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Les Sept Roses de Tokyo

LES 7 ROSES DE TOKYO – Hisashi Inoue

 

traduit du japonais par Jacques Lalloz

éditions Philippe Picquier, 2011

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Hisashi Inoue est un grand romancier japonais, à ne pas confondre avec son homonyme Yasushi Inoue. Les 7 sept Roses de Tokyo est sa première traduction en France. Bien qu'édité en 2011 par les éditions Picquier, le texte d'origine a été achevé en 1999, après 17 années d'écriture ! La forme du journal intime explique en partie cette durée, puisque le narrateur principal consigne scrupuleusement son quotidien sous la guerre de 39.

 

Les 7 Roses de Tokyo est en cela un roman-fleuve, émaillé de longs descriptifs, de beaucoup de circonvolutions et réflexions de son narrateur. L'attention met du temps à se maintenir, car mise face à face avec le plus banal du quotidien. Son personnage principal, un Japonais d'une quarantaine d'années, marié et père de famille, fabricant d'éventails qui tient non seulement la description scrupuleuse de ses activités sous la guerre, mais aussi ses comptes personnels. D'emblée, ce faux journal inclut des détails très réalistes, puisque le personnage se pose des questions relatives aux finances de son ménage et entretient plusieurs petits trafics et travaux. S'il peine à vendre ses éventails au début du roman, ce père de famille passera par divers métiers par la suite, du transporteur momentané au calligraphe pour le poste de police. Ce souci de réalisme peut cependant paraître parfois trop scrupuleux, car des dizaines de pages sont parfois consacrées à des comptes ou le contenu de stocks de nourriture ou d'affaires. Cependant, Inoue révèle de-ci de-là des combines inattendues, ou le secret désir de la population pour de la viande ou du savon en bonne qualité.

 

Au fil de la lecture, cette vie accordée au rythme des finances et des occupations du jour est peu à peu troublée par les événements de la guerre. Là est le plus grand tour de force d'Inoue, celui de projeter dans un point de vue interne très terre-à-terre, se devant de construire ses journées avec rationalité en dépit des bombardements, des décisions gouvernementales inattendues. Or, c'est précisément à partir du moment où ce courageux comportement est mis à rude épreuve que le roman se révèle particulièrement prenant, voire bouleversant. Lorsque le personnage, habitué aux alarmes des bombes, apprend que sa fille et son gendre se trouvait sur l'un des lieux visés par les avions américains, l'instant d'émotion est saisissant. Le protagoniste et sa petite histoire plonge soudain au cœur de la tragédie historique, telle une prise de conscience de la guerre en son sens concret de destruction de vies. Le style montre ainsi finement cette sensation complexe du quotidien sous la guerre, qui n'est fait ni de tragédie grandiloquente ou de violence visible à tous les niveaux : au contraire, les semaines passent en contenant les mêmes habitudes, les mêmes bavardages entre voisins, et les questions essentielles se posent sans plus de gravité (que manger ? Où trouver à manger ? Comment gagner de l'argent ?) ; et le drame de la période déferle de manière inattendue, frappant brièvement au cœur de la banalité.

 

L'événement, qui arrive à mi-chemin du journal, amorce un changement dans la description quotidienne. En seconde partie du récit, Inoue livre en effet un passionnant témoignage sur une page méconnue de l'Occupation américaine. Face à un haut gradé des Etats-Unis, jeune intellectuel voulant oeuvrer pour le rétablissement du pays sous égide du pays Occidental, le narrateur doit affronter son projet de réforme de la langue japonaise. Celui-ci consiste à abandonner l'écriture des kanjis, pour la remplacer par des kanas simplifiés – notamment les katakanas, utilisée aujourd'hui pour écrire et prononcer des mots en grande partie d'origine anglaise. Dans le complexe échange entre celui qui veut sacrifier toute une partie de l'histoire linguistique et calligraphe du Japon, et celui qui, bien malgré lui, va devoir défendre la tradition, Inoue critique beaucoup la tentative de conquête du Japon par l'Occident. Et pose au-delà un regard sur les enjeux de conquête d'un pays.

 

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