Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Japan Expo 2017
JAPAN EXPO 2017
Une fois n’est pas coutume, je me suis dit qu’il était temps de tenter l’expérience de la Japan Expo, incontournable - ou pas ? - pour tout rêveur du pays du soleil levant. Je dois avouer que ma curiosité était plus attisée par l’événement Anime 100 et la venue de prestigieux invités pour l’occasion, que par la convention elle-même. Petit article sur mes tribulations de blogueuse journaliste parmi les stands et les cosplayeurs.
Tout d’abord, je n’aurai pas vécu une première expérience aussi enrichissante sans la gentillesse et la sympathie de quelques passionnés croisés par hasard, souvent des chevronnés de la Japan et qui m’apportèrent de bons conseils pour se guider au sein de l'événement. Merci à eux !
Calme avant la tempête
Je débute mon expérience par un léger avantage, celui de l’accréditation presse. La veille de l’ouverture, je brave fièrement le RER B et ses multiples arrêts pour récupérer le précieux pass. Sans goodies, sac ou programme en complément, fort malheureusement. Mais j’en profite pour effectuer un repérage des lieux, comme toute bonne festivalière. Car il est parfois fort intéressant et judicieux de s’imprégner par avance de l'atmosphère, et de noter d’emblée les bons stands pour ne pas perdre de temps dans la foule au moment présent. Je comprends très vite que c’était le meilleur moment pour mitrailler les lieux et saisir les plus beaux stands.
Le badge retourné - afin qu’on ne m’interpelle pas pour me signifier de dégager des lieux réservés à l’installation - je tente de me fondre dans la foule des exposants japonais ou français et de ne pas éveiller les soupçons, en dépit de ma flashy robe bleue. J’échappe ainsi de peu aux regards curieux d'une bande de kimonos en pleine répétition de leur chorégraphie, et je pique discrétos les brochures et autres extraits de manga savamment disposés près des différents éditeurs. Je fonce prendre en photographie les icônes populaires qui allaient d’emblée être prises d’assaut - les croquis des Mémoires de Vanitas, la nouvelle oeuvre de Jun Mochizuki, invitée du festival, les stands Hello Kitty ou Pikachu.
Je tente aussi de flirter avec les membres du stand Kana pour obtenir, en vain, un entretien avec Jun Mochizuki. Il faut dire que cette année, obtenir des échanges avec les prestigieux invités se révélait mission impossible pour les petites web-revues ou blogs. A moins de ruser et de trouver les bons contacts...
Le Banc des recalés
Le vendredi, arrivée à 8h dans l’angoisse - donc lever à 6h pour être à l’heure, cela me rappela fort un certain prestigieux festival de cinéma sur la Croisette - je constate que les accrédités presse échappent à la longue file d’attente. Dès la sortie du RER, les heureux badgés sont séparés du public et dirigés vers la gauche du bâtiment. Très peu de monde à cette heure-ci, quelques prestataires et journalistes qui avancent tranquillement dans les couloirs déserts en direction de l’entrée presse et prestataires.
Mais le bonheur est de courte durée. Tentant fièrement mon accréditation et m’apprêtant à entendre le doux son mélodieux de la validation, je reçois en pleines oreilles le bip de la déception. Je comprends avec stupeur que la presse est refusée jusqu’à 10h, soit une heure après l’entrée des visiteurs lambda - précision spécifiée à l’arrière de mon badge, que je n’avais évidemment pas pensé à regarder. Absurdité - car une grande partie des premières conférences et des événements de la journée commencent dès 9h30 ou 10h, dès lors comment les couvrir ? Colère - quel intérêt y-a-t-il à donner des accréditations si c’est pour nous désavantager ? Assise sur le banc des recalés, je partageai ces sentiments avec plusieurs blogueurs et collaborateurs de webrevues et webTV dans le même cas. Devant nous défilent des prestataires ou des badgés avantagés qui peuvent entrer à n’importe quelle heure.
Japan Expo serait-il le festival de Cannes de la culture nipponne ? Ces journalistes recalés et ces différences d’horaires entre les badges renvoient à une similaire réalité de la Croisette, qui alimente chaque année la colère des journalistes des revues de cinéma.
Fort heureusement, la bonne humeur des autres privés d’entrée aide à chasser la colère et l’impatience. Il faut dire que la Japan Expo est portée par une moyenne d’âge assez jeune, et qu’il est très facile de communiquer, puisqu’il s’agit de sa propre génération. En outre, la plupart pratiquent un journalisme d’amateur passionné, sans rivalité ni froideur.
C’est donc sur ce “banc des recalés” que je rencontre mes deux jeunes “sauveurs” de la matinée. Sophie et Jonathan, deux petits passionnés travaillant bénévolement pour la webrevue Manganime, ne lâchèrent pas l’affaire pour exiger un passage à 9 h, en même temps que le public. Ces deux sympathiques jeunes me firent passer pour leur cadreuse pour assurer le passage tant souhaité !
Luffy Sophie, qui me sauva de cette dure matinée !
Des monstres et des otakus
Une fois entrée dans l’antre du cosplayeur et de l’otaku, je fonce sur le premier stand, celui de Kana, pour acquérir la nouvelle oeuvre de Jun Mochizuki. Il est clair que l’auteure de Pandora Hearts faisait l’événement côté manga cette année. Preuve en était, la longue file d’attente, déjà bien fournie à 9h30, pour des dédicaces. Je ne pus apercevoir l’artiste puisque, me confirma une employée de Kana, elle n’apprécie pas les apparitions en public. A défaut d’une dédicace, je récupère deux pins à l’effigie des jeunes héros de Mochizuki-san.
Ah, les goodies, presque la spécialité de la Japan. Entre les extraits de manga (fort pratiques pour sonder la qualité des traductions françaises), les marques-pages, les affiches, les sacs imprimés... Ils sont en outre dans la logique de la culture japonaise, où s’apprécie beaucoup les petits cadeaux gratuits en complément d’achats plus onéreux.
Belle patience pour les fans de Mochizuki-san, qui se pressent autour du carré où elle signera, à l'abri des regards
Quelques mots sur les Mémoires de Vanitas. Kana a proposé une édition fort satisfaisante du premier volume, dans la même logique de mise en page que Pandora Hearts. Au moins, ce premier volume est bien épais pour un prix honorable, et quelques pages en couleur sont insérées au début, qualité appréciable au vu de l’élégance graphique qu’apporte Mochizuki à ses planches. Dans ce nouveau récit, l’amour de l’artiste pour un Paris steampunk et resplendissant est évident. La déambulation des deux héros dans de somptueux décors urbains rappelle ce que Yana Toboso avait fait avec Londres dans Black Butler. Après l'univers de Lewis Carroll, l'auteure s'attaque maintenant au mythe du vampire. La réinvention est là et Mochizuki reste fidèle à ses thèmes et personnages de prédilection : héros entre malice et cruauté, souvenirs fragmentés d'une tragédie mystérieuse, univers aristocratique criblé de failles... Il faudra voir, par la suite, si la mangaka parvient à faire évoluer ce style et à ne pas faire des protagonistes de Vanitas des répliques de ceux de Pandora.
Plus loin, je croise un autre journaliste du banc des recalés. Autre intérêt de discuter avec les chevronnés de la Japan, celui de découvrir des stands surprenants. Le collègue en question travaille pour Otacrew et me montre l’un des coins les plus oubliés, à tort, de l’événement.
Le stand de Keizo Murase, pionnier dans la fabrication des maquettes kaijuu (de films de monstres japonais), parce que situé dans la partie cosplay, loin des foules et trop proche des scènes où se déchaînent les concours, est injustement déserté. Figure célèbre dans l’industrie du cinéma fantastique japonais, Keizo Murase a contribué à beaucoup de réalisations de la Toho dans les années 60. Avec son allure de star pépère sous son chapeau, Keizo Murase ne paraît pas le moins du monde dérangé par la négligence du salon à son égard.
Sur le stand, le travail de Murase est mis en valeur à travers de nombreuses (sublimes) photographies de plateau et quelques maquettes fort intéressantes de créatures. L’espace met aussi en avant le travail d’autres créateurs, comme de Tomohiro Matsumoto, avec qui nous discutons dans un mélange de japonais / anglais / français plus ou moins efficace. Le jeune créateur propose le premier teaser d’un film de kaijuu en animation stop-motion. Howl from beyond the Fog est la promesse fort intrigante d’un film de monstres intimiste.
La déambulation a son intérêt sur cet événement. Car les stands les plus intéressants se trouvent parfois cachés entre deux rassemblements de foule, ou dans un espace qui ne leur correspond pas. Pour certains qui me l'expliquent, le retard dans leur demande de stand est à l’origine de leur mauvais emplacement. Il n’empêche, placer un stand kaijuu dans la partie otaku, alors qu’elle devrait être plutôt du côté de l’animation voire même de la culture traditionnelle ; ou, pire encore, isoler le stand des exigeantes éditions Imho dans la partie dédiée aux jeux vidéos, tout cela crée des incohérences dans la mise en place de la Japan Expo. Sans parler de l’injustice à l’égard de ces compagnies, qui devraient normalement recevoir plus de visibilité grâce à cet événement.
La BnF, alors qu’elle était partenaire pour la première fois cette année, faisait également les frais de cette injustice. Il était difficile de dialoguer avec les responsables, vu que le stand était situé à côté du bruyant espace de Nintendo. Certes, la BnF présentait également quelques jeux vidéos, ce qui justifiait sa présence dans cette partie du lieu. Néanmoins, la placer à côté d’une structure qui, en toute logique, allait attirer énormément de joueurs et se définir par des divertissements plutôt que des rencontres... Beaucoup de petits lieux souffrent ainsi d’un placement problématique. On regrette qu’il n’y ait pas une structure plus isolée, un peu à la manière des lieux pour les conférences, afin de permettre le dialogue, voire envisager des espaces de projections et de présentations des archives liées à la culture japonaise dont dispose la BnF.
Conférences sous la chaleur
Passés les achats personnels et le selfie avec le papy Murase, et après avoir avalé mon petit déjeuner vegan entre des familles costumées, je décide de me rendre à la partie plus “théorique” de la Japan Expo. Beaucoup de conférences m’intéressaient mais, le temps, et la fatigue, pressants, je me limitai à trois d’entre elles. A l’instar des stands, les conférences les moins “prestigieuses” se révélèrent les plus intéressantes. Je pus apercevoir apercevoir quatre grands noms au cours d’une heure centrée sur l’animation japonaise des années 80, et qui attira une foule nombreuse, mais la satisfaction fut surtout là pour des démonstrations plus personnelles.
La chaleur monte. Je songe à ces courageux porteurs des mascottes, qui doivent dégouliner sous leurs lourds costumes destinés à amuser le public. Assise dans la grande salle isolée par des rideaux, je grignote un morceau de Kasutela / Castella, cet excellent gâteau léger. En réalité, beaucoup de spectateurs sont plus là pour se reposer plutôt qu’écouter véritablement les invités.
Un gamin heureux auprès de la populaire mascotte Pikachu
Ma première conférence, organisée par l’AEUG - l’Association pour l’essor de l’univers Gundam - concerne les enjeux de la traduction d’animes. J’arrive malheureusement en plein milieu. Le jeune homme, traducteur, est dynamique, sincère et lucide sur son travail. Il évoque les difficultés dans les différences culturelles - par exemple l’usage de suffixes traduisant le degré de familiarité et les liens entre les personnes, -kun, -san, -chan - et l’intérêt de trouver des équivalents - le passage du vouvoiement au tutoiement en français. Il parle aussi de l’intérêt d’un sous-titrage qui suit le nombre de syllabes prononcées à l’écran. Challenge difficile, qui a néanmoins été relevé sur certaines incantations d’attaques, ou sur la traduction des chansons de génériques - le jeune traducteur nous montre en ce sens l’exemple de celle de Yamato. En outre, détail appréciable, l’intervenant évoque avec franchise les difficultés du marché pour les traducteurs d’animes.
De gauche à droite : Marc Aguesse (debout), Masao Maruyama, Takuo Noda, Takuya Wada, et, caché par le traducteur, Kazuhide Tomonaga
Tandis que je bataille avec l’ouverture de mon ramune - ces limonades japonaises qui se vendent comme des petits pains - quatre grands invités prennent place sous le regard attentif de Marc Aguesse. Masao Maruyama, Takuo Noda, Takada Wada et Kazuhide Tomonaga sont là pour évoquer l’âge d’or des années 1980, qui voient fleurir une abondance de créations, l’émergence de grands talents, et en outre une ouverture à l’international. Masao Maruyama date clairement cet âge d’or avec la création de Genma Taisen, en 1983, qui a tranché avec une production d’abord destinée aux enfants. En outre, de nombreux jeunes animateurs se sont exercés sur cette série. Personnellement, j’ai tendance à considérer que cet âge d’or commence un petit peu avant la date indiquée par Masao Maruyama, plutôt durant la fin des années 1970 où apparaissent quelques précurseurs, notamment dans le genre de la science-fiction. Les adaptations des mangas de Leiji Matsumoto, notamment, me paraissent déjà dessiner des thématiques adultes.
Genma Taisen
Les quatre vieux hommes, d’une éclatante jeunesse, parlent en outre de Hayao Miyazaki et Isao Takahata, de Rintaro, et surtout de l’animateur Yoshinori Kanada, disparu en 2009. Une occasion de rendre hommage à cet animateur qui a son importance dans cet âge d’or, par son travail sur les perspectives, l’animation de fumées, lasers ou explosions très graphiques et densément en mouvement.
Néanmoins, n’accorder qu’une heure à quatre invités aussi importants, et différents, et à une période aussi vaste, créa une certaine frustration. Certains point, juste évoqués, méritaient plus d’attention, comme lorsque Tomonaga évoqua les différences entre l’animation japonaise et américaine. Le traducteur présent était néanmoins d’une efficacité impressionnante dans la gestion d’un temps de parole aussi court.
Malgré la chaleur des projecteurs, je respire à présent un peu. Car la salle s’est presque entièrement vidée après la sortie du quatuor. Je reste car j’attends la conférence de Nobuyoshi Habara, qui a cofondé le studio Xebec à l’origine d’un de mes animes fétiches, Soukyou no Fafner. Depuis longtemps, cette série de mecha n’a de cesse de me fasciner par ses enjeux géopolitiques comme par l’étrangeté de son univers. Je suis cette conférences aux côtés de deux sympathiques passionnées, qui connaissent bien mieux que moi la Japan Expo. En outre, les deux jeunes filles ont réussi, quelques heures plus tôt, à obtenir une dédicace du créateur. Car oui, obtenir une dédicace n’est pas mince affaire à l’événement… L’une de mes voisines de salle est, comme moi, une passionnée de Fafner. On s’étonne d’ailleurs du peu de sa reconnaissance en France, alors que l’oeuvre est l’une des plus importantes de cette décennie pour le genre mecha.
Très généreux, et visiblement d’être heureux d’être là, Nobuyoshi Habara dresse un portrait rapide du travail d’animateur et des différentes étapes de la création de séries. Mais surtout il montre ses premières oeuvres ! Très vite passionné par l’admiration, Habara avoue être un mauvais élève à l’école, puisqu’il utilisait ses livres pour faire ses propres flipbooks en cours. Le créateur nous partage les premiers extraits animés qu’il fabriquait avec ses amis de lycée, sous le nom de “studio Maple”, et qui s’inspiraient des mangas de l’époque. Force est de constater que ces premiers essais sont déjà fort réussis, quasiment professionnels pour l’époque. Un des exemples est même précurseur puisqu’il anime, quelques années avant la série officielle, le héros Cobra.
Habara propose ensuite plusieurs versions du générique de Busou Renkin, une série justement produite par Xebec. Utiliser le générique est pour l’intervenant le moyen le plus efficace d’expliciter des choix d’animation et de progression dans les différentes étapes sans avoir besoin d’en passer par la présentation des enjeux narratifs ou esthétiques de la série. La succession des versions est un bon moyen d’évaluer tout de suite les mouvements les plus travaillés du générique, et les éléments sur lesquels l’équipe souhaite mettre l’accent. D’autres morceaux du générique, en revanche, restent longtemps à l’état d’esquisse avant de trouver leur véritable forme à l’image.
Enfin, la tribune pour des questions du public est largement ouverte et il est facile de dialoguer avec le réalisateur. Cette rencontre appréciable clôtura la fin de ma tribulation à la Japan Expo.
Anime 100... surprise ?
Pour conclure, il nous faut revenir à ce qui anime (!) l’esprit de la blogueuse baroudeuse que vous lisez. L’événement que j’attendais le plus à la Japan Expo était la commémoration des 100 ans de l’animation japonaise. La date se base sur l’existence du premier film d’animation retrouvé à ce jour, Namakura Ganata (Jun’ichi Kouchi) qui suit les tribulations comiques d’un samouraï. Le film a été restauré par le Centre du cinéma au Musée National des Arts Modernes de Tokyo, qui propose en outre sur son site de nombreux autres films d’animation en accès libre.
Pour revenir à la Japan Expo, la commémoration s’articulait cette année en trois temps, sous le titre d’ “Anime 100”. Premièrement, la venue d’invités prestigieux disponibles pour évoquer leur travail au cours de nombreuses conférences ou masters classes (celles-ci malheureusement réservées pour certains billets privilégiés). Là, il faut saluer le choix judicieux de plusieurs figures emblématiques, notamment Masao Maruyama, parrain du festival, fondateur du grand studio Madhouse, mais aussi de Mappa, qui offre d’intéressantes séries en ce moment. Bel emblème qui permet de jeter un oeil sur la création d’avant et d’aujourd’hui. D’autres invités prestigieux et à la place mémorable dans l’animation japonaise se constituèrent en les personnes de Shichiro Kobayashi, créateur incontournable de nombreux décors ; Kazuhide Tomonaga, figure phare dans la réalisation des adaptations de Lupin III ; Koji Takeuchi, qui a également oeuvré sur des séries américaines. D’autres invités plus contemporains de l’actualité, comme Sayo Yamamoto, la réalisatrice de Yuri On Ice ! , le succès 2016 au Japon.
Il faut souligner l’abondance d’invités liés au genre de la science-fiction : Masami Suda, Masahiko Okura, Takuo Noda, Takuya Wada, Nobuyoshi Habara… Abondance liée à deux raisons. La première c‘est que l’âge d’or de l’animation japonaise, de la fin des années 1970 au début des années 1980, est étroitement liée à la production intense d’animes de science-fiction. La seconde c’est que le choix de ces invités traduit les goûts de la génération à l’origine de la Japan Expo : des spectateurs devenus organisateurs qui ont d’abord connu des oeuvres de mecha ou de space opera.
L’événement Anime 100 présenta quelques points décevants en dépit de ce beau programme. En premier lieu, cette place de choix accordée à la science-fiction écarte certains autres créateurs et ignore un pan de la production. Par exemple, aucun invité relatif au genre du shojo n’était présent. En outre, les nombreuses conférences “subissaient“ l'atmosphère bruyante de la Japan Expo, puisqu’elles avaient lieu dans un carré uniquement isolé par de grands rideaux noirs. Il était difficile de suivre les échanges et ces conférences devraient avoir lieu dans des espaces plus isolés, afin de mieux valoriser leurs contenus.
La projection de films et épisodes restaurés (sur lesquels je reviendrai dans un prochain article) était, de même, relativement peu mise en avant. Pourtant, la belle qualité des restaurations et l’intérêt de certains films - comme l’important Momotaro, le divin soldat de la mer ou l’hallucinant Chibineko Tom no Daibouken, deux films sur lesquels je reviendrai - méritaient plus que des projections dans un petit espace de l’exposition ; ou à des moments hasardeux. Car il n’y avait pas de travail de présentation ou d’explication autour de ces films.
Chibineko Tom no Daibouken (Ryûtarô Nakamura, 1992)
Ces reproches concernent néanmoins des points de détail et d’organisation. La plus grande déception d’Anime 100 résidait surtout dans l’exposition mise en place pour honorer les 100 ans de l’animation. Véritable gag, cette “exposition” sans recherche ni intérêt se contentait de présenter, sur une série d’espaces, quelques titres phares dans l’animation. Présentation paresseuse des oeuvres qui se succèdent selon une logique peu compréhensible, accompagnée de documents plus là pour remplir l’espace et jouer sur des gestes marketing que pour approfondir le sujet. Est-ce que les organisateurs de la Japan Expo n’ont pas eu accès à des archives plus importantes, comme des croquis préparatoires, des layouts, des celluloïds ou des extraits d’époque ? C’est la question que l’on se pose en traversant ces espaces quasi-vides, véritable gâchis quant aux potentialités qu’aurait pu avoir une exposition sur les 100 ans de l’animation japonaise.