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Bunya Ningyo - spectacle de marionnettes japonaises

BUNYA NINGYO

Compagnie Saruhashi-za

 

LA FEMME RENARDE (SHINODA-ZUMA), spectacle vu dans le cadre du Festival de l'Imaginaire

 

Takeshi Nishihashi, maître marionnettiste
Watanabe Hachitayû, récitant
Yashima Hori, marionnettiste
Yohachi Kaneko, marionnettiste
Kihachi Sonobe, marionnettiste
Hikohachi Yamaguchi, marionnettiste
Yasato Hemmi, marionnettiste

 

Dans le cadre du Festival de l'Imaginaire, le chapiteau du Cirque Romanès accueillait ce mois-ci les marionnettes de l'île de Sado. Les représentations étaient l'occasion de voir une pratique rare et singulière dans le monde du théâtre de marionnettes, car à mi-chemin entre le raffinement du bunraku et le populaire du guignol.

 

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La troupe dirigée par Takeshi Nikihashi présentait plusieurs petites pièces dans le cadre du festival. La représentation à laquelle je pus assister condensait le dernier acte du conte de la Femme renarde ; cependant la troupe monte aussi des pièces de répertoire ou des récits historiques. En cela, la marionnette a cette valeur presque pédagogique qui n'existe pas en France. La représentation tient donc lieu de spectacle mais aussi d'enseignement, ce qui permet par ailleurs à certaines compagnies de survivre. De même, en animation, certains réalisateurs, souvent indépendant, répondent à des commandes similaires. Quelqu'un comme Kôji Yamamura a par exemple réalisé beaucoup de programmes d'animation explorant des mythes shintoïstes.

 

Cette valeur d'enseignement se ressent dans le spectacle proposé. Dès le premier tableau, le récitant explicite certaines fonctions occupées par les personnages et fait référence à des données historiques japonaises. La séparation à deux voies, entre le visuel et l'oral, souligne en outre ce détachement entre la pédagogie et le récit fictif. Le chanteur de rakugô, ici exceptionnel car entièrement seul pour rythmer tout l'espace musical et vocal de la pièce, pousse à décrocher le regard et à considérer autrement les événements. Cette singularité était déjà présente dans l'art du bunraku, dont le bunya est dérivé.

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Pour autant, le bunya ningyo a cette expression plus directe des émotions, ce franchissement plus aisé vers le sentiment, qui se révèle plus difficile avec le bunraku. Nous furent plusieurs spectateurs à comparer l'expérience du bunya avec la dernière grande pièce de bunraku jouée au Théâtre de la Ville il y a deux ans, Double suicide à Sonezaki. La pièce mise en scène par Hiroshi Sugimoto était d'une esthétique proprement exécutée, et à la beauté glaçante. Si les deux pièces n'ont rien de comparable – ne serait-ce qu'en raison des différences de budget et de conditions de création – elles éclairent néanmoins sur les liens qui unissent ou distinguent le bunraku du bunya. L'acte de séparation vocal et visuel est bien là, de même que la structuration du rythme en tableaux. Mais les manipulateurs du bunya sont moins nombreux – un pour chaque personnage contre quatre pour une marionnette – tous couverts en noir et la représentation n'a pas lieu sur une estrade, mais dans une structure en toile qui s'apparente plus au castelet français.

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Le lien à une pratique européenne se retrouve dans une manipulation plus brusque. Le maniement oscille entre des moments de délicatesse extrêmes, par exemple lorsque la poupée écrit un véritable poème sur un panneau coulissant ; et une gestuelle virevoltante et rapide, notamment de violentes sorties de champ des poupées qui rappellent clairement le guignol. Le sens de la comédie et du divertissement sont ainsi plus présents, installant dans une atmosphère populaire loin de celle plus cérémonielle du bunraku.

Ce qui fait enfin le charme de cette pratique, c'est bel et bien son minimalisme simpliste. Le bunraku s'aligne lui aussi sur cette idée de minimalisme : en quelque sorte, tout l'art de la marionnette japonaise se construit sur l'idée de la petitesse, du raffinement des détails et des décors – contrairement à une pratique européenne plus versée dans le grossissement et l'expression. Mais pour le bunya, l'acte de miniaturisation va de pair avec des constructions artisanales à la fois raffinées et simples. Les décors, entièrement faits à la main, sont très réduits, dans cette épure agréable du quotidien : un petit paravent, un métier à tisser, quelques décorations florales, des parchemins abandonnés... Ces quelques détails suffisent à construire, en phase avec le texte chanté, l'émotion de l'histoire racontée. Sur le dernier acte, la tragédie vécue par cette Femme renarde, qui doit quitter sa famille, est posée avec simplicité et douceur. Le bunya ningyo nous prouve qu'avec combinaison entre le grotesque franc et la tendresse délicatesse, la marionnette demeure un magnifique vecteur d'émotions et de sagesse.

 

Pour en savoir plus : http://www.maisondesculturesdumonde.org/actualite/les-bunya-ningyo

http://blog.goo.ne.jp/ningycyathemis38237

 

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