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People Mountain People Sea

Des montagnes aux enfers

PEOPLE MOUNTAIN PEOPLE SEA – Cai Shangjun

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Certains critiques y voyaient un western chinois, mais il s'agit plus d'un film noir dans les montagnes chinoises, teinté par l'esprit de Zola – dont le réalisateur affirme s'être inspiré. D'une carrière immense et d'une blancheur extrême aux profondeurs noires d'une mine illégale, le personnage de Lao Tie effectue une progressive descente aux enfers, traversant les bas-fonds et les couches exploitées de la société, à la recherche de l'assassin de son frère. Le film de Cai Shangjun refuse le pathos et le sentimentalisme et s'ancre dans une âpre observation des faits, préférant la précision de la mise en scène et la richesse des sons d'ambiance aux scènes de dialogue ou d'explication.

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Dans sa réalisation, Cai Shangjun succèderait presque à Jia Zhanke. La photographie du film, et son sens de la mise en scène, rejoignent dignement la latence des films de Zhanke, et chaque mouvement de caméra déploie un sens de la mise en scène et de la narration absolument sidérant. Rien que la première séquence, celle de l'assassinat, propose une esthétique hors du commun : le cadre et les choix de position des personnages déploient une intensité dramatique surprenante, car alliés à une forme de simplicité et de dépouillement provenant des lignes du décor, des collines désertes et inondées de soleil. Par la suite, le protagoniste du frère apparaîtra au beau milieu d'une carrière impressionnante, d'où jaillissent des effluves de poussière blanche et de roches friables. Les textures et l'éclairage ont une importance très forte dans le cadre de cette mise en scène, étant là pour rendre compte d'une atmosphère particulière, souvent angoissante. De bout en bout de son enquête, le frère va ainsi peu à peu passer des montagnes escarpées à l'ambiance bouillonnante et miséreuse de la ville, aux campagnes peuplées de moutons, jusqu'à ce final sidérant au sein d'une mine illégale, où ne règnent que la sueur luisant sur les peaux noircies des travailleurs clandestins.

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Le personnage de Lao Tie recherche au final plus l'assassin pour se donner une quête et une raison d'agir. Sa mort paraît si absurde et si naturellement acceptée – étant elle-même filmée au début comme un événement naturel – que toute action de vengeance paraît vaine. Sa quête se révèle plus une déconstruction progressive, où Lao Tie observe, se fait humilier, essaie de reprendre le pouvoir par la force, se rend dans les lieux sans réelle conviction, plus dans l'attente que dans la réalisation. Le film nous place autant en position d'observateurs des actions de Lao Tie que de ce qu'il découvre, à savoir une succession de portraits des couches les plus miséreuses de la société, des bas-fonds de la ville aux conditions inhumaines du travail dans les mines. Dans cette peinture noire et âpre, les rares séquences du quotidien de Lao Tie apparaissent comme des temps de suspension paisibles, le temps de déguster un repas ou de promener les moutons, comme si la seule échappatoire possible était de rester fidèle à la vie des montagnes.

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La sécheresse des scènes et de l'écriture, qui confine au dépouillement le plus complet, prêtent par fois à confusion. Le montage alterne en effet des scènes de contemplation, souvent des plans-séquences à la belle latence, avec de courtes et explosives bulles de violence. Ces choix provoquent soit une émotion brutale, soit une rupture de rythme assez désagréable pour la suite du récit. Hormis ces quelques moments de confusion, l'ensemble laisse une impression forte, film désespéré sur la vengeance ou la condition d'un homme progressivement précipité des montagnes aux enfers de la terre.

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