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The Satellite Girl and Milk Cow

Séoul, ville des satellites et des vaches à lait

 

THE SATELLITE GIRL AND MILK COW (WOORIBYEOL ILHOWA EOLRUKSO, 2014) – Hyung-yun Chang

 

Film découvert au Cycle Séoul Hypnotique au Forum des Images et dans le cadre de la 14ème Fête du Cinéma d'animation

 

Il y a toujours un plaisir à se rendre au Forum des Images, y compris pour y découvrir des films qui ne nous plaisent pas. L'audace des programmations du Forum est de miser sur la diversité, non seulement des publics et des genres, mais aussi des tons, loin de l'élitisme et plus proche du populaire. Je n'ai ainsi pas apprécié The Satellite Girl and The Milk Cow, choisi pour la première partie de soirée consacrée à l'animation sud-coréenne, mais j'en ai apprécié la découverte. Malgré sa fantaisie délurée et un scénario misant sur un absurde réjouissant de prime abord, le film demeure très vite lié par son animation – qui pour le coup ne lui permet pas de franchir les limites.

L'animation sud-coréenne demeure très peu exportée en France. Alexis Hunot, journaliste, a ainsi dressé un rapide mais complet portrait de sa jeunesse encore prégnante, puisque les long-métrages tardent à se créer. Par ailleurs, le premier film supposé d'animation reste encore inconnu à ce jour, juste évoqué à travers des coupures de journaux d'époque. Des quelques long-métrages ayant filtré dans la distribution française sont à noter Oseam (Sung Baek-yeop), parcours initiatique religieux, King of Pigs et The Fake (Sang-ho Yeon) dans l'animation pour adultes et surtout les deux films étonnants de Lee Sung-Gang, Mari Iyagi et Yobi, le renard à sept queues.

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The Satellite Girl and The Milky Cow, premier long-métrage de Hyung-yun Chang, a connu un très gros succès en Corée du Sud. Le film tient en effet ses promesses de divertissement populaire, propulsant d'emblée dans une histoire cocasse, où un satellite en déroute autour de la Terre, se transforme en jeune fille pour atterrir sur un Séoul sont les jeunes habitants – et exclusivement ceux atteints par un chagrin d'amour – sont transformés en animaux et poursuivis la nuit par un incinérateur monstrueux... La précipitation des éléments et l'imbrication curieuse de motifs très différents, qui font côtoyer la K-Pop au fantastique, la comédie romantique à l'action, ou des vaches à lait aux papiers toilettes parlants, amuse au début, notamment par la surprise créée. Le scénario contient un peu de cette folie aussi présente dans un film comme Yobi, le renard à sept queues, où une étrange jeune renarde était élevée par des extraterrestres. Cependant, le film de Hyung-yun Chang ne contient guère la poésie ni la subtilité de Yobi, tournant vite à creux dans sa démonstration cocasse, voire vulgaire.

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Ce qui déçoit le plus dans ce long-métrage n'est au final pas tant la tournure du scénario que la pauvreté de son animation. S'est vue naître, dans des conditions plus extrêmes, un travail de mouvement de l'image totalement personnel et largement original. Ici, l'animation demeure extrêmement limitée, au sens de figée, ne serait-ce qu'au niveau du cadrage. Les échelles de plans naviguent entre plans d'ensemble et plans moyens centrant des protagonistes, sans réel travail de point de vue, de composition ou de perspective. Dans cette pauvreté se repèrent quelques petits gags, devenant plus des bouées de sauvetage qui auraient pu prêter à une imagination plus virtuose, ou une utilisation plus poussée des caractéristiques des personnages comme vecteurs du dynamisme animé. Ainsi, la qualité « satellite » de KIT-1 surgit dans les envolées brusques de la jeune fille, sa solidité contrastant avec son physique frêle, ou encore son bras propulseur. Mais ces éléments demeurent des gags visuels qui s'agitent dans une composition très rigide, bien trop sage par rapport à la folie du récit.

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Les dérives de l'animation, extrêmement limitées dans ce cadre, sont probablement liées à la jeunesse de l'animation coréenne et à son influence japonaise. Comme l'a précisé Alexis Hunot lors de la présentation du film, l'animation coréenne demeure très jeune et connaît très peu d'histoire du fait de la sous-traitance pour les studios japonais. Il suffit par ailleurs de s'attacher au générique de n'importe quelle série japonaise actuelle pour voir apparaître des noms coréens dans les finitions des compositions. Par ailleurs, l'animation limitée coréenne de ce film reprend beaucoup de caractéristiques propres à celui japonais, tel son mimétisme des scènes quotidiennes, sa schématisation des visages, ou sa recherche d'économie sur les scènes d'action. Plus précisément, se manifestait l'influence assez surprenante de Hayao Miyazaki à travers des reprises extrêmement voyantes, notamment au niveau des costumes. Outre un robot incinérateur qui se rallie à ces étranges figures de machines incontrôlées (Le Château dans le Ciel), l'un antagonistes du récit est revêtu de l'exact même costume que le voleur Lupin (Le Château de Cagliostro, le premier long-métrage de Miyazaki), tandis qu'une sorcière transformée en sanglier est d'un caractère similaire à celui de l'ensorceleuse des Landes (Le Château ambulant). Mais, de même que pour les caractéristiques amusantes des personnages, ces détails restent du simple emprunt et ne participent à relever le niveau du film. Ils paraissent par ailleurs bien inadéquats, tant la vulgarité du film s'écarte de tout lien avec le cinéma de Miyazaki.

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Là où la programmation de The Satellite Girl and The Milky Cow prenait sens, cependant, c'était dans son rapport à Séoul. Certes peu participatifs à une véritable originalité du film, les décors gardent une précision quasi documentaire, usant de certains lieux typiques de la ville actuelle (le fleuve Han comme lieu de rendez-vous, la présence de clubs où les jeunes viennent prouver leurs talents musicaux), ou montrant des comportements typiques de l'individualité urbaine régnant dans toute grande capitale aujourd'hui. Ce film fut ainsi l'occasion de voir un fugitif portrait du Séoul contemporain, en arrière-plan d'un récit animé peu convaincant.

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