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  • Lettre à Momo

    Momo et les monstres

    MOMO E NO TEGAMI - LETTRE A MOMO (2012) – Hiroyuki Okiura

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    Production du studio d'animation I.G. , avec lequel collabore Mamoru Oshii, mais qui a aussi apporté d'excellentes série tels que Kuroko no Basket, Psycho-Pass ou encore Attack on Titan – le dernier chouchou des passionnés de l'animation – Lettre à Momo arrive enfin sur nos écrans français, plus d'un an après sa sortie au Japon, mais uniquement sur une poignée d'écrans parisiens.

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    Lettre à Momo s'inspire de deux veines : d'une part, l'imaginaire relatif aux yokais, ces créatures à la fois Dieux, gardiens et esprits maléfiques, qui hantent les maisons anciennes et les livres de légende ; d'autre part, cet esprit paisible des campagnes japonaises qui constituent le fond pittoresque de bon nombre de films d'animation. L'arrivée de la jeune Momo dans sa nouvelle maison rappelle ainsi le prélude de Tonari no Totoro (Hayao Miyazaki) ou certaines scènes d'Ame et Yuki les Enfants-loups (Mamoru Hosoda), mais se révèle plus proche, sur la suite du récit, de l'atmosphère de la très belle série Natsume Yuuchinjou (Le Pacte des Yokais pour sa traduction française). Dans cette dernière, le jeune Natsume devient l'héritier du Livre des Yokais et se voit contraint de faire face et de supporter la présence bien souvent envahissante et tonitruante d'esprits que lui seul peut voir. La série suit ses aventures dans une forme de nonchalance paisible, accordant beaucoup d'espace à la nature, mais également aux phénomènes d'apparition des monstres. Il en est de même pour Momo e no Tegami, où la réalisation laisse le temps aux trois yokais d'apparaître devant Momo, notamment avec un jeu progressif dans l'animation. Les formes d'abord inconstantes qu'aperçoit Momo, de même que les voix dont elle reçoit des échos, s'affinent peu à peu, au fil de ses tentatives d'échappées, jusqu'à se concrétiser dans une étonnante scène sous les éclairs d'un orage. Cette approche progressive donne au film son condensé d'humour, d'autant plus que la jeune Momo, renfrognée et distante au début, se transforme vite en une fillette à l'hystérie aussi vive que les traits marqués des monstres auxquels elle est confrontée.

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    Natsume Yuuchinjou

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    Lettre à Momo

    Cependant, cette progression participe au grand défaut du film, à savoir son rythme ronronnante, nonchalant. Dans le cadre d'une série comme Natsume Yuuchinjou, cette lenteur de rythme fonctionnait car elle donnait son atmosphère mystique et étrange à l'ensemble. Mais, dans le film de Hiroyuki Okiura, elle paraît parfois agaçante, empêchant le film de véritablement décoller et devenir plus fantaisiste, loin des effets flamboyants de parades observés dans Le Voyage de Chihiro ou encore Paprika. Hormis le final efficace du film, avec une course sous un typhon évoquant Ponyo, les autres séquences d'action déçoivent, certes dynamiques dans leur animation, mais néanmoins classiques ou sans grande originalité. La séquence avec les sangliers, par exemple, se révèle ainsi amusante, mais sans grand intérêt dans ce qu'elle apporte au récit, et notamment au ressenti personnel de Momo.

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    En effet, le récit implicite aux aventures des yokais, à savoir cette fameuse « lettre à Momo » qui confère son titre au film, reste plus intéressant. L'ensemble du film aurait pu trouver plus de délicatesse et de maturité grâce à cette très jolie idée de base, cette lettre mystérieuse, inachevée, que Momo retrouve dans le bureau de son père peu de temps après son décès. Avec cette rencontre fantastique, la Momo déprimée qui ouvre le film, amorphe lorsqu'on lui parle, redevient sociable et dynamique, en réaction à ce qui lui arrive. Ce qui se révèle ainsi très beau dans le film, c'est ce progressif retour à la vie qui traverse le personnage, et qui s'effectue au travers de ces aventures. Dommage que le film reste dans un divertissant récit d'aventure plutôt que dans cette lecture.

  • Le Tombeau des Lucioles

    Un abri de lumière

    HOTARU NO HAKA - LE TOMBEAU DES LUCIOLES (1988) – Isao Takahata

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    Plus de 25 ans après sa sortie, Le Tombeau des Lucioles n'a pas perdu de sa force ni de son émotion. Le film de Takahata demeure une profonde expérience cinématographique, qui hisse l'animation japonaise à un véritable niveau de qualité, autant dans sa forme, subtile et novatrice, que dans sa texture narrative, intelligente et efficace.

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    Le film est une adaptation d'un roman de Akiyuki Nosaka. Comme souvent avec Takahata, la question de l'adaptation se révèle très importante, notamment parce que le cinéaste croit aux vertus d'un récit très écrit. Le scénario se révèle ainsi très équilibré, unissant deux temporalités et pris dans un rythme rendant compte de l'histoire intime autant que du portrait général du pays durant dans la guerre. Microcosme et macrocosme se lient, passé et présent se frôlent, tandis que les fantômes reviennent sur les lieux du drame. Le destin de ce frère et cette sœur témoigne ainsi de la situation de beaucoup d'orphelins, mais ne se départit jamais de la singularité qui caractérise les deux personnages, Seita et Setsuko.

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    Le film propose en effet un portrait d'une grande justesse concernant ces deux enfants. Leurs réactions, leur sensibilité tout autant que leur étonnante capacité de retrouver l'espoir, se révèlent au travers de courtes séquences où ces enfants tentent de survivre. Le doublage, d'une rare efficacité, des deux personnages participe à la force de ce portrait, tandis que l'animation, délicate et toujours d'une grande précision chez Takahata, traque chaque instant de vacillement, poursuit chaque moment de joie enfantine, et prend de la distance au moment opportun. Ainsi, une émouvante séquence de course-poursuite sur la plage, où les éclats de rire de Setsuko se mêlent aux grognements de Seita, cède le pas à une vision mélancolique de la mer, survolée par les clameurs de la guerre. En outre, le sens du détail touche également la description de la réalité quotidienne, minutieusement recomposée au travers de détails symbolisant la famine, comme le riz récupéré et économisé ou la boîte à bonbons. Celle-ci se fait en particulier l'écho troublant de l'enfance peu à peu broyée, de Setsuko progressivement amenée au bord de la folie, comme un corps usé et abandonné au bord d'un chemin.

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    Une véritable délicatesse se développe dans l'écriture et dans l'animation de ce film. Ces derniers y deviennent le moyen d'éveiller les peurs et les espoirs des personnages. La faim et la mort apparaissent de manière crue, comme ce terrifiant cadavre de la mère, substitué par cette image solaire du jeune homme exécutant des acrobaties pour distraire sa petite sœur et ne pas lui avouer la réalité. Ensuite, l'une des plus emblématiques séquences du film, illustrant bien cette animation délicate, reste cet abri éclairé poétiquement par les lucioles. L'espace s'y transforme, incarnant le rêve de Seita, cette forme de gloire brillante du passé qui illumine pendant quelques instants les parois rugueuses de l'abri.

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    Enfin, Le Tombeau des Lucioles parvient, sur sa dernière partie, à créer un véritable mémorial animé, d'une véritable émotion. La finesse de la réalisation et la force des images créent un espace dédié aux derniers souvenirs, à la réminiscence, à la poésie de quelques éclats de rire, de quelques pas maladroits sur l'herbe, du reflet d'une petite fille courant sous un drap blanc.