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  • Si tu tends l'oreille...

    MIMI WO SUMASEBA –

    WHISPER OF THE HEART – SI TU TENDS L'OREILLE (1997)

    Un film de Yoshifumi Kondo

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    Il était temps de découvrir Mimi wo Sumaseba, film du studio Ghibli, réalisé par un assistant de Hayao Miyazaki, et scénarisé par ce dernier. Le film est malheureusement quasi introuvable en DVD et c'est en ligne que je pus le découvrir, en version originale. Le postulat de Mimi wo Sumaseba donnera lieu, en 2002, à la sortie du Royaume des Chats (Hiroyuki Morita), sorte de mise en abîme, puisqu'il s'agit de l'adaptation libre du roman fictif écrit par la jeune héroïne de Mimi wo Sumaseba. 

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    Le film est réalisé par Yoshifumi Kondo, un des membres actifs du studio Ghibli dans les années 1980-90, longtemps perçu comme le successeur de Hayao Miyazaki, et malheureusement brusquement décédé en 1998, peu de temps après la sortie de Princesse Mononoke.

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    Le film suit le quotidien d'une jeune collégienne, Shizuku, plus passionnée par la lecture de contes de fées et de récits de légende plutôt que par ses études, vivant dans une famille modeste louant un appartement dans un grand immeuble. C’est peut-être l'un des points qui distingue Mimi wo Sumaseba des autres films de Miyazaki, et qui donne son charme au film. Nous ne sommes plus dans un univers fantastique et enchanteur, mais dans un quotidien familier, modeste, et typique d'une jeune collégienne, rappelant la paisibilité du rythme de Omoide Poroporo (Isao Takahata). C'est en outre un des rares films Ghibli à avoir un ancrage dans le monde de l'école. Entre les après-midis à la bibliothèque et les examens de fin d'année, Shizuku croise sa mère qui a repris des études et raconte ses aventures dans la faculté, son père d'une paisible fatigue après son travail, sa sœur de retour pour prendre momentanément le rôle de « mère de famille », faisant le ménage, les repas, et les courses dans le petit appartement. Les décors fourmillent de détails quotidiens qui ramènent à notre propre intimité familiale : livres qui traînent sur le bureau de Shizuku, repas partagés parmi les bavardages et les plats entrechoqués sur la petite table, tancarvilles pleins de draps propres qui envahissent le balcon et le salon. Curieusement, alors qu'il fait parti des introuvables Ghibli en France, Mimi wo Sumaseba s'avère très réaliste et facilement accessible pour un spectateur occidental.

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    Dans cet univers réaliste va s'insérer de jolies touches féeriques, à travers un chemin d'indices de plus en poétiques. Tels les personnages de contes ou de récits (on songe au Petit Poucet, à Hansel et Gretel, Casse-noisette, ou Alice au pays des merveilles), Shizuku se perd dans la ville en voulant suivre un chat étrangement expressif, et atterrit dans un quartier isolé. L'atmosphère a toujours été un point fort chez Ghibli et Mimi wo Sumaseba n'échappe pas à la règle : le magasin du grand-père se révèle une merveilles d'objets trouvés et de surprises, brassant légendes romantiques et leçons philosophiques, et c'est précisément dans ce cadre détaché du quotidien très classique de Shizuku que vont se dérouler les plus belles séquences du film, telle celle du morceau de musique improvisé « en live » un soir d'été.

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    Enfin, Mimi wo Sumaseba suit et esquisse les premiers pas de l'adolescence vers laquelle affleure son héroïne. Il est certes question de premiers émois amoureux, et de désir, mais également de rapport au monde adulte et à la société. A travers le monde scolaire, on retrouve les premiers questionnements adolescents : balbutiements amoureux de la meilleure amie de Shizuku, poids des examens (sans cesse rappelés dans les dialogues) en toile de fond, préadolescence, désir de trouver au plus vite un métier et de gagner son autonomie. En cela, le film rappelle beaucoup La Colline aux coquelicots (Goro Miyazaki) où la fantaisie est certes moins présente, mais la texture psychologique et narrative très similaire au film de Kondo. Car, au final, Mimi wo Sumaseba transcrit à travers l'imaginaire et l'histoire d'amour de Shizuku l'arrivée de sa volonté d'indépendance et de liberté. 

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  • Kaikisen

    KAIKISEN – Retour vers la Mer

    Satoshi Kon

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    Avant de travailler dans le domaine de l’animation, puis de devenir le réalisateur célèbre qu'il est aujourd'hui, Satoshi Kon a débuté, comme beaucoup de ses confrères, dans le manga. Publié en 1990, Kaikisen est un des premiers mangas de Satoshi Kon, écrit peu de temps après la réalisation d'Akira (Katsuhiro Otomo). Le manga raconte, sur une bonne centaine de pages, l'histoire de Yosuke, le fils du prêtre du port d'Amidé, dont la famille a la charge de garder l' « œuf de l'Ondine », suite à un pacte légendaire. L'arrivée de promoteurs ayant le projet de transformer Amidé en station balnéaire va bouleverser son quotidien, et provoquer d'étranges phénomènes autour de cet œuf conservé et de la mer.

    Kaikisen – retour vers la mer, est le seul manga de Satoshi Kon publié à ce jour en France. L'édition française est de fort belle qualité, avec une biographie plutôt complète à la fin du récit. Outre Kaikisen, il y a une nouvelle additionnelle sur le registre du comique à la fin du manga, mais elle se révèle plutôt sans intérêt. Autrement, la qualité d'imprimerie est très bonne, ce qui est toujours appréciable pour la lecture (trop de mangas, même écrits par de grands auteurs, sont publiés dans une qualité déplorable, où certaines pages sont parfois entièrement floues et les dialogues illisibles).

    Ce qui frappe à premier vue, c'est l'extraordinaire qualité du trait de Satoshi Kon et son sens du découpage. Le dessin est clair, propre, très réaliste dans les décors, et l'influence du cinéma se fait déjà ressentir dans les choix. C’est sur ce point que l'on peut le plus déceler la marque du futur cinéaste : le découpage et l'évolution du récit partagent des codes hollywoodiens, intercalant les cases de différentes actions comme dans un montage alterné, jouant admirablement sur les différences d'échelle en fonction de l’intensité dramatique. En outre, les séquences fantastiques sont d'une réelle beauté dans le graphisme, avec un impressionnant souci du détail entièrement assumé. Certes, on ressent l'influence de Otomo dans l'esthétique des personnages, mais le travail sur l'environnement naturel et le fantastique rappellent plus le final de Roujin Z (sur lequel Kon a été Art Designer) et les mondes imaginaires de Paprika.

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    Cela dit, au-delà de l'aspect graphique, le scénario est loin d'atteindre la subtilité des récits des longs-métrages du cinéaste. Bien au contraire, on retrouve des thèmes très éloignés de ceux qui jalonnent Perfect Blue, Millenium Actress ou Tokyo Godfathers. La présence de l'Ondine et le rapport à la légende peut à la limite se retrouver dans une des nombreuses incarnations de Paprika (elle se transforme en sirène dans l'une des séquences du film). Autrement, le postulat écologique et l'affrontement entre le village et les industriels s'avèrent sans grande originalité et étonnent plutôt vis-à-vis du travail de Kon. Le récit est des plus classiques, inspiré par une légende traditionnelle et portée par un sens de l'action plutôt bien mené. Mais les personnages restent assez plats et sans réelle présence. On reconnaît par ailleurs plus le style d'Otomo avant tout, style qui a probablement inspiré le jeune Satoshi Kon dans sa jeunesse avant qu'il ne trouve ses marques. Bref, bien une œuvre de jeunesse qui confirme un travail de dessinateur et de graphiste, mais pas encore de réel créateur.

  • Antarctic Journal

    NAMGEUK-ILGI / ANTARTIC JOURNAL (2005)– Yim Phil-Sung

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    Pour son dernier film (réalisé après l'inégal mais non moins intriguant Hansel et Gretel), Yim Phil-sung a su réunir un casting de rêve, confrontant d'excellents acteurs sud-coréens à une épreuve antarctique, mais emprunte très maladroitement les chemins de The Thing et du film d'épouvante. Ne le cachons pas, Antartic Journal, malgré tous les efforts de ses acteurs et le soin accordé à une réalisation plus qu'impressionnante par son ampleur, est loin d'être une réussite. La faiblesse du scénario, qui s'appuie sur un long cheminement de signes maléfiques un peu ridicules aboutissant à une explication psychologique sans finesse ne fait qu'alourdir des choix de direction et de mise en scène peu originaux. Le film donne ainsi la sensation d'assister à un immense gâchis, où toute la beauté de la réalisation et le rendu du long périple dans la neige et le froid se dégonflent progressivement pour laisser apparaître la vacuité de ce film. Le récit n'a absolument rien à dire, et les efforts de jeu et de roulades dans la neige de Song Kang-ho, Park Hee-Soon, ou Yoo Ji-tae ne suffisent pas à colmater cette absence de propos.

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  • Ame et Yuki les enfants loups

    AME ET YUKI, LES ENFANTS LOUPS (ÔKAMI KODOMO NO AME TO YUKI) – Mamoru Hosoda

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    Après La Traversée du temps, et Summer Wars, Mamoru Hosoda présente, toujours sous l'égide du studio Madhouse, son nouveau film Ame et Yuki, les Enfants-Loups. Le film s'inspire d'une légende imprégnant la région natale du réalisateur et se distingue de ses précédents films, d'une part par le virage vers un fantastique bien plus affirmé, même de merveilleux (l'élément surnaturel est en effet inhérent dès le début du film, il n'y a pas de surgissement comme dans La Traversée du temps), d'autre part par la plus grande maturité et complexité des thèmes abordés.

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    Le pari d'Ame et Yuki est de faire saisir des notions d'acceptation de la différence en plaçant directement le récit du côté de ceux qui ne sont pas humains, ou le sont à moitié. Pas de stigmatisation chez Mamoru Hosoda, qui accepte le sujet et l'étrangeté de la métamorphose aussi simplement que Hana accepte le corps hybride de celui qu'elle aime. Le première partie du film est bouleversante de pudeur et de justesse, rappelant les tableaux d'instants de vie du couple de Up !de Pixar. Avec douceur, Hosoda esquisse en courts tableaux d'une animation fragile les premiers instants de la vie de couple, la timidité, l'attente, l'émerveillement, la mort et la solitude se précipitant.

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    Disons le bien, le film d'Hosoda est tout d'abord un vibrant portrait de femme, ou en particulier de jeune mère, une étudiante très brutalement confrontée à la responsabilité adulte. Les corps des enfants-loups ne sont ainsi pas les seuls à évoluer, car c'est également celui de Hana, la mère, qui subit des évolutions, certes plus subtiles, mais néanmoins essentielles à sa personnalité. Le corps de la jeune étudiante introvertie du début du film gagne peu à peu en maturité et assurance sans pour autant perdre totalement de sa fragilité de base, ce que la séquence finale dans la forêt prouve bien. Face à l'agitation de ses enfants, Hana se prend coups et blessures de manière presque burlesque par moments et ne cesse de se remettre de ces péripéties. C'est le symbole du courage pour Hosoda, image de mère totalement nouvelle et très bénéfique à son cinéma, où La Traversée du Temps et Summer wars pêchaient par l'absence d'évolution psychologique ou leur grande naïveté. Ici, avec Ame et Yuki, le scénario confère une vraie épaisseur à ses personnages, notamment parce qu'il suit une ambitieuse évolution sur plusieurs années.

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    Après le personnage de la mère, revenons aux deux enfants en pleine croissance. Le film use habilement du postulat fantastique pour incarner la métaphore de l'enfance et de l'adolescence et de ses multiples complications. Tout comme chez Miyazaki (chez qui la mère a aussi une importance prépondérante), l’animation d'Ame et Yuki est le médiateur vers toutes les possibilités corporelles, en particulier de transformation, ce qui donne lieu à de nombreuses scènes burlesques où la petite fille Ame se transforme en loup à la moindre crise de colère. Maîtriser sa transformation revient peu à peu à quitter la spontanéité de l'enfance pour Ame et Yuki. Chacun va y répondre de manière différente, se répondant en miroir : la débordante de vie et de curiosité Yuki va devenir une fille très sage, prête à tout pour ressembler à un véritable humain ; tandis que le peureux Ame finit par développer une farouche indépendance, se tournant vers l’existence animale. Le film tisse habilement ce jeu permanent de miroir au fil des saisons, alternant séquences comiques et mélancoliques, monde des humains et monde naturel. Cependant, que ce soit dans la sphère humaine ou dans la sphère naturel, le scénario pointe à chaque fois le revers de l'un ou de l'autre, et la propension de chaque sphère à pouvoir exclure les enfants, qui se trouvent sans cesse ballotés entre les deux. La dualité joue habilement sur tous les plans, et sur les niveaux, et permet d'amener beaucoup d'émotions au cours du film.

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    Le trait et l’animation d'Ame et Yuki s'avèrent plus légers que pour La Traversée du temps ou Summer Wars. Ce dernier présentait par exemple une stylisation hautement impressionnante et riche du monde du jeu video et de la virtualité, très précise et multiple. Là, Ame et Yuki base sa complexité dans les décors et l’animation de la nature, et se permet plus de souplesse dans les traits des personnages. Ceux-ci, par leur étonnante facilité d'identification, se fondent ainsi dans le paysage, s'y mélangent presque, dans de jouissives échappées naturelles et merveilleuses (la séquence des premières neiges...). Ce n'est pas par hasard si les noms se réfèrent à des éléments naturels, Ame, la pluie, Yuki, la neige, Hana, la fleur, car les personnages se retrouvent imprégnés de manière très belle dans le paysage ou le cadre naturel.

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    Mais attention, n'allons pas chercher chez Hosoda un successeur de Miyazaki, ou quoi que ce soit dans l'idée du prolongement ou de la relève. Tout d'abord parce qu'Hosoda est issu du studio MadHouse (qui coproduit le film avec le récent studio Chizu), très différent de celui de Ghibli dans sa production et dans sa manière d'aborder l’animation. Chercher l'idée de la succession de Miyazaki n'a pas de fondement. On peut y reconnaître l'influence des thèmes du grand cinéaste, en particulier le rapport à la maternité – et non pas le rapport à l'écologie qui est ancré depuis bien plus longtemps dans l'esprit japonais, et qui s'est illustré dans bien d'autres oeuvres que celles de Miyazaki – mais il ne faut pas y chercher une réincarnation de son cinéma. Car Mamoru Hosoda a bien sa patte personnelle, présente dès la Traversée du temps, à savoir un traitement plus naïf qu'épique des événements, le frottement entre l'ordinaire et l'extraordinaire, et le choix d'une plus forte expressivité dans les silhouettes par la souplesse et l'efficacité du trait. Ame et Yuki permet au cinéaste de perfectionner ces caractéristiques tout en y apportant une touche plus émouvante, se rapportant plus fortement au rapport à la famille ou au relationnel.