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Regards croisés sur Ozu

REGARDS CROISES SUR OZU

Le 16 novembre 2013 à la Maison de la Culture du Japon (Paris)

Intervenants présents : Fabrice Arduini, Diane Arnaud, Frédérique Berthet, Mathieu Capel, Basile Doganis, Antony Fiant, Rémi Fontanel, Mathias Lavin, Benjamin Thomas, Clélia Zernik

Le 16 novembre dernier, le petit auditorium de la MCJP accueillit une bonne centaine de personnes pour assister à la table ronde organisée autour de la sortie de l'ouvrage collectif Ozu à présent, rassemblant une diversité de textes s'interrogeant sur la place de Yasujiro Ozu dans le cinéma contemporain. La table ronde rendait à la fois compte des collaborations ayant construit cet ouvrage mais portait surtout un regard juste et pertinent sur cet emblématique cinéaste japonais, plus controversé et paradoxal qu'il n'y paraît.

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Tokyo Monogatari - Voyage à Tokyo (1953)

La journée était découpée en deux temps, construisant d'une part une définition contemporaine du cinéaste japonais, puis saisissant la répercussion de son travail sur d'autres réalisateurs, tels Wim Wenders, Pedro Costa, Claire Denis, Jia Zhangke... La diversité des intervenants, la plupart enseignants-chercheurs, mais comprenant aussi des plasticiens, a témoigné, tout au long de la journée, d'une pluralité de regards sur l'oeuvre d'Ozu. Loin de s'en limiter à une définition simple - telle celle, erronée et hâtive, de le qualifier de « réalisateur zen » - cette table ronde a permis une circulation de nuances, construisant ainsi un regard éminemment juste sur sa filmographie. On y a ainsi vu Ozu comme oscillant entre plusieurs contraires, à la fois le plus et le moins japonais des cinéastes, à la fois traditionnel et capable de faire preuve de modernité, ou bien pris entre la tranquillité paisible et une certaine cruauté. Des études très fines de certaines figures de son style – l'emploi réguliers des mêmes acteurs, le fameux regard-caméra dans les séquences de dialogues, le rapport à l'architecture japonaise – ont ensuite montré qu'Ozu effectue une utilisation habile et précise des codes et des pratiques de sa société, bien souvent pour en dévoiler les failles. La figure paternelle devient ainsi, dans les films d'Ozu, d'abord la preuve d'une autorité qui est parfois bousculée, démantelée, par une succession de micro-événements et de scènes. La seconde partie éclairait quant à elle le rapport de certains cinéastes étrangers à Ozu, montrant que ce cinéma bien particulier continuait d'exercer et de fasciner, de manière parfois spectrale et surprenante, bien souvent dans l'hommage. Les éléments du système d'Ozu peuvent se manifester dans des cinémas éminemment différents, notamment parce qu'ils présentent à la fois une certaine souplesse mais appellent à un vrai travail d'intégration et de construction. Un spécialiste de Claire Denis a ainsi attiré l'attention sur le double-langage chez le cinéaste japonais, double-langage et capacité d'agir à plusieurs niveaux dans un dialogue que Denis tente d'incorporer à ses récits.

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Le plus intéressant se révélait l'importance accordée à la modernité d'Ozu, détruisant cette idée reçue du traditionalisme ou du conservatisme qui constitue bien trop souvent l'étiquette du cinéaste japonais. Par des comparaisons avec Nagisa Oshima ou Shinji Fukazaku, les intervenants ont tour à tour démontré que les histoires d'Ozu se révélaient au final très contemporaines, très complexes dans leur structure, mais également d'une grande rigueur. Ozu s'est ainsi construit un système dont les motifs et intrigues se révèlent intégrés dans un premier temps pour être mieux détournés, dévoilés, ou encore pris dans des effets de rupture. « Cinéaste de la déraison » est ainsi une expression qui s'est plus imposée à cette table que celle du « plus japonais des cinéastes » (cette dernière étant la phrase très célèbre de Donald Richie).

Peut-être aurait-il été possible de plus définir la place d'Ozu dans le cinéma japonais actuel : Kiyoshi Kurosawa a été évoqué, mais certains cinéastes comme Hirokazu Kore-eda, Isao Takahata dans le domaine de l'animation, ou même Jiro Taniguchi dans le manga, sont des figures qui auraient pu surgir dans le débat. Ces « regards croisés sur Ozu » ont néanmoins poussé à revoir l'oeuvre de ce grand cinéaste japonais avec un nouvel éclairage plus nuancé et d'une meilleure justesse.

la page de l'événement : http://www.mcjp.fr/francais/cinema/regards-croises-sur-ozu-820/regards-croises-sur-ozu

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