sur les meilleures de ces compositions. Le hautbois, en particulier, transcrit des tonalités plus amère et mélancoliques, en creux des questionnements qui agitent les personnages.



Le morceau cerne la fragilité ténue de ses jeunes personnages et se trouve proche du style de l'auteure, qui varie avec aisance de l'intime au spectaculaire, dans une parfaite harmonie romantique. L'entrée successive des instruments en renfort au hautbois contribue à renforcer ce mouvement de l'intériorité déchirée des protagonistes vers une contemplation plus vaste de leurs problèmes au sein d'un environnement agité de conflits. En outre, le ton musical varie constamment entre une certaine douceur et une précipitation plus violente : tel est justement le rythme de Nabari, bercé entre temps exquis de contemplation et moments d'angoisse existentielle. Ce dernier morceau, qui apparaît à la toute dernière scène de la série, transporte cette idée.



Le site de Michiru Oshima : http://www.michiru-oshima.net/

 

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