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Hana et Alice mènent l'enquête

L'amitié butine...

 

HANA ET ALICE MENENT L'ENQUETE (HANA TO ARISU SATSUJIN JIKEN) – Shunji Iwai

Remake d'un de ses précédents films, Hana et Alice se révèle une curieuse expérience animée. Les imperfections sont nombreuses, le film n'affirme clairement pas le regard d'un cinéaste d'animation en herbe, et préfère expérimenter ponctuellement, mais timidement, avec ce nouveau medium. Pour autant, la naïveté à user des techniques en fonde presque le charme. La légèreté du style animé et la simplicité, presque grossière, suffisent pour accompagner cette petite aventure enfantine sur le thème de l'amitié.

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L'animation d'Hana et Alice est relativement fluette et tranche quelque peu avec le reste de la production usuelle. Pour un long-métrage, les limites sont parfois voyantes – usuels personnages non animés en arrière-plan, problèmes de synchronisation des voix – et le travail au niveau des décors tablé sur des prises de vues réelles retouchées. Ces imperfections nuisent, au début, à la véritable adhésion au film, tant le processus est parfois voyant. Plutôt que d'installer une sensation de réalisme et de faire basculer dans son monde de jeune adolescence étonnamment coloré, ces limites empêchent pour un temps de suivre la direction prise par le film. Pour comparaison, le premier long-métrage de Satoshi Kon, Perfect Blue, était empli d'imperfections similaires, notamment en raison du manque de budget. Cependant, il parvenait à s'émanciper de ces défauts et à instaurer une réalité animée cohérente par le sens très aiguisé de sa mise en scène et de son montage, où pointaient déjà le regard d'un vrai cinéaste pensant en terme d'espace et de rythme. Il manque parfois cette intuition-là chez Shunji Iwai.

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Une fois surmonté le déplaisir du visuel, le récit trace des chemins plus intrigants. En dépit de son apparence de « tranche de vie », les aventures de la jeune Alice, arrivée dans une nouvelle ville, une nouvelle école, alternent entre scènes usuelles – la méfiance dans la classe, l'incompréhension de sa mère – et des moments centrés sur des thèmes inattendus. La séquence d'un exorcisme en classe s'en est fait l'exemple, entièrement orchestré par une ancienne souffre-douleur métamorphosée en icône fanatisée et crainte par ses camarades. Déclenchant à la fois le rire mais laissant pantois, les élucubrations de l'élève disent beaucoup de la façade que certains peuvent se construire pour se faire accepter dans le groupe scolaire. Dans ce film, Alice rencontre une série de jeunes protagonistes ayant effacé leurs personnalités au profit de la comédie, d'apparences trompeuses. Il demeure assez rare, dans un récit portant sur l'école, de montrer cette facette cruelle mais éminemment existante pour chaque enfant du 21ème siècle – et c'est par ailleurs les créations japonaises, que ce soit dans la littérature, le manga ou le cinéma, qui s'attellent le plus à ce portrait. Dans le long-métrage, cette primauté des identités de façade contribue à la dilution, dans un premier temps, du fil narratif et de la compréhension des événements. Alice elle-même est parfois prête à céder à la tentation de se dissimuler et de s'effacer face à cette école farouche, qui craque sous le poids des rumeurs et des fausses informations.

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Au-delà, la seconde partie du film se consacre à la deuxième mention du titre, à savoir la rencontre avec Hana. Au final, l'amitié entre les deux fillettes n'a rien de simple et émeut par ce qu'elle révèle de chacune. Semblant d'abord se nouer par un classique affrontement entre une personnalité timide et renfermée et une autre ouverte et affirmée, elle est vite démentie par la suite des péripéties. Hana, en dépit de sa fragilité des premiers plans, déploie un sale caractère et une réelle conviction ; tandis qu'Alice, en apparence brave et sûre d'elle, laisse entrapercevoir quelques failles, une peur de ne pas s'intégrer et une incompréhension du monde adulte. Toute la balade qu'elle entreprend par hasard avec un vieil homme, qu'elle suit d'abord sur un quiproquo, est en cela une belle parenthèse de maturation et l'un des fils les plus réussis du film.

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Comme ses deux héroïnes, Shunji Iwai se cherche constamment dans ses choix artistiques. L'expérimentation réussit une fois sur deux. Elle échoue lorsque le cinéaste tente des compositions déformées, comme si des sensations vertigineuses et des prises en grand angle suffisaient pour intensifier son histoire. Mais elle devient particulièrement émouvante lorsqu'elle accompagne une dilution des traits ou une dilatation du rythme pour s'approcher de quelques moments de légèreté : la tristesse d'un crépuscule face à la première déception amoureuse ; le retour d'une passion pour la danse classique, madeleine de l'enfance ; la brusque course d'allégresse dans la rue après avoir revu le père aimant, mais rarement présent... Ces petits instants précieux maintiennent en éveil dans une expérience animée un peu amère, à moitié réussie.

 

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