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Le Grondement de la montagne

Un Visage d'enfant

LE GRONDEMENT DE LA MONTAGNE (YAMA NO OTO – 1954) – Mikio Naruse

Programmé à la Maison de la Culture du Japon dans le cadre de son semestre dédié à Yasunari Kawabata, Le Grondement de la montagne, adapté du roman du célèbre écrivain, est, dans sa simplicité, le condensé d'une multitude de conditions troublantes sur le couple ou le fonctionnement familial.

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Yama no Oto s'attache à deux couples, installés dans la même maison, de générations différentes, et battant tous les deux de l'aile. D'une part, c'est le couple de Shingo (Sô Yamamura) et Yasuko (Teruko Nagaoka) qui, arrivant à des années de vie commune, s'enlise dans la routine et l'ennui. D'autre part celui de Kikuko (Setsuko Hara) et de Shuichi (Ken Uehara) qui est au contraire dans une absence de vie en couple. D'un côté l'usure, de l'autre l'inutilité. Le trop-plein sans surprise connu par Shingo, à la fois amusé et ennuyé par une vie conjugal qu'il connaît sous est moindres aspects et dont il ne peut envisager les modifications fait écho au vide inversé de Kikuko, qui est en dans une constante attente de réactions de son mari. Dès lors, une amitié tendre est posée entre Kikuko et Shingo, où l'attention de l'une répond à l'écoute de l'autre.

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La mise en scène de Naruse joue du microcosme. Nous sommes loin des quartiers d'Ozu ou du Tokyo organisé, mais bien plus dans des petits lieux de vie, rattachés au quotidien mondain japonais par d'infimes membranes – un bureau et une secrétaire pour le père, un appartement en banlieue pour le fils, des balades à bicyclettes pour la belle-fille – et abritant les tiraillements de chacun. Les murs et les pièces confinent chacun à son rôle et à des déplacements familiaux régulés, auxquels chaque protagoniste tente de se soustraire en aparté. Pour Shingo et Kikuko, il s'agit de trouver des lieux, à deux, où s'inscrivent de brefs moments de bonheur. Le chemin près de la maison devient le motif de cette idée : à plusieurs reprises dans le film, les deux personnages se croisent dans cette allée, le temps de respirer les fleurs ou de songer à la journée à venir. Un microscopique et discret bonheur passager transpire de ces marches à deux, où la tendresse de l'un envers l'autre se loge entre la bicyclette et l'attaché-case. De même, la trahison du personnage de Shuichi prend sens dans ce mouvement, elle est l'action poussée à l'extrême de se besoin de trouver des espaces en marge n'obéissant pas à la fonctionnalité du quotidien.

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L'écriture de Kawabata contient une ambiguïté tenace dans la description des couples. La relation entre Shingo et Kikuko vacille entre une tendresse purement familiale et une attirance jamais explicitée. Plus exactement, la beauté du rapport entre le beau-père et la belle-fille réside dans l'impossibilité de ce rapport. Le visage de Setsuko Hara berce à ce niveau les frontières du mystère et du cadre simple et dépouillé de Naruse. Son tendre ovale porte à la fois la charge de douceur qui bouleverse le beau-père tout autant que l'effort de l'apparence et de l'aveuglement. La charge du visage d'Hara ne fait que redoubler avec le symbolique masque proposé au père, masque de Nô normalement porté par les enfants. La mutation du personnage d'Hara bouleverse par la pulvérisation de son innocence : la révélation de son avortement la porte en statut de femme aux yeux du père qui ne voyait qu'une enfant dans le visage de sa belle-fille, et elle la fait accéder à un stade nouveau.

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Yama no oto saisit ces doux vacillements, derrière lesquels frémissent un trouble plus profond, et dont le visage de Setsuko Hara est la belle concrétisation.

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