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Love Unto Waste

Les marginaux se retrouvent

LOVE UNTO WASTE (Stanley Kwan, 1986)

Love Unto Waste s'intéresse à une poignée de personnages désoeuvrés, gaspillant le meilleur de leur temps dans des amours malheureux et de nombreuses beuveries insensées. Dans ce film inégal, entre maladresses et fulgurances émouvantes, Stanley Kwan met en avant toute la frustration d'une jeunesse désabusée, en proie à la solitude et peinant à maintenir ses illusions, tout en dressant le portrait d'une Chine aux multiples visages.

Le héros Tony Cheung, incarné par un jeune Tony Leung, doit reprendre le commerce de riz de son père et se sent emprisonné par cette logique de succession familiale. Les femmes qu'il rencontre proviennent de Taïwan. En quête d'une vie urbaine luxueuse, elles rêvent de cet avenir dans les bars du soir et les karaokés, et traînent leurs longues silhouettes, désinvoltes. Les nombreuses scènes dans les bars ou les appartements démontrent cette lassitude née dans la répétition des fêtes et des déambulations, et où se suspend la question douloureuse d'un avenir incertain et d'un réel détachement à l'égard du reste de la société.

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Dans un premier temps, les personnages gravitent les uns autour des autres, entre fêtes d'anniversaires, soirées et visites d'appartement. Stanley Kwan les filme avec une distanciation discrète, dans une observation respectueuse de cette mollesse, approchant de temps en temps quelques détails intimes. Une des chanteuses de bar s'interrompt en plein milieu de sa chanson pour pleurer. Une autre évite la question « As-tu déjà avorté ? ». Une dernière, la mannequin Billie, ne cesse de se cacher derrière ses lunettes de soleil pour esquiver les confrontations. Et Tony observe ces femmes sans à peine comprendre leur tragédie, les admire par leur désinvolture et leur humour, attiré par les miroitements de leur appartement luxueux et leur mode de vie désintéressé.

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Le drame jaillit avec une violence fulgurante. La jeune chanteuse se fait assassiner par un voleur. Ce n'est pas tant la recherche du coupable qui fait évoluer le scénario, ni le doute quant à l'innocence des amis dans cet assassinat, mais bel et bien les failles révélées par l'entremise d'un nouveau protagoniste clé, le détective chargé de résoudre l'enquête. Interprété par un excellent Chow Yun-fat, ce rôle se révèle le plus nuancé de l'ensemble. Cet inspecteur paumé introduit une touche d'humour dans le drame agissant, par exemple, il accomplit ses exercices de gymnastique en plein interrogatoire, avant d'agir comme le catalyseur de toutes les frustrations. Il finit par intégrer le groupe d'amis au cours d'une soirée arrosée avec ceux qu'ils surveillent. Par lui, le spectateur s'introduit véritablement dans l'intimité de ces jeunes gens dont les désirs affleurent et dont les angoisses se révèlent, comme des lunettes se craquelant.

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A la fin du film ne restent plus que des regrets, des souffrances, des résidus d'avortement. Comme le personnage de Chow Yun-fat qui avoue avoir approché les jeunes gens juste pour les voir gaspiller leur vie, le spectateur a partagé ces Love Unto Wastes, ces amours déchus, ces vies consommées par le plaisir, incapables de retrouver le plaisir et leur place, brisées et délaissées. Le film dénonce cette solitude d'une certaine jeunesse isolée dans la société, ne parvenant pas à s'intégrer socialement. Seul cet inspecteur de police, connaissant des souffrances similaires depuis le départ de sa femme, s'intéresse au groupe et saisit leur solitude. Si ce très beau film laisse une trace d'amertume et de regrets, il laisse percer sur son plan final la possibilité d'une amitié entre ces êtres désoeuvrés. Les marginaux se retrouvent.

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