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Dark Water

L'enfant oublié à l'école

 

DARK WATER (HONOGURAI MIZU NO SOKO KARA, 2002) – Hideo Nakata

Après The Ring, Hideo Nakata impose un autre film d'horreur devenu désormais culte. Cependant, Dark Water, au-delà de son subtil sens de la mise en scène, s'impose comme une œuvre d'une poignante résolution. Le film n'est pas seulement le représentant d'un style d'horreur aux antipodes du modèle américain, mais aussi un bouleversant récit sur la relation parent-enfant.

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Le film déroute le genre parce qu'il propose une horreur ancrée dans la quotidienneté, voire la normalité. Le surnaturel, lorsqu'il est présent, ne surgit que dans la discrétion, mais aussi dans le naturel du plan qui l'accueille avec bienvenue. Les surgissements des fantômes ou de ses signes ne sont pas des ruptures avec le reste de la réalisation, mais sont présents d'emblée dans la tension des cadres. Dans les premiers plans, une mystérieuse petite fille regarde, derrière une vitre pluvieuse et sur le sol coloré d'une salle de classe maternelle, les autres enfants retrouver leurs parents. Le cadrage, au niveau du dos de l'enfant assise immobile, éclate de cette complexe sensation d'abandon. Avec ce premier plan, l'argument est poignant : Dark Water prend dès le départ – ce qui était moins le cas avec The Ring – le parti pris du fantôme qui va terrifier la mère et son enfant. Il partage le traumatisme traversé et décrit l'origine de l'acte de hanter.

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Néanmoins cette proximité avec le fantôme n'est pas très claire au début : le plan d'ouverture met du côté de l'isolée, de l'enfant oublié à l'école, se sentant exclu à tous les niveaux ; mais n'explicite cette détresse. La hantise qui va suivre livrera, tel un jeu de pistes, des morceaux de cette solitude écrasante. Habilement, l'exclusion du fantôme se répercutera dans celle de la fillette « choisie » pour subir sa hantise. Une célèbre scène le prouve : la petite Ikuko, au cours d'une partie de cache-cache à l'école, s'isole dans un recoin de couloir. Entendant venir l'obscure silhouette, elle aperçoit ses pieds débordants d'eau sur le sol plastifié. Le point de vue partagé d'Ikuko dresse le moment de peur le plus édifiant du film, car au plus près de la fillette démunie, loin de la protection des adultes et seule avec son grand cauchemar. Le film s'attachant surtout au personnage de la mère, le partage du ressenti de l'enfant sur cette unique séquence n'en est que plus émouvant. En outre, le refus de se plier au fantôme japonais traditionnel, dont les jambes sont généralement gommées, pour donner à voir de très concrètes chaussures saignantes d'eau, fait de ce phénomène inquiet un être bien concret et pétrifiant. Néanmoins, cette réalité soudaine de l'horreur agit comme une reconnaissance, voire une acceptation du surnaturel.

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L'angoisse des personnages prend lieu d'abord avec le souci de protection, notamment la protection maternelle. Yoshimi (Hitomi Kuroki) cherche d'abord à créer le réconfort atour de sa petite fille, et à lui offrir des conditions de vue saines. Toutes les traces d'agression probables, dont la première sera cette flaque noire apparaissant au plafond. Pour autant, le portrait de mère de Yoshimi s'incarne peu à peu dans une tentative de clarification, plus que d'élimination, des phénomènes surnaturels. Pour assurer l'entourage de sa sœur, elle désire d'abord le définir. Plutôt que de combattre le fantôme, ses actions seront celles de l'empathie, de la reconnaissance de son existence. De manière surprenante, Dark Water laisse ce sentiment positif l'emporter sur la peur : la lente montée vers le réservoir d'eau, ou la percée des couloirs sombres inhabités, ne mènent pas vers une hystérie de l'épouvante mais bel et bien vers un apaisement. La compréhension progressive de l'histoire du fantôme donne aux plans une sobriété plus contemplative, et au montage, un autre rythme, plus elliptique et ténu.

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En cela, la précipitation brève sur l'un des derniers tiers ne répond pas à l'usuelle catharsis de la peur, comme celle du massacre de la créature terrifiant les protagonistes, observée dans le genre d'horreur. Au contraire, la rencontre avec le fantôme aquatique devient un bouleversant, et inattendu, sacrifice maternel achevant la réconciliation entre l'humain et le spectral.

 

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