Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis
Goshu le violoncelliste
GOSHU LE VIOLONCELLISTE (1981) – Isao Takahata
Bien avant la création du studio Ghibli avec Hayao Miyazaki et le producteur Toshio Suzuki, Isao Takahata avait réalisé Goshu le violoncelliste, un petit film d'une heure initiant à la musique à travers le personnage de Goshu, jeune mélomane engagé dans un petit orchestre. A la veille d'une représentation, le musicien se fait sérieusement disputer par son chef d'orchestre, qui critique son jeu beaucoup trop lent et le décourage de toute interprétation.
Tout comme Piano Forest bien des années plus tard, l'animation est le moyen de transfigurer la vibration musicale et de laisser libre cours à l’expérimentation. Dès la scène d'ouverture, l'espace rural se transforme, en proie à une tempête dont la progression et la violence sont rythmées par le morceau répété par l'orchestre dans lequel joue Goshu. Par la suite, chaque intervalle musical, porté par un animal – le chat, le coucou, le tanuki et les souris – sera accompagné d'une vibration dans l'animation : de la dissonance expérimentale pour le chat à l'harmonie sensuelle pour les souris, chacun permet d'explorer, dans un minimalisme constant, une nouvelle facette de la musique. L'ensemble se prête presque à un film muet : les dialogues sont au final peu utiles, servant surtout à rétablir l'honneur du violoncelliste et à lui redonner confiance en lui, car c'est la précision de l'animation, des mimiques prêtées ou des gestes imprimés, qui en disent bien plus sur la psychologie et le ressenti de chacun. Nul doute que cette ambition passe à travers une séquence hommage où les villageois viennent assister à la projection d'un cartoon, tandis que joue l'orchestre, dans le petit cinéma de province.
On retrouve dans ce film le sens du quotidien propre à Takahata. En filigrane de l'évolution de Goshu se dessine un quotidien, paisible, au rythme bien plus latent et doux que ce que vit pendant plusieurs nuits le violoncelliste. Les paysans travaillent leurs champs, les charrettes se trimballent nonchalamment sur les routes de campagne, les enfants s'amusent au cinéma où sont projetés des dessins animés, et les animaux continuent d'aller et de venir sous le parquet de la demeure de Goshu. Au-delà de la réconciliation du personnage avec sa musique et son instrument, c'est peut-être aussi la modeste satisfaction de pouvoir vivre ce quotidien, de pouvoir y trouver sa place comme le démontre la séquence finale du film, qui importent le plus.