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Black Coal

Là où la glace et le charbon sont de marbre...

BLACK COAL (BAI RI YAN HUO) - Diao Yinan

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Par sa texture, ou sa noirceur, Black Coal renvoie à People Mountain People Sea, sorti un an auparavant. Même travail autour des minerais des montagnes, même utilisation des codes de manière souple et dés-inquiété, rareté des explications, suprématie des gestes là où l'absurde immerge par touches dans un cadre très réaliste.... Le film de Cai Shangjun proposait cependant une sécheresse plus radicale, un regard bien plus acéré, car d'une véritable noirceur, proche de Zola en ce sens, que le Lion d'Or de 2014. Black Coal, à l'inverse, déçoit : son élégance et la beauté de sa réalisation ne suffisent pas à combler les lacunes d'un scénario balbutiant, et d'une enquête peinant à refléter les troubles de son personnage ou de sa société.

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La lenteur du film et de sa mise en scène pourraient tenir, dans un premier temps, à la mélancolie de ses personnages, tous en peine après la fuite de leur propre passé. L'inspecteur reçoit de plein fouet le départ de sa femme, avec laquelle il n'échange plus que quelques bribes sauvages et sexuelles. La veuve s'inscrit dès l'assassinat de son mari dans un effacement total, son visage étant noyé sous ses mains à sa première apparition. Cependant, le film offre peu d'ouverture sur le désarroi de ses protagonistes : il fait céder le potentiel dramatique et psychologique sous un travail atmosphère lancinant, pour ne pas dire nonchalant. Petit à petit, les séquences installent, sans pour autant les développer, des décors esthétisants, dont l'apparente composition soignée cachent la vanité d'une intrigue qui s'essouffle, et surtout d'une matière psychologique peu pétrie.

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Les néons glacials de la petite ville où se déroule la seconde enquête fournissent en effet dans un premier temps une atmosphère certes envoûtante, obscure et mystérieuse. Mais ces strates de lumières et d'air nocturne perdent de leur énergie, et surtout demeurent un arrière-plan constant aux évolutions – déjà peu palpitantes – de l'enquête. Par contraste, la saleté des champs de Memories of Murder (2003) constituaient aussi un visuel fort à l'enquête du film de Bong Joon-ho : peu à peu ces champs gagnaient en puissance dramatique, car devenaient le refuge et l'abri du tueur en cavale, le moyen d'échapper aux forces de l'ordre et de disparaître rapidement. Cette dimension n'apparaît point dans Black Coal, où la glace et le charbon fournissent au final un contexte quelconque. De même, et en guise de contrepoint, le charbon ou els carrières de People Mountain People Sea incarnaient, voire sublimaient, en particulier sur son final, la progressive descente aux enfers de son personnage principal. Dans le film de Diao Yinan, le charbon et la glace demeurent de marbre, indifférents aux destins des protagonistes.

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L'indifférence de Black Coal provient probablement de cette mélancolie dont il affuble ses personnages – remarquablement interprétés par Liao Fan et Lunmei Kwai. Le scénario développe tout d'abord autour de l'inspecteur et de la femme de la victime des troubles dépressifs et une forme de désespoir commun, que la réalisation imprime violemment. En quelque sorte, la mélancolie suinte et dépouille le film de tout son potentiel divertissant, de toute possibilité de suspense ou d'écriture, imposant un manteau de néons vacillant, de ciels sans nuages ni percées, de vapeurs métalliques et de déambulations sans but. L'esthétique confine à la répétition, et à la réutilisation presque glaciale des mêmes motifs, des mêmes mécaniques : deux méthodes d'assassinat identiques à plusieurs années de distance, deux tunnels et deux fusillades... Dans cette ténébreuse vision du monde, les feux d'artifice donnant leur titre original au film paraissent incongrus et maladroits, effort vain de poétique céleste parmi cette nonchalance noire et désespérée. Au moins Black Coal confirme une tendance plus torturée s'amorçant dans la nouvelle génération des cinéastes chinois. Après Cai Shangjun et Jia Zhangke avec A Touch of Sin, le film de Diao Yinan prolonge l'ère de la nostalgie noire. 

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