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Notre Petite Soeur

L'éternité et une plage

 

NOTRE PETITE SŒUR (UMIMACHI DIARY) – Hirokazu Koreeda

 

Avec Notre Petite sœur, Hirokazu Koreeda confirme le chemin, total, vers la lumière entrepris avec I Wish, nos vœux secrets, trois ans plus tôt. La noirceur de Nobody Knows s'est estompée, le regard cinglant et glaçant sur la famille ou la société de Still Walking et Air Doll s'est mué en une tendre observation des rites conviviaux et quotidiens.

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Le titre original, de même que celui du manga dont le film est adapté, traduit une structure quotidienne, à l'image d'un « journal de la ville en bord de mer ». Une fois passés les préliminaires de la rencontre avec la petite demi-sœur, la dernière d'une famille éclatée, le film restera un enchaînement de scènes dans cette petite ville, partageant les moments de vie de chacune des demoiselles. Notre Petite sœur devient ainsi assez vite comparable aux romans de Enid Blyton, et son ensemble des « Quatre soeurs » qui suivait en quatre volumes les péripéties professionnelles et relationnelles de quatre orphelines. Le rythme du film est, dès lors, plus comparable à une lecture sous le soleil, tant les rares enjeux dramatiques sont amoindris, et le chapelet de séquences organisé de manière à saisir les activités quotidiennes, entre repas, cueillette de fruits, matchs de foot et promenades sur la plage.

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Par ce rythme, Notre Petite sœur imprime une curieuse appréhension du temps cinématographique. Les deux enterrements qui l'ouvrent et le clôturent ne sont au final que de maigres parenthèses, des artifices légers qui n'aident pas à conclure définitivement ces destins de femmes. Le film ne construit pas seulement l'illusion que les personnages vont exister au-delà du générique, mais aussi que leur existence demeurera éternellement heureuse. Car le film s'appuie sur la répétition d'un quotidien léger et débarrassé d'inquiétudes. En cela, le rapport au manga d'origine écrit par Akimi Yoshida se révèle très sensible. Par cet enchaînement de scènes, et la longueur du film, se dessine plus une incarnation du manga à « tranches de vie », où les nombreux chapitres sont plus des variations des existence des personnages plutôt que leurs évolutions. Les rares menaces, comme l'arrivée d'une nouvelle pensionnaire, la crainte de vendre la grande maison, les disputes avec la mère, s'estomperont dans les moments lyriques et bucoliques du lieu, ce Kamakura, avec sa plage balayée par un vent léger et ses fleurs de cerisiers abondantes.

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Les enjeux dramatiques sont rares, trop rares, peut-être. certains moments vibrent, comme celui où le visage de la jeune Suzu est inondé de bonheur autant que de soleil le temps d'une balade à bicyclette ; d'autres lassent, comme les sempiternels partages culinaires ou encore les feux d'artifice au Nouvel An, des scènes déjà vues dans les précédents films du cinéaste. Pour Notre Petite Sœur, la photographie solaire et épurée propre à Koreeda est totalement en phase avec les sentiments ; c'était déjà le cas dans I Wish, le pendant masculin de ce film. Les deux réalisations confirment son chemin vers l'optimisme, là où cette délicatesse du visuel agissait en contraste violent et cruel avec les destins brisés des enfants de Nobody Knows, de la poupée naïve d'Air Doll, ou des familles de Still Walking et Tel père, tel fils.

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Un personnage permet cependant au film de Koreeda de sortir timidement de son carcan : celui de la sœur aînée, incarnée par Ayase Haruka, déjà aperçue dans Real de Kiyoshi Kurosawa. La jeune femme est devenue la mère de cette fratrie, celle qui raisonne les autres, dirige le rythme de la pension et surtout soutient toutes les douleurs... jusqu'à ignorer les siennes. Le renoncement au départ en Amérique pour accompagner son amant demeure l'un des événements les plus poignants du film, mais aussi l'un des plus mystérieux, tant la tristesse est cachée, estompée par cette mer omniprésente... Le quotidien reprend vite ses marques et les soucis de ses trois jeunes sœurs rattrapent vite le chagrin du protagoniste qui prend cette bouleversante décision de tout leur cacher. C'est là un acte de bonté intense qui naît doucement à l'écran.

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