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Memories of Murder

Un monstre et des calamars en boîte

THE HOST (2006) – Bong Joon-Ho 

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Après le génial Memories of murder, portrait d'une Corée rurale impuissante face à la violence d'un assassin de jeunes femmes, le réalisateur coréen Bong Joon-ho s'était intéressé à une histoire d'un tout autre genre, puisqu'il livre avec The Host un film de monstre étonnant.

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Un monstre, sorte de calamar géant aux allures d'alien né de plusieurs produits chimiques verssés dans la rivière Yan, terrorise la population coréenne. Le film part de ce scénario classique, utilisant les codes du genre pour livrer également un regard personnel sur la situation dramatique et notamment la réaction du pays et de ses habitants. En apparence, tout comme Memories of murder, enquête criminelle haletante, The Host est ainsi un film de monstre aux multiples rebondissements, menant ses personnages du désarroi à l'assaut pour aboutir sur une scène finale, c'est à dire l'extermination du monstre. Mais même s'il reste traditionnel, le scénario reste bien maîtrisé et surprenant, cherchant toujours à explorer au maximum la situation, notamment le travail sur les égouts, profondeurs infinies qui obscurcissent encore l'espoir de retrouver la jeune fille. Cependant, Bong Joon-ho utilise cette histoire pour mieux dépeindre en toile de fond l'impuissance des autorités coréennes, le désarroi du pays et apporter sa touche d'humour personnel et décalé, tout comme il l'avait fait pour le fait divers des meurtres en zone rurale. 

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L'utilisation de personnages dérangés, sortes de marginaux naïfs et attachants, qui permettent tout le croustillant du film. C'est le destin, la lutte impossible d'une famille haute en couleurs et singulièrement en manque de lucidité qui intéresse le cinéaste, tout comme les recherches vaines des deux policiers de Memories of murder. Song Kang-ho, merveilleux acteur coréen, aussi à l'aise en truand cinglé (Le bon, la brute et le cinglé de Kim Jee-woon), qu'en doux garagiste (Secret Sunshine de Lee Chang-Dong) ou qu'en commissaire bourru et terre-à-terre (MofM) incarne le personnage principal avec toujours autant d'énergie et efficacité. Mais les autres interprètes amènent également du charme à la famille, de nombreux étant déjà présents dans le film précédent, comme le suspect qui incarne ici le frère (Park Hae-il). Si le film s'attache à décrire leurs péripéties et leurs malheurs, il fait cependant preuve au départ d'une certaine moquerie, surtout vis à vis de l'oisiveté de Gang-du, sorte de père immature qui va révéler sa ténacité, tout comme le commissaire Doo-man, peu intelligent au début qui va finalement être le plus lucide sur le final. Les personnages des films de Bong Joon-ho se révèlent toujours face à l'atrocité, démunis autant physiquement que moralement.

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Outre la famille déjantée, qui se révèle paradoxalement la plus courageuse, la Corée se voit également critiquée, à travers sa panique et paranoïa d'un virus inexistant. L'humour noir et cynique touche surtout les autorités, accrochées aux analyses des grandes puissances comme les Etats-Unis, et les équipes de désintoxications, surgissant maladroitement en plein rites funéraires publics. Évidemment, The Host est un film hautement plus impressionnant au niveau de l'échelle que le huis-clos rural et glauque de Memories of murder, multipliant les exemples de débarquements, arrestations et manifestations. De plus, les scènes d'action, agrémentées d'effets spéciaux efficaces, sont nombreuses et haletantes. Cependant, on peut reconnaître dans cet artifice le style de Bong Joon-ho : le goût pour les ralentis dramatiques, l'importance du regard, souvent presque caméra, la manière de filmer vertigineuse et un suspense maîtrisé grâce au travail sur les lieux et l'espace. Dans Memories of murder, l'assassin se cachait parmi des champs de blés boueux et denses tandis que le monstre tapisse les passerelles du pont ou les cavités des égouts. Le film joue en permanence sur l'obscur, le caché dans l'ombre, mais aussi la distance. La première apparition du monstre s'effectue de loin, insistant le doute sur sa forme, ou par la perception du son, amplifiant l'effet d'effroi.

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Le symbole du monstre se retrouve certes dans cette créature repoussante, visqueuse et barbare, mais il touche également les autorités, autant monstrueuses dans le traitement des « contaminés ». Si l'alien est traitée de manière inquiétante et horrifique, telle la scène violente lors de sa première apparition au bord du lac, toute la partie chirurgicale et toute l'agressivité policière sont dépeints avec un humour noir et une ironie hautement plus alarmants. L'exagération quant à la force du monstre (les ossements... et les multiples allusions aux calamars dégustés par Gang-du) permet d'établir de la distance vis à vis de son caractère artificiel pour dénoncer autant la folie des équipes médicales qui torturent, avec autant d'absurdité, le personnage principal. The Host s'avère particulier du fait de ce balancement entre le conte horrifique et captivant et l'humour grinçant qui met à distance. Même condensé qui se retrouvait dans Memories of murder, avec des scènes de meurtres crues et violentes et le quotidien morne de policiers stupides et incompétents.

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The Host, divertissement à la fois traditionnel et original, permet de confirmer les thèmes et le style d'un réalisateur coréen qui prend ici plus d'aisance et assurance sur un projet conséquent.

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