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A Touch of Zen

Moderne et romanesque

A TOUCH OF ZEN (HSIA NU, 1969) – King Hu

Fleuron du wu xia pian – film de sabre – A Touch of Zen tire paradoxalement son charme de la rareté, bien dosée, de ses scènes d'action. A l'inverse d'un Chang Cheh étalant des combats épuisant ses héros jusqu'au martyr, King Hu préfère le romanesque, le suspense et le fantastique empreint de religion – principalement à caractère bouddhique, évidemment.

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En s'inspirant des œuvres de Pu Songling, King Hu découpe son film en trois parties alternant les genres, du film de fantômes à une ultime représentation mystique et fantasmagorique, en passant par l'action des combats de sabre, mais aussi de la réflexion stratégique. De cet ensemble dense s'impose néanmoins une première partie éblouissante, drainant les motifs singuliers du film. Fondé par de nombreux éléments mystérieux, rythmé par de longs mouvements de caméra embrassant langoureusement les décors, ce tiers inaugural trouble et fascine l'oeil. Le traitement de l'image y demeure singulier, pris dans un format d'image 2.35 à l'anamorphose surprenante dans les courbes et lignes de décors. Le plan paraît se ployer sous la voûte des couleurs éclatantes et dans sa restitution des bâtiments ancestraux, hantés, mystiques, majestueux dans leurs recoins balayés par les voiles et les éclairs de Lune. L'ingéniosité technique est réellement éblouissante dans son traitement de l'atmosphère, de l'approche des personnages, de ces motifs symboliques que sont la toile d'araignée, la lune brumeuse, l'orage et la nature agressive.

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King Hu met d'abord en place un début de récit hypnotique, choisissant d'y écarter longuement toute tentative d'explication ou d'éclaircissement sur les rapports de force en cours – à savoir la bataille d'une famille fuyant le joug d'un puissant eunuque impérial. L'identité des deux héros combattants demeure floue, les agissements sont noyés dans d'opaques lignes de dialogue, dans des regards et des gestes à la tension soulignée par une réalisation attentive. Si une telle lenteur dans le déploiement du récit aurait pu prêter à une structure laborieuse, il n'en est rien dans l'ouverture d'A Touch of Zen, lui permettant au contraire d'élever d'emblée son ton singulier, versé dans un mysticisme fantastique se personnifiant dans le moine bouddhiste surgissant sur le dernier tiers.

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Le personnage de Ku Sheng-chai (Chun Chih), petit calligraphe d'une citadelle, est d'abord l'intermédiaire approchant ces contours flous. La naïveté du personnage se révèle parfois trop accentuée dans le surjeu de l'acteur, mais se fait la porte accessible aux récits divers et aux intrigues de cour. Le protagoniste, d'abord pâle par rapport aux deux héros sabreurs du film, surprend plus dans le second temps du film, où il devient un redoutable stratège frôlant la folie par la découverte de sa propre méchanceté. La longue découverte, à l'aube, des résultats de son diabolique plan dans une demeure abandonnée, reste une mémorable séquence où se dévoile autant la cruauté du personnage en apparence le plus innocent que le charnier qu'il vient de causer.

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Au-delà de Sheng-chai, c'est l'entrechoquement entre l'écrivaillon paisible et les deux héros romanesques, maniant le sabre avec fougue et élégance, qui cristallise et construit entièrement le ton du film. La montée en puissance des relents fantastiques, malgré les explications rationnelles qui s'ensuivent, se fait prélude à un final ployant sous la mystification totale, où les codes de l'action cèdent vite le pas aux miracles de la force bouddhiste. De même, la logique implacable du grand affrontement au milieu du film, d'une stratégie jouant très précisément sur ce même tableau en faisant croire aux ennemis qu'ils font face à des fantômes, sera contrebalancée par le dernier tiers, qui s'arrache à toute forme de vraisemblance et s'ancre dans l'hallucination divine pure. Face à Ku Sheng-chai jaillissent ainsi la virtuose Yang Hui-chen (Hsu Feng), puis le fameux maître moine, Hui-Yuan (Roy Chiao), auquel le film accorde, non sans humour, une solidité absurde.

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Le protagoniste de Yang Hui-chen intrigue cependant plus, par son mystère tenant beaucoup au jeu de l'actrice, formidable héroïne. La chorégraphie se fait par écho de la féminité de son protagoniste certes le plus silencieux, mais néanmoins le plus actif. Le jeu des sabres et des bondissements de King Hu ont tout de la sensualité glissante, prônant plus le drapé tournoyant et la souplesse des jeux de jambes, en comparaison aux affronts plus virils et cinglants de Chang Cheh. Nul doute qu'A Touch of Zen imprime une influence encore durable sur le cinéma chinois, y compris contemporain. Yang Hui-chen se retrouve dans ses figures féminines fortes et passionnées présentes chez Tsui Hark et Zhang Yimou, et la fameuse scène des bambous subit sa reprise dans le Secret des Poignards volants (2004) de ce dernier.

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Néanmoins, ni Tsui Hark ni Zhang Yimou – sans leur retirer, évidemment, leurs sensibilités techniques et narratives – n'ont su égaler ce qui transparaît dans le final d'A Touch of Zen. Son audace y éclate les inspirations plus traditionnelles auparavant incarnées. Le rapport divin permet certes à King Hu de franchir les limites, au sens propre du terme, de sa pellicule ravagée par des surexpositions et des plans en négatif, mais c'est, plutôt que le discours, son extraordinaire modernité qui s'impose.

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